Dans une affaire d’espionnage jugée au tribunal de Nanterre, Pascale Robert-Diart,
journaliste au Monde, spécialiste de la Justice, a choisi de rapporter in extenso,
le réquisitoire du procureur Benjamin Branchet qu’elle « juge » exemplaire
compte tenu des menaces qui pèsent sur le cours normal de la justice et sur l’indépendance
des juges.
« Votre devoir est de dire
à tous ceux qui gravitent autour de la nébuleuse de l'intelligence
économique que l'état de droit ne saurait tolérer l'usage de procédés qui,
outre le fait de le blesser, instillent de manière sournoise dans l'esprit
collectif qu'en dehors de l'action régulière des pouvoirs publics, il existe
des groupes d'individus formant des officines privées et maîtrisant des
procédés d'investigation que seule la police républicaine est normalement
en droit d'utiliser et ce, dans le seul dessein de satisfaire des intérêts
privés.
Tout ce qui contribue à faire prospérer ce monde souterrain interlope
où règnent le secret, la clandestinité, l'application d'une loi qui n'est pas
celle de la République et l'intimidation doit être condamné avec fermeté.
Autrement, le citoyen achèvera une mithridatisation qui mettra en péril
le pacte social.
Lorsqu'il prend conscience qu'une société telle qu'EDF aussi réputée
dans le monde et dont la France peut s'enorgueillir, tolère sinon encourage le
recours à de telles pratiques, comment ce citoyen pourrait-il conserver une
totale confiance aux décideurs publics ou privés qui exigent de lui respect et
sacrifice financier?
Comment pourrait-il assurer à ses enfants que l'observation de la loi
est l'unique rempart contre l'arbitraire et l'abus de pouvoir, si la République
se double d'un univers régi par des normes dictées par la seule puissance
individuelle et qui se plaît à mettre en échec des règles dont le corps social
s'est démocratiquement doté ?
Ce type de dossier est emblématique et c'est l'honneur de la
justice que vous représentez aujourd'hui de rappeler à tous que l'égalité
devant la loi constitue certainement le socle sur lequel repose l'édifice
républicain. Le bâtir ne fut pas une mince affaire, l'histoire de notre pays en
est le témoin. Le laisser se fissurer nous exposerait tous à voir disparaître
avec effroi ce qui fait la grandeur de la France: la protection des droits
fondamentaux et la séparation des pouvoirs.
Nul ne doit se sentir autorisé à violer la loi, quels que soient sa
fonction, son passé et l'état de ses réseaux d'influence. C'est ce message
solennel que vous devez, par votre jugement, adresser aux prévenus. »
Le procureur avait
auparavant examiné les responsabilités individuelles des six prévenus de
cette affaire, dont celle de l'entreprise EDF poursuivie en qualité de personne
morale et requis
contre eux des peines de six mois à dix-huit mois ferme, assorties d'amende. Il
a également requis une amende de 1,5 million d'euros contre EDF.
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