15 janvier 2016

Déjà 23 000 à avoir signé l'appel pour une primaire à gauche

Nous sommes déjà plus de 23 000 à avoir répondu à l’Appel au débat et pour une primaire des gauches et des écologistes.

Merci à chacune et chacun d'entre-vous d'avoir rejoint notre volonté de ne pas se résigner au fatalisme politique qui mine notre démocratie et notre pays. Comme le disait ce matin Marie Desplechin sur France Inter : « Depuis des années on va voter à reculons. Ca suffit ! Ce ne sont pas de noms dont on a besoin à ce stade, mais de visions et d’idées ».

http://www.dailymotion.com/video/x3mcrdc_appel-pour-l-organisation-d-une-primaire-a-gauche-marie-desplechin-est-l-invitee-de-lea-salame_news

Mardi matin déjà Thomas Piketty, invité par Jean-Jacques Bourdin, le disait avec d’autres mots : « nous ne sommes plus en 1988 où pour tout débat le slogan était un « Tonton laisse pas béton » qui attendait que le Président en place se déclare à quelques mois de l'élection. Nous voulons du débat, du choix, et de l'évaluation. La défiance politique n'est pas une fatalité. »
http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/thomas-piketty-face-a-jean-jacques-bourdin-en-direct-733158.html.

Les initiateurs de cet appel (Julia Cagé, Dany Cohn-Bendit, Mariette Darrigrand, Marie Desplechin, Guillaume Duval, Romain Goupil, Yannick Jadot, Hervé Le Bras, Dominique Méda, Thomas Piketty et Michel Wieviorka) et des signataires ont tous exprimé avec force, depuis dimanche soir, notre détermination à créer du débat, à travailler à des pistes de réflexion et d’action commune pour les différentes sensibilités de gauche et les écologistes, à oxygéner la politique, à organiser un grand moment démocratique avec une belle primaire. Bref, contre tous les conservatismes qui sont déjà à la manœuvre pour nous expliquer que rien n’est possible, que rien ne doit changer, nous avons expliqué ce qu’il y a dans le manifeste que vous avez signé. http://notreprimaire.fr/2016/01/10/manifeste-pour-la-primaire-des-gauches-et-des-ecologistes/. Vous pouvez retrouver les interventions médiatiques sur http://notreprimaire.fr. Vous verrez qu’elles sont riches, fraîches et diverses.

D'abord un grand débat, ensuite un candidat ! Nous allons publier dans quelques jours différents textes pour ouvrir des pistes à mettre en débat entre nous et avec toute la société. Puis nous organiserons début février quatre premières réunions thématiques à laquelle chacune et chacun d'entre-vous sera invité, vous serez naturellement les premiers informés des lieux et dates.

23 000 signatures c'est beaucoup, mais ce n'est qu'un début. Nous devrons être beaucoup plus pour peser dans la préparation de 2017 et sur les appareils politiques. Chacune et chacun d'entre-nous doit agir pour être plus nombreux. Parlez de cette initiative autour de vous, envoyez des mails, communiquez l'adresse de la pétition à vos contacts et sur les réseaux sociaux https://www.change.org/p/mesdames-et-messieurs-les-responsables-des-partis-politiques-des-gauches-et-de-l-%C3%A9cologie-r%C3%A9-enchantons-le-d%C3%A9bat-politique-exigeons-une-primaire-des-gauches-et-des-%C3%A9cologistes. Si vous ne l'avez pas encore fait et êtes présents sur ces outils, abonnez vous au compte Twitter https://twitter.com/notreprimaire et « aimez » la page Facebook https://www.facebook.com/NotrePrimaire/

Ces débats, cette primaire, ça dépend de nous. Faisons les vivre en les faisant connaître, en y participant, en faisant signer l’Appel, en débattant, en s’engueulant s’il le faut ! Ré-emparons de la politique !

