Quoique l’on pense du procédé référendaire et de ses
défauts, la consultation démocratique du peuple souverain vaut mieux que la
dictature qui s’impose à lui, d’où qu’elle vienne et quelle que soit sa forme.
La manière dont fonctionne la démocratie en Grèce
depuis l’élection de Georges Papandreou ne cesse de nous inquiéter. Voilà un
Premier ministre socialiste, qui, à peine élu, tourne le dos à son programme et
cède sans la moindre résistance au dictat que lui impose la finance
internationale.
On peut recevoir certaines critiques émises à l’encontre
de la Grèce, comme celle d’être depuis trop longtemps la mauvaise élève de l’Europe.
Mais l’entendre si souvent dénoncée comme un pays de tricheurs et de paresseux,
il y a une limite à ne pas franchir. Après que la Grèce est entrée dans la zone
euro, qui était alors au pouvoir ? La Droite libérale de M. Karamanlis,
laquelle a toujours refusé d’engager la moindre réforme fiscale permettant d’abolir
les privilèges exorbitants dont bénéficient les plus riches : les
armateurs et l’Église orthodoxe pour ne citer qu’eux. L’Union européenne savait
dès lors que la Grèce aurait beaucoup de difficultés à s’aligner sur les critères
de convergence. Elle n’a rien dit et a fermé les yeux. Comme elle continue de
le faire aujourd’hui en nommant M. Mario Draghi directeur de la BCE.
J’ai entendu ces derniers jours différents médias
nationaux réciter la biographie officielle de M. Mario Draghi. Étrangement,
aucun n’a eu l’audace de relever que l’homme qui va désormais présider à la
destinée de l’euro fut précédemment le principal dirigeant de la banque américaine
Goldman-Sachs pour l’Europe, responsable au premier chef de la crise des subprimes de 2007. Et qu’il fut aussi,
auprès du gouvernement grec de M. Karamanlis, le précieux conseiller qui aida à
maquiller les chiffres de la situation économique réelle du pays afin de lui
permettre de retarder la décision d’engager les réformes, notamment fiscales,
qui s’imposaient.
Pour toutes ces raisons, les plans d’austérité
successifs que la troïka composée du FMI, de la BCE et de la Commission européenne
– toutes institutions idéologiquement libérales – ont infligés avec une férocité
inouïe au peuple grec, sont totalement inacceptables. Le peuple grec, dans son
immense majorité, n’est en rien responsable du déficit et de la crise que ce
dernier a engendrée. C’est pourtant lui que la troïka veut faire payer, et de
quelle manière.
La troïka a mis la Grèce en coupe réglée comme on le
faisait au début du siècle dernier des pays colonisés, allant jusqu’à installer
ses sbires aux postes clés des administrations pour contrôler la mise en œuvre
effective des mesures iniques des plans d’austérité. Le tout, sous la tutelle
des institutions financières internationales qui ne cessent de se gaver de la
richesse produite par le travail des peuples qu’elles saignent à blanc. À quel
moment a-t-on demandé au peuple grec, peuple souverain, son avis sur les mesures
qu’on lui imposait et au nom de quelle logique ?
Observons la morgue de M. Nicolas Sarkozy et de Mme
Angela Merkel qui convoquent le Premier ministre grec à s’expliquer comme s’il
s’agissait de leur majordome. S’ils méprisent M. Papandreou qui s’est conduit
en lâche et a trahi la confiance de son peuple, ils pourraient au moins avoir quelques
égards pour le peuple grec, peuple souverain, membre à part entière de l’Union
européenne, dont il reste jusqu’à nouvel ordre le représentant.
Depuis 2008, d’atermoiements en demi-mesures, les
chefs d’États Allemands et Français, pourtant du même bord politique, ont été
incapables de s’accorder pour prendre les décisions fortes qui s’imposaient
afin de juguler la crise de la dette. Rappelez-vous, les moulinets et les
haussements de menton de Nicolas Sarkozy. On allait voir ce qu’on allait voir
avec les paradis fiscaux et les bonus des banquiers. On n’a rien vu que des
phrases creuses et des incantations pitoyables. Les caisses étaient vides nous
disait-il, mais comme par miracle, il a su trouver immédiatement les centaines
de milliards nécessaires à renflouer les banques. L’éternel bla bla de ceux qui
nous racontent, avec leurs soit disant experts, qu’il n’y a pas d’alternative
et qu’à tous nos maux une seule solution existe : rassurer les marchés.
Le script du mauvais scénario que nous observons
aujourd’hui et qui nous fait craindre le pire avait été décrit dans les
moindres détails depuis 2008 par Jean-Luc Mélenchon et Jacques Généreux. Ainsi
que les réponses à y apporter. Il suffisait pour cela de faire preuve de
pragmatisme et d’avoir le courage de reconnaître l’échec des politiques néolibérales
de dérégulation. Ce que, paradoxalement, ont commencé de faire les Américains.
De son fauteuil de député européen, Jean-Luc Mélenchon a pu observer le
comportement pitoyable de cette Europe qui, nous rabâchait-on, était là pour
nous protéger. Avec à sa tête le degré zéro du courage politique qu’est M. José-Manuel
Barroso et des pantins comme M. Herman Von Rompuy et Mme la baronne Ashton,
tous trois plus petits dénominateurs communs de la Droite libérale européenne
au pouvoir.
Il est donc désormais grand temps que le peuple grec
soit consulté. Posons-nous deux questions. D’abord, celle de savoir pourquoi la
BCE depuis sa création et sous l’égide de M. Trichet, a suivi sans déroger la
politique de l’euro fort et de la stabilité monétaire, favorisant délibérément
les rentiers au détriment de la croissance et de l’emploi avec pour conséquence
des dizaines de millions de chômeurs en Europe. Ensuite, celle de savoir ce que
nous aurions fait, nous Français, si notre gouvernement nous avait imposé le
quart de ce que nos amis grecs ont déjà enduré et qui n’a servi à rien puisqu’ils
sont aujourd’hui, en dépit de l’effacement de 50% de la dette publique, dans
une situation pire que celle du début de la crise de la dette souveraine.
Posons-nous ces deux questions car demain nous aurons nous aussi à y répondre.
Reynald
Harlaut
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