Mohamed Ghezali. (photo JCH) |
A l’occasion du 50e
anniversaire de la création du Théâtre du Soleil par Ariane Mnouchkine, le
journal Le Monde a lancé un appel à témoignages pour permettre aux lecteurs de
raconter un moment privilégié de leur rencontre avec la troupe de la
Cartoucherie de Vincennes. Des nombreux spectacles mis en scène par Ariane
Mnouchkine, 1789 connut un succès considérable en France et au-delà de nos
frontières. Les costumes, les décors, les comédiens et comédiennes, les éclairages,
tout dans la mise en scène réjouissait l’esprit et les sens.
Si j’évoque le Théâtre du
Soleil c’est parce que Louviers fut lié pendant une semaine avec la Cartoucherie.
A Louviers en 1972, un conflit dur, long, a opposé la direction de l’usine
Zimmerfer et ses salariés immigrés, notamment originaires du Maghreb. Ses
derniers étaient hébergés par leur patron dans des conditions insalubres et
surtout selon des méthodes économiques scandaleuses. Les ouvriers se relayaient
sur la même couche en fonction des horaires de travail et le reste à l’avenant.
Appelons les choses par le nom, il s’agissait ni plus ni moins d’une
exploitation de l’homme par l’homme, exploitation qui devait cesser.
Le mouvement, parti des
salariés eux-mêmes, fut soutenu par le CAG (Comité d’action de gauche de
Louviers) des prêtres solidaires, et des syndicalistes de la CFDT. Le clou de
la réussite fut l’arrivée à Louviers de Daniel Anselme et des militants des
Cahiers de Mai. A peine sortis du conflit LIP à Besançon, ses théoriciens de la
révolution « douce » apportèrent leur savoir, leur méthodologie, leur journal, une forme d’organisation
très efficace. Il faut dire aussi que le mouvement des salariés avait à sa tête
un leader charismatique, Mohamed Ghezali, calme, inventif, au courage moral et
physique à toute épreuve.
le conflit dura plusieurs semaines mais les grévistes finirent par obtenir gain de cause. (photo JCH) |
Ariane Mnouchkine, informée
par la presse nationale de ce mouvement pour la dignité contre l’esclavage
moderne, accepta de recevoir pendant une semaine à Vincennes, une délégation de
grévistes de Zimmerfer. Après les représentations, Mohamed Ghezali lisait un
texte expliquant les raisons du conflit et les espoirs qu’il suscitait.
Inutile de préciser que les
spectateurs, touchant du doigt l’injustice sociale en œuvre, furent extrêmement
généreux avec la caisse de solidarité du mouvement lequel finit par obtenir
gain de cause et des conditions de vie et de travail décentes. A Louviers,
cette grève a laissé des traces chez de nombreuses personnes. Chez des ouvriers
d’origine algérienne d’abord qui habitent toujours dans notre ville où ils
passent leur retraite. Chez des militants du CAG, fiers d’avoir contribué à cette victoire du pot de terre
contre le pot de fer. Daniel Anselme est mort il y a quelques années mais ce
Parisien de la Place d’Aligre, là où il est, devrait apprécier de ne pas être
oublié.
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