Serge Moati. (DR) |
Le documentaire réalisé par
Serge Moati et Alice Cohen sur l’état actuel de la franc-maçonnerie dans notre
pays diffusé hier soir, sur la 3, a permis de casser quelques pattes au canard faisant
des loges maçonniques des organisations secrètes, sulfureuses, hyper-influentes dans
le système institutionnel français. Serge Moati, lui-même maçon jusqu’en 1982,
et en distance depuis, a très bien expliqué en quoi la maçonnerie l’avait aidé
sur le plan personnel à se construire et à se situer dans la société. Poursuivant l'œuvre paternelle, l'ancien directeur de la 3 a situé son parcours dans une fidélité à des idéaux et une façon de vivre plus harmonieuse.
Le parcours initiatique du
frère maçon est lent, progressif. Il faut en apprendre les rites, les degrés.
Le mot qui revient sans cesse est celui de fraternité et maintenant de sororité
puisque les femmes, notamment au sein du Grand Orient de France, sont admises
en maçonnerie depuis peu, laquelle fut depuis le 18e siècle exclusivement réservée
aux hommes (1). Cette fraternité permet à des chefs d’entreprises de côtoyer des
syndicalistes, à des politiques de droite d’écouter des politiques de gauche.
Car l’écoute et le respect de l’autre sont des mots forts en maçonnerie. Est-ce
possible ? Est-ce sincère ? Les frères maçons affirment que oui.
N’étant pas moi-même
franc-maçon, je peux parler librement de cet engagement humaniste, spirituel,
dans le sens qu’André Malraux donnait à ce mot, et le documentaire de Serge
Moati, s’il ne couvre pas l’ensemble du champ de l’activité maçonnique,
parvient à faire comprendre pourquoi les francs-maçons ont été systématiquement
interdits et pourchassés sous l’occupation allemande et la Révolution nationale
de Pétain. Il n’y a pas place pour des esprits libres et ouverts dans une
dictature de la pensée.
Au cours du débat qui a
suivi la projection du documentaire, Carole Gaesler la journaliste de la chaîne publique, a bien évidemment posé la
question du « secret ». Pourquoi les francs-maçons cultivent-ils aussi bien le
goût de la discrétion ? La réponse est simple : il s’agit d’un engagement
individuel, d’un cheminement spécifique qui n’engage que la personne concernée.
Chaque membre d’une obédience peut parler en son nom et faire son coming out s’il
le souhaite. Rien ne l’interdit dans les textes. Mais la tradition veut qu’on
ne parle pas au nom des autres…
Le procureur de Montgolfier,
interrogé par Serge Moati sur la soi-disant puissance solidaire des maçons dans
la magistrature a reconnu qu’il ne s’agissait que d’une minorité… mais l’existence
des Fraternelles (organisation professionnelle de maçons de loges différentes) fait
peser un doute sur ce qui pourrait être interprété comme une manière de
sauvegarder des intérêts ou d’obtenir des avantages. Les maçons interrogés ne
sont d’ailleurs pas unanimes sur le rôle de ces fraternelles.
Le documentaire de Serge
Moati et Alice Cohen a eu le mérite d’éclairer le profane sur un engagement très
minoritaire en France mais au pouvoir réel ou supposé qui semble n’avoir plus
aucun point commun avec celui des politiques de la 3e République.
Leur influence a quand même permis de voter la séparation des églises et de l’Etat,
de doter la France d’une loi sur les associations exemplaire dans le monde. La
république et la laïcité demeurant les deux mamelles nourricières de la
franc-maçonnerie contemporaine. En ces temps de crise et d'interrogations, il n'est peut-être pas mauvais que des hommes et des femmes de convictions réfléchissent à une société nouvelle, une société meilleure dans laquelle la liberté et l'égalité auraient autant de poids que la fraternité.
(1) Le grand Orient de France (50 000 membres) et la Grande loge de France (34 000 membres) sont les deux obédiences principales en France. Il y aurait 4 millions de francs-maçons dans le monde.
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