2 novembre 2011

Berceau de la démocratie, la Grèce n’abdiquera pas sa souveraineté sans se révolter



Quoique l’on pense du procédé référendaire et de ses défauts, la consultation démocratique du peuple souverain vaut mieux que la dictature qui s’impose à lui, d’où qu’elle vienne et quelle que soit sa forme.
La manière dont fonctionne la démocratie en Grèce depuis l’élection de Georges Papandreou ne cesse de nous inquiéter. Voilà un Premier ministre socialiste, qui, à peine élu, tourne le dos à son programme et cède sans la moindre résistance au dictat que lui impose la finance internationale.


On peut recevoir certaines critiques émises à l’encontre de la Grèce, comme celle d’être depuis trop longtemps la mauvaise élève de l’Europe. Mais l’entendre si souvent dénoncée comme un pays de tricheurs et de paresseux, il y a une limite à ne pas franchir. Après que la Grèce est entrée dans la zone euro, qui était alors au pouvoir ? La Droite libérale de M. Karamanlis, laquelle a toujours refusé d’engager la moindre réforme fiscale permettant d’abolir les privilèges exorbitants dont bénéficient les plus riches : les armateurs et l’Église orthodoxe pour ne citer qu’eux. L’Union européenne savait dès lors que la Grèce aurait beaucoup de difficultés à s’aligner sur les critères de convergence. Elle n’a rien dit et a fermé les yeux. Comme elle continue de le faire aujourd’hui en nommant M. Mario Draghi directeur de la BCE.
J’ai entendu ces derniers jours différents médias nationaux réciter la biographie officielle de M. Mario Draghi. Étrangement, aucun n’a eu l’audace de relever que l’homme qui va désormais présider à la destinée de l’euro fut précédemment le principal dirigeant de la banque américaine Goldman-Sachs pour l’Europe, responsable au premier chef de la crise des subprimes de 2007. Et qu’il fut aussi, auprès du gouvernement grec de M. Karamanlis, le précieux conseiller qui aida à maquiller les chiffres de la situation économique réelle du pays afin de lui permettre de retarder la décision d’engager les réformes, notamment fiscales, qui s’imposaient.
Pour toutes ces raisons, les plans d’austérité successifs que la troïka composée du FMI, de la BCE et de la Commission européenne – toutes institutions idéologiquement libérales – ont infligés avec une férocité inouïe au peuple grec, sont totalement inacceptables. Le peuple grec, dans son immense majorité, n’est en rien responsable du déficit et de la crise que ce dernier a engendrée. C’est pourtant lui que la troïka veut faire payer, et de quelle manière.
La troïka a mis la Grèce en coupe réglée comme on le faisait au début du siècle dernier des pays colonisés, allant jusqu’à installer ses sbires aux postes clés des administrations pour contrôler la mise en œuvre effective des mesures iniques des plans d’austérité. Le tout, sous la tutelle des institutions financières internationales qui ne cessent de se gaver de la richesse produite par le travail des peuples qu’elles saignent à blanc. À quel moment a-t-on demandé au peuple grec, peuple souverain, son avis sur les mesures qu’on lui imposait et au nom de quelle logique ?

Observons la morgue de M. Nicolas Sarkozy et de Mme Angela Merkel qui convoquent le Premier ministre grec à s’expliquer comme s’il s’agissait de leur majordome. S’ils méprisent M. Papandreou qui s’est conduit en lâche et a trahi la confiance de son peuple, ils pourraient au moins avoir quelques égards pour le peuple grec, peuple souverain, membre à part entière de l’Union européenne, dont il reste jusqu’à nouvel ordre le représentant.

Depuis 2008, d’atermoiements en demi-mesures, les chefs d’États Allemands et Français, pourtant du même bord politique, ont été incapables de s’accorder pour prendre les décisions fortes qui s’imposaient afin de juguler la crise de la dette. Rappelez-vous, les moulinets et les haussements de menton de Nicolas Sarkozy. On allait voir ce qu’on allait voir avec les paradis fiscaux et les bonus des banquiers. On n’a rien vu que des phrases creuses et des incantations pitoyables. Les caisses étaient vides nous disait-il, mais comme par miracle, il a su trouver immédiatement les centaines de milliards nécessaires à renflouer les banques. L’éternel bla bla de ceux qui nous racontent, avec leurs soit disant experts, qu’il n’y a pas d’alternative et qu’à tous nos maux une seule solution existe : rassurer les marchés.

Le script du mauvais scénario que nous observons aujourd’hui et qui nous fait craindre le pire avait été décrit dans les moindres détails depuis 2008 par Jean-Luc Mélenchon et Jacques Généreux. Ainsi que les réponses à y apporter. Il suffisait pour cela de faire preuve de pragmatisme et d’avoir le courage de reconnaître l’échec des politiques néolibérales de dérégulation. Ce que, paradoxalement, ont commencé de faire les Américains. De son fauteuil de député européen, Jean-Luc Mélenchon a pu observer le comportement pitoyable de cette Europe qui, nous rabâchait-on, était là pour nous protéger. Avec à sa tête le degré zéro du courage politique qu’est M. José-Manuel Barroso et des pantins comme M. Herman Von Rompuy et Mme la baronne Ashton, tous trois plus petits dénominateurs communs de la Droite libérale européenne au pouvoir.

Il est donc désormais grand temps que le peuple grec soit consulté. Posons-nous deux questions. D’abord, celle de savoir pourquoi la BCE depuis sa création et sous l’égide de M. Trichet, a suivi sans déroger la politique de l’euro fort et de la stabilité monétaire, favorisant délibérément les rentiers au détriment de la croissance et de l’emploi avec pour conséquence des dizaines de millions de chômeurs en Europe. Ensuite, celle de savoir ce que nous aurions fait, nous Français, si notre gouvernement nous avait imposé le quart de ce que nos amis grecs ont déjà enduré et qui n’a servi à rien puisqu’ils sont aujourd’hui, en dépit de l’effacement de 50% de la dette publique, dans une situation pire que celle du début de la crise de la dette souveraine. Posons-nous ces deux questions car demain nous aurons nous aussi à y répondre.

Reynald Harlaut

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