Destruction de la rotative plomb de La Dépêche. (photo JCH) |
Pour la première fois de sa
longue vie, le quotidien « Ouest France » présente un bilan 2012 en déficit
de 5 millions d’euros. Si la diffusion a augmenté d’un infime pourcentage, la
perte financière est essentiellement due à la baisse du volume de la publicité.
Face à cette situation, les dirigeants de Ouest-France se veulent offensifs.
Ils ont décidé d’investir dans deux nouvelles rotatives et dans le développement
de leur site Internet.
Si je m’attarde quelque peu sur cet événement
exceptionnel c’est parce qu’il concerne l’avenir de toute la presse locale généraliste.
Chaque éditeur de cette presse si précieuse — le sondage IFOP à Louviers l’a
confirmé — se pose forcément la question de son avenir. Quel sera le poids de
cette presse locale dans dix ou vingt ans si le lectorat vieillissant l’abandonne
par la force des choses et si les jeunes ne se montrent pas plus concernés par
l’information de proximité au point de devenir les futurs lecteurs ?
73 % des personnes interrogées
à Louviers par l’IFOP (1) déclarent être informées sur la vie locale par la presse…locale
qu’il s’agisse de La Dépêche (groupe Ouest France) ou Paris-Normandie. Ces
supports sont plus que jamais indispensables à la vie démocratique puisqu’un citoyen
bien informé est un citoyen plus responsable, plus impliqué, plus participatif. Bien sûr, il existe d’autres
moyens d’informations : les radios locales, la télévision régionale, les journaux municipaux
sans oublier les réseaux sociaux et les blogs. Il serait absurde de nier leur
importance dans une société où la masse d’informations sourd de partout et nécessite
des clés, des explications à la fois pour les hiérarchiser et les mettre en
perspective. Un journal municipal placé sous la responsabilité du maire n’aura toutefois
pas le même impact ni la même crédibilité qu’un journal d’informations générales
contraint de respecter un certain équilibre et de différencier les sources. Un
blog, aussi respectable soit-il, exprime un point de vue partiel et parfois
partial. Le pluralisme des journaux exige donc une diversité de moyens d’informations mais aussi et surtout des moyens financiers.
Quand le groupe Hersant a
racheté La Dépêche en 1994, la situation est allée de mal en pis. Philippe Hersant a en fait racheté
des parts de marché, il n’avait aucun investissement personnel dans ce qui fut (est) mon
hebdomadaire préféré. Les directeurs valsaient tous les deux ans. Le turn-over
des journalistes était érigé en principe. Les correspondants étaient payés au
lance-pierre. Une presse locale digne de ce nom a besoin de stabilité, elle a besoin de patrons
professionnels et pas de financiers rapaces. Elle exige que ses représentants se
fassent connaître et apprécier, ils doivent donc devenir des éléments de la mémoire
des lieux qu’ils hantent. Cette presse doit ainsi faire appel à des
journalistes professionnels correctement traités et donc bien payés. Car
la qualité a un prix.
Pour ne pas l’avoir compris,
le groupe Hersant s’est rapetissé, spécialisé dans la presse gratuite de petites annonces (rachat
après rachat) avant de s’écrouler face à la concurrence des sites d’annonces
gratuites. Aujourd’hui, Philippe Hersant a besoin d’un Bernard Tapie pour
sauver ce qui peut être sauvé des journaux de Provence. Hersant faisant appel à
Tapie, quel tandem !
La Cour des comptes vient de
publier son rapport annuel. Elle rend publiques les aides directes apportées à
la presse, qu’il s’agisse de la TVA réduite sur le transport ou des subventions
d’équilibre versées aux journaux : Le Monde et le Figaro se taillent la
part du lion. Le président de la Cour s’étonne quand même que des aides financières
soient données à des journaux TV aux tirages multimillionnaires (et à d’autres
magazines !) très bénéficiaires alors que la presse quotidienne d’information
nationale et régionale souffre mille maux. Qu'Aurélie Filipetti, ministre de la
Culture, souhaite revoir ce système d’aides de l’Etat, c'est tant mieux. Mais quelqu'en soit le niveau, elles ne remplaceront
jamais les lecteurs fidèles ni les abonnés constants.
(1) Sans La Dépêche, les Lovériens n'auraient jamais su que le maire avait « oublié » de publier les réponses aux questions qui fâchent.
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