13 février 2013

Les journaux et les journalistes sont indispensables à la vie démocratique


Destruction de la rotative plomb de La Dépêche. (photo JCH)
Pour la première fois de sa longue vie, le quotidien « Ouest France » présente un bilan 2012 en déficit de 5 millions d’euros. Si la diffusion a augmenté d’un infime pourcentage, la perte financière est essentiellement due à la baisse du volume de la publicité. Face à cette situation, les dirigeants de Ouest-France se veulent offensifs. Ils ont décidé d’investir dans deux nouvelles rotatives et dans le développement de leur site Internet.
Si je m’attarde quelque peu sur cet événement exceptionnel c’est parce qu’il concerne l’avenir de toute la presse locale généraliste. Chaque éditeur de cette presse si précieuse — le sondage IFOP à Louviers l’a confirmé — se pose forcément la question de son avenir. Quel sera le poids de cette presse locale dans dix ou vingt ans si le lectorat vieillissant l’abandonne par la force des choses et si les jeunes ne se montrent pas plus concernés par l’information de proximité au point de devenir les futurs lecteurs ?
73 % des personnes interrogées à Louviers par l’IFOP (1) déclarent être informées sur la vie locale par la presse…locale qu’il s’agisse de La Dépêche (groupe Ouest France) ou Paris-Normandie. Ces supports sont plus que jamais indispensables à la vie démocratique puisqu’un citoyen bien informé est un citoyen plus responsable, plus impliqué, plus participatif. Bien sûr, il existe d’autres moyens d’informations : les radios locales, la télévision régionale, les journaux municipaux sans oublier les réseaux sociaux et les blogs. Il serait absurde de nier leur importance dans une société où la masse d’informations sourd de partout et nécessite des clés, des explications à la fois pour les hiérarchiser et les mettre en perspective. Un journal municipal placé sous la responsabilité du maire n’aura toutefois pas le même impact ni la même crédibilité qu’un journal d’informations générales contraint de respecter un certain équilibre et de différencier les sources. Un blog, aussi respectable soit-il, exprime un point de vue partiel et parfois partial. Le pluralisme des journaux exige donc une diversité de moyens d’informations mais aussi et surtout des moyens financiers.
Quand le groupe Hersant a racheté La Dépêche en 1994, la situation est allée de mal en pis. Philippe Hersant a en fait racheté des parts de marché, il n’avait aucun investissement personnel dans ce qui fut (est) mon hebdomadaire préféré. Les directeurs valsaient tous les deux ans. Le turn-over des journalistes était érigé en principe. Les correspondants étaient payés au lance-pierre. Une presse locale digne de ce nom a besoin de stabilité, elle a besoin de patrons professionnels et pas de financiers rapaces. Elle exige que ses représentants se fassent connaître et apprécier, ils doivent donc devenir des éléments de la mémoire des lieux qu’ils hantent. Cette presse doit ainsi faire appel à des journalistes professionnels correctement traités et donc bien payés. Car la qualité a un prix.
Pour ne pas l’avoir compris, le groupe Hersant s’est rapetissé, spécialisé dans la presse gratuite de petites annonces (rachat après rachat) avant de s’écrouler face à la concurrence des sites d’annonces gratuites. Aujourd’hui, Philippe Hersant a besoin d’un Bernard Tapie pour sauver ce qui peut être sauvé des journaux de Provence. Hersant faisant appel à Tapie, quel tandem !
La Cour des comptes vient de publier son rapport annuel. Elle rend publiques les aides directes apportées à la presse, qu’il s’agisse de la TVA réduite sur le transport ou des subventions d’équilibre versées aux journaux : Le Monde et le Figaro se taillent la part du lion. Le président de la Cour s’étonne quand même que des aides financières soient données à des journaux TV aux tirages multimillionnaires (et à d’autres magazines !) très bénéficiaires alors que la presse quotidienne d’information nationale et régionale souffre mille maux. Qu'Aurélie Filipetti, ministre de la Culture, souhaite revoir ce système d’aides de l’Etat, c'est tant mieux. Mais quelqu'en soit le niveau, elles ne remplaceront jamais les lecteurs fidèles ni les abonnés constants.
(1) Sans La Dépêche, les Lovériens n'auraient jamais su que le maire avait « oublié » de publier les réponses aux questions qui fâchent.

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