La condamnation à neuf mois
de prison ferme à l’encontre des quelques syndicalistes de l’ancienne usine
Goodyear est choquante. Cette décision prise par une justice certes indépendante,
mais après des réquisitions ahurissantes de la part du procureur représentant
l’Etat, l’est d’autant plus, qu’aucune violence physique n’a été exercée à
l’encontre des deux cadres séquestrés. L’existence d’une violence morale d’un
niveau somme toute supportable puisque les deux personnes en question ont
retiré leur plainte est sans doute réelle. Comme toujours, il faudra placer sur
les plateaux de la balance les insupportables effets des licenciements et des
pertes d’emplois par centaines (1) ainsi qu’un geste aussi désespéré
qu’éphémère.
Il ne fait pas de doute que
la création d’une situation précaire voire humiliante pour les salariés
résultant du mépris des responsables du groupe américain n’a pu qu’engendrer
une rancœur et une amertume facilement compréhensibles.
Revenons à la décision de
justice. Quels sont les buts avoués (ou non) des juges du tribunal
d’Amiens et du gouvernement actuel ? Créer un climat d’inquiétude et de
renoncement de la part des salariés menacés de perdre leur emploi ? Les
empêcher d’engager une lutte dégageant un rapport de forces favorable pour
sauver ce qui peut encore l’être ? Amener les syndicats à se coucher
devant l’oppression qu’entraînent des décisions industrielles mortifères souvent
motivées par l’appât du gain ?
J’avoue ne pas comprendre.
Cogner si fort contre une séquestration de 48 heures sans nuire aux conditions
de vie confortables des « victimes » de la part des « criminels » n’est pas un
bon signal. J’espère que les juges de la cour d’appel sauront apprécier à sa
juste mesure une attitude symbole de détresse et non d’agressivité. Il est
heureux qu’une ministre — Mme Boitard — et que des députés socialistes (en plus
de représentants de la gauche de la gauche) aient considéré comme outrancier le
jugement d’Amiens. Personne ne pourrait en effet comprendre la mansuétude
affichée à l’égard des délinquants en col blanc et le traitement brutal infligé
aux salariés.
(1) Depuis le licenciement
des salariés de Goodyear dont l’usine a été délocalisée en Russie, on a compté
suicides, divorces, dépressions en pagaille. Si ce n’est pas de la violence…
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