François Hollande à Louviers dans la salle du conseil municipal. (photo Jean-Charles Houel) |
L’événement, car c’en est un, est passé presque totalement
inaperçu. Et pourtant, la désignation de trois membres du Conseil
constitutionnel est un acte essentiel dans notre vie démocratique puisque le
Conseil, depuis 1958, joue un rôle non négligeable devenu, au fil des ans et
des modifications de la constitution, un acteur majeur de la légalité et de la
légitimité des lois. Depuis
que les citoyens ont la possibilité de poser des questions (filtrées) de
constitutionnalité, les sages sont saisis de dossiers volumineux. Ils font et
refont les lois. Une forme de ripolinage au gré des jurisprudences diverses et des modifications adoptées par le Parlement réuni en Congrès.
Cela soulève d’ailleurs un problème : des personnes non
élues peuvent décider de l’avenir et de l’application de textes votés à la
majorité par le Parlement composé d’élus de la nation, ceux censés justement
faire la loi. Cette république des juges fait l’objet de débats dans notre
société après que la Cour des comptes a suggéré des mesures budgétaires et
économiques relevant de choix politiques du gouvernement Ayrault. Plusieurs députés socialistes se sont élevés contre les prises de position de Didier Migaud, ancien président (socialiste) de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
L’événement ? C’est le choix opéré par les trois
présidents. François Hollande, président de la République, a choisi Nicole
Maestracci, première présidente de la cour d'appel de Rouen, présidente de la
Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale
(Fnars), presque 63 ans, proposée pour remplacer Pierre Steinmetz. Jean-Pierre Bel, président du Sénat, a désigné Nicole Belloubet, 57 ans,
ancienne rectrice d'académie, professeure des universités et Claude Bartolone,
président de l’Assemblée nationale a confirmé Claire Bazy-Malaurie, 64 ans,
déjà membre depuis trois ans car nommée en remplacement d'un membre décédé.
Elle était rapporteure générale à la Cour des comptes et avait été nommée en
2010 par Bernard Accoyer (UMP), alors président de l'Assemblée.
Ainsi, trois femmes ont été choisies par les trois plus
hauts personnages de l’Etat pour veiller à la régularité des élections
nationales et référendums,
se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois et de certains
règlements dont il est saisi. Ce choix n’est pas neutre. Il répond à une
exigence de reconnaissance des compétences et des talents féminins. Il est
conforme à l’engagement du Président de la République qui a fait de l’égalité
et de la parité des objectifs concrets plus que de belles paroles.
Jean-Louis Debré, président jusqu’en 2016, va donc
accueillir deux nouveaux membres connus pour leurs compétences et leur forte
personnalité et un 3e qu'il connaît déjà. Sans préjuger des sensibilités politiques des uns et des autres, il est évident que le choix de deux femmes connues pour leur engagement à gauche contribuera à équilibrer un tant soit peu l'écrasante domination des membres désignés par la droite. Il serait simpliste voire offensant pour les sages d'imaginer que leur ancienne appartenance à l'UMP ou au PS serait susceptible d'influencer leur jugement. Pierre Joxe, dans un livre pas très ancien, rappelle tout de même comment il s'est rongé les ongles en écoutant certains membres du conseil traiter de certaines questions de société comme la récidive délinquante des jeunes par exemple. Devenu avocat, il consacre son temps et son énergie à défendre des mineurs et des jeunes poursuivis en correctionnel !
S’agissant du contrôle des élections, le conseil vient d’invalider
deux députées socialistes (dans deux circonscriptions de l’étranger) dont les
comptes de campagne ont été refusés. Les conséquences en sont terribles puisque
les deux députées se voient frapper d’une inéligibilité d’un an ! Elles ne
pourront donc pas se représenter lors des législatives partielles. La
commission des comptes de campagne leur reproche d’avoir ouvert deux comptes
alors que la loi en impose un seul. Mais comme l’a déclaré Philippe Mariani
(UMP) « la difficulté provient du fait que dans ma circonscription de
l’étranger, j’ai utilisé neuf monnaies différentes ! » Lui n’a pas
été invalidé puisque ses comptes étaient conformes. Il serait bien que le
législateur se penche sur cet aspect de la loi même si le Conseil
constitutionnel aurait pu faire preuve de mansuétude à l’égard de deux élues parfaitement
honnêtes mais victimes de la sévérité d’une loi imparfaite. Dura lex…
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