13 janvier 2016

Goodyear : Une justice forte avec les faibles et faible avec les forts


La condamnation à neuf mois de prison ferme à l’encontre des quelques syndicalistes de l’ancienne usine Goodyear est choquante. Cette décision prise par une justice certes indépendante, mais après des réquisitions ahurissantes de la part du procureur représentant l’Etat, l’est d’autant plus, qu’aucune violence physique n’a été exercée à l’encontre des deux cadres séquestrés. L’existence d’une violence morale d’un niveau somme toute supportable puisque les deux personnes en question ont retiré leur plainte est sans doute réelle. Comme toujours, il faudra placer sur les plateaux de la balance les insupportables effets des licenciements et des pertes d’emplois par centaines (1) ainsi qu’un geste aussi désespéré qu’éphémère.
Il ne fait pas de doute que la création d’une situation précaire voire humiliante pour les salariés résultant du mépris des responsables du groupe américain n’a pu qu’engendrer une rancœur et une amertume facilement compréhensibles.

Revenons à la décision de justice. Quels sont les buts avoués (ou non) des juges du tribunal d’Amiens et du gouvernement actuel ? Créer un climat d’inquiétude et de renoncement de la part des salariés menacés de perdre leur emploi ? Les empêcher d’engager une lutte dégageant un rapport de forces favorable pour sauver ce qui peut encore l’être ? Amener les syndicats à se coucher devant l’oppression qu’entraînent des décisions industrielles mortifères souvent motivées par l’appât du gain ?

J’avoue ne pas comprendre. Cogner si fort contre une séquestration de 48 heures sans nuire aux conditions de vie confortables des « victimes » de la part des « criminels » n’est pas un bon signal. J’espère que les juges de la cour d’appel sauront apprécier à sa juste mesure une attitude symbole de détresse et non d’agressivité. Il est heureux qu’une ministre — Mme Boitard — et que des députés socialistes (en plus de représentants de la gauche de la gauche) aient considéré comme outrancier le jugement d’Amiens. Personne ne pourrait en effet comprendre la mansuétude affichée à l’égard des délinquants en col blanc et le traitement brutal infligé aux salariés.

(1) Depuis le licenciement des salariés de Goodyear dont l’usine a été délocalisée en Russie, on a compté suicides, divorces, dépressions en pagaille. Si ce n’est pas de la violence…

11 janvier 2016

Un appel à l'organisation d'une primaire à gauche avant la prochaine élection présidentielle


Lors du dépouillement de la primaire à gauche en 2011 à Louviers. (photo JCH)
Le journal Libération publie, aujourd'hui, un appel signé par de nombreux élus et militants de gauche de tous partis et de tous horizons. Cet appel est destiné à permettre l'organisation d'une primaire ouverte à gauche avant la prochaine élection présidentielle. Elle devrait éviter la multiplicité des candidatures à gauche et empêcher que cette dernière soit absente du second tour. Je soutiens cet appel et vous invite à le signer également. Je publie les extraits principaux de l'appel.

« Nous refusons la passivité face à l’abstention, au vote Front national et à la droitisation de la société. Nous refusons les renoncements face aux inégalités sociales, à la dégradation environnementale, aux discriminations et à l’affaissement démocratique. Nous refusons la paralysie de nos institutions.

«Nous n’acceptons pas que la menace du FN, le risque terroriste et l’état d’urgence permanent servent de prétexte pour refuser de débattre des défis extraordinaires auxquels notre société est confrontée. Il n’y a pas de fatalité à l’impuissance politique. La France est riche de son énergie vitale et de ses talents qui aspirent à forger un avenir bienveillant. Nous voulons faire de la prochaine élection présidentielle la conclusion d’un débat approfondi qui est passionnément
désiré et attendu dans le pays.

«Nous voulons du contenu, des idées, des échanges exigeants. Nous appelons à une grande primaire des gauches et des écologistes. Notre primaire est la condition sine qua non pour qu’un candidat représente ces forces à l’élection présidentielle en incarnant le projet positif dont la France a besoin pour sortir de l’impasse. Elle est l’opportunité de refonder notre démocratie.
En signant cet appel, je m’engage à voter lors de la primaire des gauches et des écologistes. Je participerai dans la mesure du possible aux débats qui seront organisés pour la nourrir.

