23 mars 2014

Nicolas Sarkozy craint plus que tout une future peine d'inéligibilité s'il était convaincu de trafic d'influence


Suite aux révélations du site Mediapart sur les écoutes Sarkozy et les sources d’information dont disposaient ce dernier et son avocat, les journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske sortent scoops sur scoops et semblent avoir tissé un remarquable réseau d’informateurs enclins à sortir les dossiers les plus embarrassants pour les puissants. La France dispose donc d’un site à la Edward Snowdon du non de ce lanceur d’alertes à l’origine des écoutes mondialement réalisées par la NSA des Etats-Unis. Tous nos mails, tous nos échanges, toutes nos données personnelles sont lus, enregistrés, stockés sans fin dans les immenses disques durs des services secrets américains.
Après que Médiapart nous a appris que Me Herzog et son client-ami avaient un informateur de première classe à la Cour de Cassation, on sait maintenant qu’une taupe s’est glissée au sein de l’enquête policière et judiciaire et est venue interférer dans l’information de l’ancien président. Les soupçons semblent se porter sur une personne bien placée au Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Paris puisque le Bâtonnier est informé — légalement — de toutes les initiatives des juges d’instruction relatives à des auxiliaires de justice membres du barreau. Ainsi, Me Herzog et l’ancien président ont été mis au courant en amont des perquisitions que la police judiciaire allait accomplir chez eux, qu’il s’agisse des locaux professionnels ou de leurs résidences. Et c’est sans doute la même personne qui les a informés avoir été mis sur écoutes, qu’il s’agisse du premier ou du second téléphones portables au nom de Paul Bismuth (1). D’où la rapidité avec laquelle les magistrats ont organisé leurs perquisitions.
La publicité faite à ces écoutes est redoutable pour Sarkozy-Herzog. Et aussi pour le magistrat de la Cour de Cassation le fameux Gilbert Azibert. Les voilà embarqués dans une sale affaire puisque le trafic d’influence implique corrompu(s) et corrupteur(s). Qui sait même si en cas de poursuites et de jugement, Nicolas Sarkozy ne serait pas frappé d’une peine d’inéligibilité…comme son ancien ami Juppé. C’est sans doute ce qu’il redoute le plus. Je pense également aux avocats qui ont lancé la fameuse pétition destinée à épargner leur confrère…Je suis même étonné qu’un juriste aussi compétent que Me Dupont-Moretti se soit laissé embarquer dans une galère (la pétition des centaines d'avocats) dont on mesure mieux aujourd’hui l’aspect corporatiste puisque la publication des écoutes démontre que Me Herzog n’est pas tout blanc (même si je demeure favorable à une révision des textes permettant de mieux encadrer le nécessaire lien confidentiel entre avocat et client). Surtout quand on apprend qu’il a traité de « bâtards » les juges d’instruction de Bordeaux lesquels, selon lui, devaient revoir leur copie après la décision de la Cour de Cassation (2) finalement défavorable aux demandes de Nicolas Sarkozy. Les agendas de l’ancien président de la République demeureront donc utilisables par les juges d’instruction dans d’autres affaires comme l’arbitrage Tapie, par exemple, à moins que le droit ne dise le contraire dans le futur.
Quelques porte-parole de la droite ont tenté d’ouvrir des contre-feux. Tous sont maintenant convaincus que la nouvelle affaire Sarkozy va susciter des tensions après les municipales. Un Fillon ou un Juppé se frottent les mains. Quant aux Guéant, Guaino et Hortefeux, ils baissent d’un ton et se font plus discrets. Ils pourront toujours invoquer l’atteinte au secret de l’instruction. Le plus extravagant demeure la violente charge de Sarkozy (dans le Figaro) contre le pouvoir politique et les juges. Ayant intégré le long chemin restant à parcourir avant que les affaires disparaissent du paysage…ou au contraire fassent la Une pendant des semaines, Nicolas Sarkozy a souhaité jouer le rôle qui lui convient le mieux : celui de victime. Il a même comparé les enquêtes et les écoutes à des pratiques totalitaires (cf la Stasi) oubliant qu’en France, ce ne sont pas les politiques qui écoutent mais des policiers agissant sur commission rogatoire des juges d’instruction, indépendants et autonomes. Le gogo peut être sensible à l’argumentation de l’ancien président. Pas les Français avertis des choses de l’Etat de droit. Peut-être s’agit-il là d’une forme de chant du cygne, d’un coup d’éclat appelé à devenir un coup d’épée dans l’eau.

(1) Ce Paul Bismuth existe. Il s’agit d’un camarade de classe de Me Herzog qui a d’ailleurs décidé de porter plainte pour usurpation d’indentité. L’avocat a donc fait de fausses déclarations pour enregistrer le nom du titulaire du portable…
(2) Pendant plusieurs semaines, Herzog-Sarkozy ont été sûrs de leur coup. Ils pensaient que les dix conseillers de la Cour appelés à juger leur donneraient raison. Leur surprise a été douloureuse.

Aucun commentaire: