Ricet Barrier ne verra pas refleurir les dahlias de sa ferme de
Montaligère, les fleurs que préférait Anne, sa femme, sa belle amoureuse. À
soixante dix huit ans, Ricet le malicieux troubadour, a tiré une dernière fois
sa révérence ce week-end, victime comme tant d’autres du terrible
« crabe ».
Avec Georges Brassens, Pierre Louki, disparu l’an
dernier, Anne Sylvestre bien vivante, il partageait la passion de la langue
française et l’amour absolu des mots. Avec eux aussi, il cultivait cette indépendance
d’esprit, ce refus de l’ordre établi, cette quête exigeante de liberté et de
responsabilité dont le seul nom prononcé fait peur au bourgeois : l’anarchie.
Esprit frondeur, pétillant, bouffeur de curés et de militaires, laïc sans
concessions, doté d’un solide bon sens paysan – propre à ses origines qu’il
revendiquait avec son accent si particulier –, il se situait bien au-delà des
chansons drôles qui le firent connaître du grand public comme « La Servante du château » ou « Isabelle, vlà l’printemps »,
« Les Vacanciers ».
Le Frères Jacques ne s’y trompèrent pas qui interprétèrent vingt et une des
chansons qu’il composa avec son fidèle complice Bernard Lelou. Des perles comme
« Dolly 25 ».
De lui, je conserverai l’inoubliable souvenir d’une soirée à la Maison des
jeunes du boulevard Jules Ferry à Louviers, dans les années soixante-dix. Une
soirée comme il les aimait, en petit comité, ressemblant davantage à une veillée
qu’à un concert, où, seul avec sa guitare, il nous enchanta deux heures durant.
Les pissenlits, qu’il avait si joliment chantés en terminant la chanson qu’il
leur avait consacrée par :
« Plus tard, on les mangera par en d’ssous,
Ce jour là, l’goût des pissenlits, j’m’en fous ». A eux aussi, il a fait un pied-de-nez. Il sera incinéré jeudi à
Clermont-Ferrand, près de ce Puy-de-Dôme qui, dans le lointain, ferme l’horizon
de Montaligère, le lieu où il vécut heureux.
Reynald Harlaut
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