Dans notre monde hypermédiatisé, toute guerre génère une cohorte spontanée d’experts capable de disserter, à longueur d’antennes, de tribunes ou de blogs, sur la tactique anti-insurrectionnelle, la topographie de l’Adrar des Ifoghas, la composition ethnique de la région, la culture touareg… Mais ces Savonarole de studio et de salon ne se contentent pas d’étaler de friables connaissances fraîchement acquises sur Wikipédia et de pérorer sur un pays où ils n’ont jamais posé leurs mocassins. Ils manifestent, en outre, un alarmisme permanent et panurgique qu’ils voudraient vendre pour une distance critique.
Ils n’avaient pas fait preuve de tant de circonspection lors de l’opération BHL-Sarkozy en Libye, en occultant les conséquences désastreuses de celle-ci sur la stabilité de toute cette région. Pour ces commentateurs de comptoir, il est évidemment cruel de constater que la Libye a sombré dans le désordre et s’est transformée en un gigantesque supermarché d’armes où se sont approvisionnés AQMI et consorts.
Dès la décision courageuse de François Hollande, ces prédicateurs patentés du pire, ces donneurs de leçons imbus de leur ignorance se délectaient de claironner le risque d’enlisement au Mali et de prédire un scénario à l’afghane. Le comble de ces dérives grossières incombe – ce qui n’est pas étonnant – à l’ineffable M. Sarkozy. Dans un hebdomadaire conservateur, il a brisé une tradition républicaine, en dénigrant l’action internationale de son successeur. En multipliant, comme à son habitude, les contre-vérités et les approximations, à tel point que Claude Guéant a été contraint de le désavouer. Au contraire de ce qu’affirme l’ancien maire de Neuilly qui méprisait l’Afrique, le Mali dispose d’un président et d’un gouvernement, certes provisoires mais légalement investis par l’Assemblée nationale. A l’inverse de ce qu’il prétend, les putschistes groupés autour du capitaine Sanogo ont été marginalisés.
Pour ma part, j’éviterai de formuler des assertions définitives, car je ne prétends être ni africaniste ni expert en terrorisme. Il est vrai que je ne parcours l’Afrique que depuis 25 ans. Je souhaite simplement établir trois constats objectifs et soulever trois questions.
Trois observations :
L’action militaire de la France au Mali était légitime, urgente et nécessaire, car elle a répondu à un appel pressant du gouvernement malien, s’est inscrite dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité, a évité l’installation à Bamako d’un régime gangstéro-djihadiste. L’opération Serval est une réussite, car elle a stoppé l’offensive des groupes terroristes et a libéré le nord du Mali.
L’armée française, secondée par des unités maliennes et des troupes tchadiennes exemplaires, poursuivent une action rapide, précise, efficace, en s’attaquant à présent au réduit terroriste situé dans le massif des Ifoghas.
L’intervention française n’est pas motivée par la défense d’intérêts nationaux plus ou moins voilés, mais par celle de valeurs intangibles. Cette intervention diffère fondamentalement de bien des opérations menées par le passé, particulièrement en Afrique : en ce sens, elle est la traduction concrète de la nouvelle politique africaine de la France fondée sur un partenariat transparent, équitable et sincère. Elle est le contraire de la Françafrique. Les forces françaises ont vocation à être relayées, dans les prochaines semaines, par les troupes africaines de la MISMA qui sécuriseront les régions sahéliennes libérées.
Trois interrogations
Comme l’a récemment souligné Béchir Ben Yahmed dans Jeune Afrique – et il a été le seul à le faire -, pourquoi les dirigeants politiques et religieux des Etats musulmans, les intellectuels de ces pays et les institutions régionales, comme l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) et la Ligue arabe, ne dénoncent pas catégoriquement ces bandits fondamentalistes qui déshonorent une religion universelle ?
L’ONU, l’Union européenne et le G 20 vont-ils se montrer plus attentifs au problème des sources de financement des groupes terroristes et exercer des pressions persuasives sur certains Etats qui les financent ? Ces mêmes instances internationales vont-elles, enfin, se saisir de la menace tragique et récurrente que constitue le terrorisme – on pense bien sûr au drame des prises d’otages – d’abord, pour mieux le définir et, ensuite, pour le combattre plus efficacement ? L’un des grands mérites de l’opération Serval est de démontrer qu’une forte volonté politique peut venir à bout de toute fatalité. Il convient, pour cela, de récuser tout esprit de collaboration, de ne pas succomber à la facilité et à la contagion du défaitisme ambiant. »
François Loncle, Député de l’Eure, rapporteur du groupe de travail sur la situation au Sahel (Commission des affaires étrangères)
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