Signez et faites signer cet appel pour réanimer le débat politique, pour se réapproprier l’élection présidentielle, pour choisir notre candidat-e! »

10 janvier 2016

Des vœux sobres et dignes à la fédération de l'Eure du Parti socialiste


Marc-Antoine Jamet s'adresse aux militants socialistes de l'Eure. (photo JCH)
Annus horribilis. L’année 2015 restera pour la France une année horrible. Après les attentats du 7 janvier et du 13 novembre, l’insouciance a disparu de nos vies. Chacun et chacune d’entre nous doivent, dorénavant, faire preuve de vigilance. Notre art de vivre « sans haine et sans crainte » a été durablement entamé avec la mort de tous ces innocents, journalistes, juifs, policiers, amateurs de musique, de football ou heureux de partager un verre, morts pour ce qu’ils représentaient aux yeux de fanatiques ivres de violence : la vie contre la mort.

Et la Gauche là-dedans ? Le président de la République et le gouvernement ont réagi avec sang-froid et une grande maîtrise des situations. Pourquoi cette attitude à la fois courageuse et responsable est-elle devenue cette proposition de déchéance de nationalité contraire à toutes nos valeurs fondamentales. Marc Antoine Jamet, lors de ses vœux hier devant les militants de la fédération PS de l’Eure, s’en est ému. Tout comme il a attiré l’attention de ses camarades sur la réforme prévue du code du travail dans un sens inquiétant…

Mais avant d’évoquer 2016, il fallait bien tirer le bilan de 2015. Dans une ambiance globale morose pour le PS et la gauche, MAJ a mis en exergue la personnalité porteuse d’avenir de Nicolas Mayer-Rossignol, lequel a démontré des qualités personnelles et collectives exceptionnelles. Le président sortant du conseil régional de Haute-Normandie (avec ses colistiers) n’a raté la plus haute marche du podium que d’une courte tête. 4000 et quelques suffrages…lors d’un scrutin marqué par la présence, notamment dans l’Eure, d’un Front national à un niveau bien trop élevé. Mais aussi par une domination de la gauche dans 38 villes sur 55 à l’échelle de la Normandie réunifiée. Un motif d’espoir pour les futures municipales.

Pas d’élection dans l’année à venir. L’occasion, donc, de reconstituer des forces dont la gauche aura bien besoin en 2017. L’occasion de retrouver les valeurs essentielles d’un engagement humaniste, solidaire, fraternel. L’occasion enfin d’exprimer un refus de tous les projets de lois portant atteinte au patrimoine que nous ont légué les philosophes des lumières et les grandes voix de la gauche : Jaurès, Blum, Mendès France.

8 janvier 2016

François Mitterrand 1996-2016


François Mitterrand en visite au château de Gaillon. (photo Jean-Charles Houel)
Il y a vingt ans et un jour, le 8 janvier 1996, François Mitterrand nous quittait. Le chat de Château-Chinon, artisan et maître de son destin, avait, d’une certaine façon, choisi de mettre fin à son agonie. Loin du Mont Beuvray où il avait rêvé construire son tombeau, l’éternité qu’il attendait, enfin, s’ouvrait à lui. Au petit matin, Pierre Joxe, pour qui il ne pouvait y avoir de secret, en l’annonçant à Laurent Fabius, me l’apprit aussi. Jarnac, Chardonne, l’entre-deux-guerres, la Charente, celui qui reposait dans la chambre sans apprêt de l’avenue Frédéric Le Play n’était en rien mon père. Comme des millions de Français, j’ai pleuré sa disparition, orphelin d’un symbole, orphelin d’un  espoir. Il faut aujourd’hui rendre hommage à cet homme exceptionnel, l’hommage de la mémoire, de la reconnaissance et de la fidélité. Mais pas seulement… Par-delà le temps passé, au-dessus des clivages, celui qui fut, à partir du Congrès d’Epinay, pendant neuf ans le premier secrétaire du Parti Socialiste avant d’être pour deux mandats de sept ans le président de la République, le président de tous les Français, le chef de l’Etat, nous laisse un exemple, une leçon et un message.

L’exemple, c’est celui de la dignité. François Mitterrand ne s’en est pas départi un instant quatorze ans durant. Dignité, majesté diront ces critiques et ils ne manquaient pas, face aux obligations de sa charge et aux épreuves du pouvoir. Faut-il le regretter ? Certainement pas et pour une simple raison. On pouvait bien l’attaquer. On en avait rarement honte. En tenant son rang, dans le monde et à l’Elysée, il tenait le nôtre. Pour avoir une certaine idée de la France, il avait choisi d’avoir une certaine idée de lui-même. Ce n’était pas sans grandeur, ni sans vérité. Dignité, courage pensait ses amis et ils restent nombreux, tout au long du « combat honorable » qu’il a mené contre la maladie en osant, lui qui aimait tant la vie, regarder la mort en face. Qui peut, avant l’heure, revendiquer d’avoir ce cran ? Trois fois, à l’Elysée, à Liévin, à Solferino, avec d’autres, je l’ai vu tomber, s’effondrer, inerte, livide, cadavérique et, trois fois, je l’ai vu, de mes yeux vu, se relever comme ressuscité par un miracle qui n’était pas « uniquement » celui de la médecine. Son souffle, son instinct, sa survie, tout chez lui était politique. Une tribune, un micro, un discours et Lazare revenait parmi nous. Le verbe le refaisait chair.

La leçon, c’est celle de la ténacité. Combien de fois, au cours d’un long parcours politique, François Mitterrand, brocardé, raillé, vilipendé, calomnié, n’a-t-il pas été donné pour coulé, pour perdu, pour fini sans jamais cesser d’être égal à lui-même dans l’épreuve et le succès, dans la victoire et dans la défaite ? Il fut bassement insulté, injurié, humilié. Pour autant, les reproches qui lui étaient adressés n’étaient pas tous infondés. L’abeille n’avait pas toujours été architecte. Dans sa jeunesse française, sous l’occupation allemande et, encore, par des amitiés inconsidérées, il commit probablement de terribles fautes. Certaines, hors de leur époque, ne sont pas explicables. C’est dire qu’elles pouvaient l’être sur le moment. Quelques unes, demain comme hier, sont inacceptables. Elles resteront condamnables. Il était complexe. Ce n’est pas une excuse. Il était ambigu. Ce n’est pas une qualité. Il revendiquait ce clair-obscur. Etait-ce un art ? Etait-ce un jeu ? Il poussait, devant lui, comme chacun d’entre nous, mais à son échelle, évidemment plus grande, plus massive, un « misérable petit tas de secrets ». Il s’en défendait. Mais il le savait. Il avait des faiblesses. Mais il avait du génie. Il tenait dans sa main ce qu’il appelait « le talisman de la chance ». Il sût faire face à tous ses adversaires, surmonter tous les obstacles, remporter tous les défis. La France Unie ! Après deux tentatives vaines, en étant élu le 10 mai 1981, il a vaincu le sortilège, brisé l’implacable fatalité qui depuis un quart de siècle fermait à la gauche les portes du pouvoir. Là encore, il commit des erreurs. La tâche était rude. Les temps étaient durs. Une élection ne rend pas infaillible. Faisons la part de la paille et du grain. Devant l’Histoire, décentralisation, abolition de la peine de mort, libération des ondes, démocratie dans l’entreprise, construction européenne, son œuvre demeurera.

Le message, c’est celui de l’espérance. D’où il est, où qu’il soit, François Mitterrand nous rappelle, après l’avoir démontré, qu’il ne faut jamais désespérer. Je continue de croire en les forces de son esprit. Il suscitait l’aigreur, la jalousie, l’envie. Trop intelligent. Trop cultivé. Trop subtil. Ses ennemis disaient « florentin ». Depuis longtemps il avait transformé le sarcasme en compliment. Refusant de voir la haine que lui portaient ceux qui, dans un raccourci méprisant, l’appelaient Mitt-rand, il s’aveuglait, il se rassurait. Il avait une nature qui n’était pas aisé à saisir et à apprécier. Voilà tout. « Après avoir été le plus impopulaire des Français, disait-il, pourquoi n’en serais-je pas le mieux aimé ? ». Les années écoulées vont lui rendre justice. Aujourd’hui, avec le temps qui passe, cent ans après sa naissance, au-delà des tempêtes, du tumulte, des passions, un sondage nous apprend que deux tiers de nos compatriotes gardent un bon souvenir des années Mitterrand. Quel homme politique, quel homme d’Etat, quel homme tout court ne se satisferait d’un tel résultat ? Le modeste hommage que nous lui devons entre en résonance avec ce tribut posthume que rend le peuple français à un homme qui aura finalement incarné dans la légende des siècles, après quelques autres et pendant un long moment de notre histoire, la France, cette Nation qu’un des prédécesseurs de François Mitterrand, sans doute le plus illustre, appelait « son cher et vieux pays ».

