Suite aux révélations du
site Mediapart sur les écoutes Sarkozy et les sources d’information dont disposaient
ce dernier et son avocat, les journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske sortent
scoops sur scoops et semblent avoir tissé un remarquable réseau d’informateurs
enclins à sortir les dossiers les plus embarrassants pour les puissants. La
France dispose donc d’un site à la Edward Snowdon du non de ce lanceur
d’alertes à l’origine des écoutes mondialement réalisées par la NSA des
Etats-Unis. Tous nos mails, tous nos échanges, toutes nos données personnelles
sont lus, enregistrés, stockés sans fin dans les immenses disques durs des
services secrets américains.
Après que Médiapart nous a
appris que Me Herzog et son client-ami avaient un informateur de première
classe à la Cour de Cassation, on sait maintenant qu’une taupe s’est glissée au
sein de l’enquête policière et judiciaire et est venue interférer dans
l’information de l’ancien président. Les soupçons semblent se porter sur une
personne bien placée au Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Paris
puisque le Bâtonnier est informé — légalement — de toutes les initiatives des
juges d’instruction relatives à des auxiliaires de justice membres du barreau.
Ainsi, Me Herzog et l’ancien président ont été mis au courant en amont des
perquisitions que la police judiciaire allait accomplir chez eux, qu’il
s’agisse des locaux professionnels ou de leurs résidences. Et c’est sans doute
la même personne qui les a informés avoir été mis sur écoutes, qu’il s’agisse
du premier ou du second téléphones portables au nom de Paul Bismuth (1). D’où
la rapidité avec laquelle les magistrats ont organisé leurs perquisitions.
La publicité faite à ces
écoutes est redoutable pour Sarkozy-Herzog. Et aussi pour le magistrat de la
Cour de Cassation le fameux Gilbert Azibert. Les voilà embarqués dans une sale
affaire puisque le trafic d’influence implique corrompu(s) et corrupteur(s).
Qui sait même si en cas de poursuites et de jugement, Nicolas Sarkozy ne serait
pas frappé d’une peine d’inéligibilité…comme son ancien ami Juppé. C’est sans doute ce qu’il
redoute le plus. Je pense également aux avocats qui ont lancé la fameuse
pétition destinée à épargner leur confrère…Je suis même étonné qu’un juriste
aussi compétent que Me Dupont-Moretti se soit laissé embarquer dans une galère (la
pétition des centaines d'avocats) dont on mesure mieux aujourd’hui l’aspect corporatiste puisque la
publication des écoutes démontre que Me Herzog n’est pas tout blanc (même si je
demeure favorable à une révision des textes permettant de mieux encadrer le
nécessaire lien confidentiel entre avocat et client). Surtout quand on apprend
qu’il a traité de « bâtards » les juges d’instruction de Bordeaux lesquels,
selon lui, devaient revoir leur copie après la décision de la Cour de Cassation
(2) finalement défavorable aux demandes de Nicolas Sarkozy. Les agendas de
l’ancien président de la République demeureront donc utilisables par les juges
d’instruction dans d’autres affaires comme l’arbitrage Tapie, par exemple, à
moins que le droit ne dise le contraire dans le futur.
Quelques porte-parole de la
droite ont tenté d’ouvrir des contre-feux. Tous sont maintenant convaincus que
la nouvelle affaire Sarkozy va susciter des tensions après les municipales. Un
Fillon ou un Juppé se frottent les mains. Quant aux Guéant, Guaino et
Hortefeux, ils baissent d’un ton et se font plus discrets. Ils pourront
toujours invoquer l’atteinte au secret de l’instruction. Le plus extravagant
demeure la violente charge de Sarkozy (dans le Figaro) contre le pouvoir
politique et les juges. Ayant intégré le long chemin restant à parcourir avant
que les affaires disparaissent du paysage…ou au contraire fassent la Une
pendant des semaines, Nicolas Sarkozy a souhaité jouer le rôle qui lui convient
le mieux : celui de victime. Il a même comparé les enquêtes et les écoutes
à des pratiques totalitaires (cf la Stasi) oubliant qu’en France, ce ne sont
pas les politiques qui écoutent mais des policiers agissant sur commission
rogatoire des juges d’instruction, indépendants et autonomes. Le gogo peut être
sensible à l’argumentation de l’ancien président. Pas les Français avertis des
choses de l’Etat de droit. Peut-être s’agit-il là d’une forme de chant du
cygne, d’un coup d’éclat appelé à devenir un coup d’épée dans l’eau.
(1) Ce Paul Bismuth existe.
Il s’agit d’un camarade de classe de Me Herzog qui a d’ailleurs décidé de
porter plainte pour usurpation d’indentité. L’avocat a donc fait de fausses
déclarations pour enregistrer le nom du titulaire du portable…
(2) Pendant plusieurs
semaines, Herzog-Sarkozy ont été sûrs de leur coup. Ils pensaient que les dix
conseillers de la Cour appelés à juger leur donneraient raison. Leur surprise a
été douloureuse.
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