Marc-Antoine Jamet
Premier secrétaire fédéral 

6 janvier 2016

Un état fort n'est pas forcément un état policier


Un état fort. C’est ainsi qu’Alain Juppé nous décrit la France qu’il imagine une fois parvenu au pouvoir c’est-à-dire à la présidence de la République. Porté par les flots déchainés des sondages, Alain Juppé, maire de Bordeaux, ancien Premier ministre, ex-exilé au Canada, blogueur devant l’éternel, sort, à petit feu, les livres qui valent projet présidentiel.

Alain Juppé.
Un état fort, donc. Et en lisant attentivement les mesures qu’il compte faire adopter par un futur parlement à ses bottes dans lesquelles il continue de se tenir droit, Alain Juppé ne va pas rassurer les électeurs de gauche dont certains, aujourd’hui, ont un faible pour lui. Si ses propositions économiques à venir sont du même tonneau que ses motivations en matière de sécurité, de justice, de police et de répression, les syndicats de salariés et quelques autres ont du mouron à se faire.

Alain Juppé est malin. Il est contre la déchéance de la nationalité qu’il juge inutile mais déclare qu’il voterait la proposition Hollande s’il était député. Il propose également de supprimer la circulaire actuelle sur les migrants, de cogner contre les parents de délinquants en leur coupant les vivres, de supprimer les réductions de peine, de revenir aux peines plancher…etc.etc. Alain Juppé est bien un homme de droite. Il pense à droite et n’a donc que très peu de différences idéologiques avec Sarkozy.

Il se trouve que les propositions de modification de la loi pénale avancée par Manuel Valls collent parfaitement avec l’état policier souhaité par la droite ; La mise sur la touche du juge judiciaire au bénéfice des procureurs devrait soulever les foules. Qu’on puisse pénétrer chez vous à deux heures du matin et fouiller votre véhicule sans discernement c’est-à-dire sans contrôle d’un magistrat indépendant du pouvoir ne laisse pas d’inquiéter. Il s’agit ni plus ni moins de maintenir l’état d’urgence sous une forme plus policée mais pas moins policière. Je ne doute pas que les associations de défense des droits de l’homme et des garanties attendues d’une démocratie mature vont se mettre en branle pour stopper les dérives en cours.

4 janvier 2016

L'IRFM, une indemnité parlementaire qui fait tache en période de disette


5770 euros ! C’est le montant de l’IRFM que touche chaque député mensuellement ! Cette indemnité pour frais fait l’objet de critiques déjà anciennes pour diverses raisons. La première est que cette indemnité ne fait l’objet d’aucun contrôle ni d’aucune obligation si ce n’est celle de ne pas utiliser cet argent lors des campagnes électorales. Pour la contester d’autres motivations sont avancées : complément de salaire, acquisition de biens immobiliers, confusion entre utilisation publique et usage privé puisque tout concourt à rendre cette indemnité très opaque et aussi très substantielle.

Tous ceux qui, parmi les élus de la nation tel Charles de Courson, ont tenté de réformer son existence se sont heurtés à un mur. Non pas le mur de l’argent mais le mur des habitudes et des situations privilégiées. Autant on peut comprendre qu’un élu de la nation soit défrayé pour ses déplacements, ses frais d’habillement, les dépenses d’équipement de sa permanence etc. autant le rituel mensuel versé sur un compte à part ne trouve pas de justification rationnelle s’il sert aux élus à arrondir leur fin de mois. Si les députés doivent, en théorie, reverser le trop plein de leur indemnité, bien peu s’en soucient. Il est loisible de comprendre leur faiblesse et la force de l’habitude face à des sommes non négligeables et si peu régulées.

Je viens de signer une pétition sur change.org proposant que l’argent versé au titre de l’IRFM soit utilisé autrement. Par exemple pour alimenter les budgets de la Défense, de l’Intérieur ou de la Justice, autant de dépenses bien utiles en ces temps de menace terroriste. Je sais que certains crieront à la démagogie, au poujadisme, à l’antiparlementarisme…mais comme de nombreux députés ont demandé, eux-mêmes, une révision des usages, je pense qu’il ne faut pas se montrer plus royaliste que le roi et se rendre à l’évidence : cette IRFM fait tache quand tant de Français ont du mal à joindre les deux bouts.

2 janvier 2016

Les Français plébiscitent un renouvellement du personnel politique


Un sondage Odoxa sur le jugement des Français à l’égard du monde politique est éloquent et contradictoire. S’ils sont immensément favorables à un renouvellement de la vie politique en France et donc à un renouvellement des hommes (puisque les femmes sont quasi absentes du pouvoir) ils approuvent quand même majoritairement la candidature d’Alain Juppé à la prochaine présidentielle contrairement à celles de François Hollande et de Nicolas Sarkozy. Alain Juppé n’est donc pas un perdreau de l’année et son âge n’en fait pas un petit jeune qui monte. Et pourtant…

Bruno Le Maire est nouveau mais tellement vieux dans sa tête.
Les sondés sont également archi favorables au non cumul des mandats que l’ex-UMP veut revoir (pour supprimer les mesures limitatives applicables en 2017) et que certains politiciens de droite mais de gauche aussi malheureusement cultivent avec abondance. Le non cumul des mandats et la limitation du nombre de mandats dans le temps sont deux mesures impératives puisque les défaites subies n’entraînent pas (contrairement aux démocraties anglo-saxonnes ou nordiques, en Espagne aussi) dans notre beau pays la disparition de la scène politique des perdants. Au contraire. Ils s’accrochent à leur situation et leur notoriété lesquelles, il est vrai, présentent bien des avantages.

Etrange démocratie que la démocratie française. Elle épuise dans tous les sens du terme son personnel politique mais limite l’accession aux responsabilités des femmes, des Français issus de l’immigration, des classes sociales considérées comme non élitistes. Les textes destinés à améliorer son fonctionnement sont systématiquement vidés de leur substance ou considérés comme dangereux (cf. le vote des étrangers aux élections locales). Quelqu’un a dit récemment : « le système est à bout de souffle. » Si les politiciens ne prennent pas eux-mêmes conscience de la nécessaire précarité de leur état, il ne serait pas étonnant que les citoyens soient obligés d’agir à leur place. Dès lors, le pire du pire pourrait nous pendre au nez.

Le 23 janvier à Louviers Eric Roussel évoquera la vie de François Mitterrand


Je viens de terminer la lecture de la biographie de François Mitterrand écrite par Eric Roussel. De ce livre important et passionnant, on retiendra la personnalité exceptionnelle de l’ancien président de la République élu en 1981 après son échec de 1974 face à Valéry Giscard d’Estaing et celui de 1965 contre le général De Gaulle.

Dernière page de couverture du livre d'Eric Roussel.
Exceptionnelle est bien le mot puisque François Mitterrand, situé à la droite de la droite pendant sa jeunesse et finalement maréchaliste jusqu’à la mi 43, effectua ensuite et progressivement plusieurs virages : d’authentique résistant de 1943 à 1944, il devint 13 fois ministre sous la 4e République et évolua ensuite à gauche pour prendre la tête du Parti socialiste, réduire l’influence du Parti communiste, et enfin devenir le premier des Français, son but avoué dès sa plus tendre enfance. Si l’on ajoute au portrait ses « affaires » (l'observatoire, le Rainbow warrior, les Irlandais de Vincennes etc.) ses pérégrinations sentimentales, on comprend que François Mitterrand, comme l’a justement décrit Laurent Fabius, est un personnage dont le trait principal est l’ambivalence.

Eric Roussel sera présent à Louviers le 23 janvier prochain à 16 heures dans le cadre des conférences de la Société d’études diverses. Les Lovériens et tous ceux que la vie politique passionne ne manqueront pas d’assister à celle qu’il y donnera pour tenter de comprendre la trajectoire d’un homme supérieurement intelligent, cultivé, courageux, secret, machiavélien, parfois cynique, souvent distant mais toujours fidèle en amitié quels que soient les hommes et leurs travers.

30 décembre 2015

Déchéance de la nationalité, un texte de Pierre Joxe sur le site Mediapart : « La gauche est bien vivante »


Pierre Joxe
Voici le texte de Pierre Joxe paru ce jour sur le site d'information Mediapart : 


« Bonne année ! Bonne nouvelle ! La gauche est bien vivante !
On pensait bien – malgré les mots crispés d’un oracle nerveux au regard sombre –, on savait bien que non, la gauche ne pouvait pas mourir.
Mais aujourd’hui on le voit bien : elle est en pleine santé la gauche, jeune, claire et tonique, affirmant sa volonté avec confiance et s’adressant – comme il convient – à l’armature démocratique de la République, aux représentants du peuple, ceux qui sont les seuls, tous ensemble, à pouvoir faire la Loi, expression de la volonté générale : les parlementaires.
Jugez vous-mêmes. Allez les lire !
Je les cite ici :
« Les Jeunes Socialistes déplorent le choix fait par le gouvernement…
« Permettre la déchéance de nationalité de binationaux, même lorsqu’ils sont nés en France, crée une inégalité de droit entre les citoyens. Cette mesure place les Français binationaux sous un régime juridique différent de celui de tous les autres Français. Elle fige une différence symbolique et de droit entre les citoyens français.
« Cette mesure ouvre une brèche dans le droit du sol, qui fait partie de notre identité républicaine et qui est attaqué depuis des décennies par l’extrême droite.
« Cette mesure est surtout inefficace car elle n’a aucun caractère dissuasif. En effet, comment imaginer que des fanatiques puissent renoncer à commettre des actes sanglants par peur de perdre leur nationalité française alors qu’ils sont prêts à mourir ?
« Si cette mesure est autant contestée et avait été écartée par le gouvernement à la suite des attentats de janvier, c’est sans doute parce qu’elle heurte nos valeurs de justice, notre conception de la République, et que son inefficacité est certaine.
« Les Jeunes Socialistes espèrent que la sagesse parlementaire permettra d’écarter cette mesure et de concentrer l’action de l’Etat sur ce qui permet de lutter efficacement contre le terrorisme, et de préserver notre modèle démocratique et républicain pour l’égalité de tous les citoyens. »
Ces Jeunes Socialistes ont bien raison de se tourner vers le Parlement, car en France la Loi ne découle pas d’un discours, même proféré à Versailles.
Et la Constitution ne peut être modifiée que par un référendum ou par une majorité dite « qualifiée » de 3/5 des parlementaires – et non par la bouche cousue d’un Conseil des ministres surpris.
Ces jeunes socialistes ont bien raison de défendre des valeurs.
Non, ils ne « s’égarent » pas – comme le leur reproche ingénument un Premier Ministre feignant d’ignorer que, bien au contraire, c’est en oubliant leurs valeurs que de vieux socialistes « égarés » ont jadis déconsidéré la gauche, détruit pour dix ans leur Parti et abattu la IVRépublique.
Non seulement ces Jeunes Socialistes ne s’égarent pas, mais ils donnent le bon exemple, un exemple saisissant. Dans un texte vibrant d’indignation contenue, ils montrent qu’ils ont parfaitement assimilé les aspects juridiques les plus ardus de ce dossier complexe.
Ils ont décrypté les réserves polies et les hésitations précautionneuses des quatre-vingts honorables membres de l’Assemblée générale du Conseil d’Etat évoquant la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ils ont bien compris la portée de la jurisprudence ancienne et récente du Conseil constitutionnel, non seulement sur l’état d’urgence, mais surtout sur la déchéance de nationalité.
Ils ont bien lu le stupéfiant exposé des motifs du projet (n° 3381) de réforme constitutionnelle.
Comme ce texte officiel semble être passé inaperçu, j’en cite cet extrait éclairant, facilement consultable sur le site de l’Assemblée : 
« ... pour des personnes nées françaises, les lois républicaines n’ont jamais retenu la possibilité d’une déchéance de nationalité... Il en a d’abord été ainsi de la Loi du 7 avril 1915 puis avec la Loi du 10 août 1927 ainsi qu’avec le Décret-loi du 12 novembre 1938... Ainsi toutes les caractéristiques dégagées par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence sont réunies pour qu’il existe un principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à l’absence de possibilité de déchéance de nationalité pour une personne née française même si elle possède une autre nationalité » (Ass. Nat. : projet n° 3381, exposé des motifs).
Oui, c’est bien « notre conception de la République », invoquée à juste titre par les Jeunes Socialistes, qui est en cause. Et qu’un socialiste adulte, encore jeune, mais déjà très mûr, puisse proférer qu’« une partie de la gauche s’égare au nom de grandes valeurs », cela rappelle de vieux et mauvais souvenirs.
Heureusement peut-être, entre précipitation et velléités, la longue liste des « Projets de réformes constitutionnelles » exhibés puis enterrés depuis bientôt trois ans peut laisser penser que l’explosif effet d’annonce d’aujourd’hui va disparaître dans l’effet de souffle qu’il a provoqué...
On ne le regrettera pas.
On regrettera peut-être davantage les réformes annoncées, rédigées et mises au congélateur depuis trois ans, comme en particulier :
Tous ces projets déposés en 2013, consultables sur le site internet de l’Assemblée, confiés au rapport du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, et tombés rapidement dans l’oubli... parfois sans qu’un rapport soit rédigé !
Souhaitons cette douce euthanasie au projet n° 3381 et félicitons les Jeunes Socialistes. Quand on les lit, on n’a pas peur : la gauche est bien vivante.
*
On le sait, qu’un ou plusieurs personnages politiques parvenus au pouvoir changent d’avis, renient leurs promesses ou oublient tel ou tel engagement pris publiquement, ce n’est pas un phénomène rare.
On l’a déjà constaté en France sous la Ve République ; mais aussi sous la IVe – qui en est morte ; sous la IIIe et déjà sous la IIe République – celle de Badinguet ; sans oublier notre Première République – celle de la Terreur.
Ce qui est singulier dans les circonstances présentes, c’est le contraste entre certaines déclarations passées – mais récentes – et les décisions qui les contredisent.
Ce contraste éclate entre les propos tenus en 2010 contre les propositions de Sarkozy pour l’extension de la déchéance de nationalité. On pouvait lire à l’époque dans Le Figaro :
« “Est-ce que c’est conforme à notre histoire, nos traditions, notre Constitution, quand on sait que depuis 1889, la nationalité française s’exerce par la naissance et s’acquiert par mariage au bout de quelques années après un contrôle? (...) Pourquoi remettrait-on en cause ces principes essentiels ? (...) C’est finalement attentatoire à ce qu’est finalement la tradition républicaine et en aucune façon protecteur pour les citoyens”, a jugé le député de Corrèze. Interrogé sur les réserves exprimées par Bernard Kouchner, Hervé Morin ou Fadela Amara sur le virage sécuritaire du chef de l’Etat, François Hollande a répondu que ces ministres avaient “leurs responsabilités entre leurs mains” » (Le Figaro du 31 août 2010).
Décalage singulier aujourd’hui entre l’effet juridique espéré d’une décision controversée et l’effet politique instantané : soudain, la gauche anesthésiée se réveille.
Tous mes vœux. »

Pierre Joxe 
Avocat au Barreau de Paris
Membre honoraire du Parlement
Membre honoraire du Conseil constitutionnel
Premier président honoraire de la Cour des comptes