Le 1er Mai de Sarkozy à la Concorde demain est une provocation de plus.
La dernière espérons le. Plus que de la colère, c'est une sensation de
blessure infligée à la mémoire des luttes de plus d'un siècle, partout
dans le monde, pour l'obtention de droits sociaux, d'un temps de travail
défini et limité contre un patronat sûr de la légitimité de sa
domination, qui ne voulait aucune règle. Des luttes qui, répétées,
tenaces, aboutiront en France au Front populaire, changeant la vie de la
majorité des gens. Le 1er Mai est un symbole de la lutte internationale
des travailleurs, il est un lieu de la mémoire sociale des travailleurs
Français.
Le propre de ce gouvernement depuis 5 ans a été d'oser tout. En ces
derniers jours de son mandat présidentiel, Nicolas Sarkozy aux abois
s'empare sans vergogne de la fête du 1er-Mai, la confisque à son profit
pour faire coup double : occuper le terrain dans tous les sens du terme à
la place des syndicats et de la gauche, passer sur ces corps
intermédiaires dont il souhaite la suppression, qu'il méprise
ouvertement - "quand il y a une grève en France, personne ne s'en
aperçoit", s'est-il vanté naguère - faire l'événement du jour et se
rallier les électeurs de Marine Le Pen, voire d'autres, que ce slogan du
" vrai travail" séduirait, comme il y a cinq ans celui de "remettre la
France au travail".
En 1941, Pétain avait fait main basse sur le 1er Mai pour le vider de
son sens de lutte internationale, remplaçant la Fête des travailleurs
par la "Fête du travail et de la Concorde sociale". Les contextes
historiques diffèrent mais on peut assimiler la captation du 1er Mai par
Nicolas Sarkozy à celle de Pétain. Pour les tristes raisons que l'on
sait, le chef de Vichy faisait appel à "l'union nationale", Nicolas
Sarkozy, lui, est clairement dans une stratégie de division nationale,
la même qu'il applique avec constance depuis qu'il a été élu.
Gouverner, c'est diviser, tel est le système Sarkozy. Mais diviser en
stigmatisant, en dressant une partie de la population contre l'autre.
Depuis 2007, il n'a eu de cesse de créer, d'inventer, par son discours,
deux catégories de citoyens, dont l'une est désignée comme responsable
des problèmes de l'autre. Ces catégories sont mouvantes, mais toujours
tranchées, Français/immigrés, travailleurs/assistés, gens
honnêtes/délinquants, victimes...
Le discours sarkozien les a si bien installées dans nos habitudes de
pensée, ces catégories, qu'il n'est plus besoin qu'elles soient
expressément désignées, l'allusion suffit, instantanément décodées par
tout le monde, avec les connotations négatives qui leurs sont associées.
Ce qui est bien sûr le cas ici avec l'expression "vrai travail", qui
sous-entend non l'existence absurde d'un faux travail ni même de faux
travailleurs mais celle de "faux chômeurs", qui ne cherchent aucun
travail, des "assistés ", terme en vogue depuis cinq ans, donc une
catégorie de profiteurs paresseux, naguère soupçonnés de faire la grasse
matinée, quand d'autres "se lèvent tôt".
Dans ce système binaire qui violente la réalité complexe du pays, sa
diversité sociale et culturelle, qui attise les haines, il y a, d'un
côté, une France méritante, courageuse, respectueuse des lois, la
"vraie" France, légitime sur son sol ancestral, et de l'autre, une
population indigne qui n'a pas vocation à incarner cette vraie France,
constituée de communautés d'origine étrangère, d'individus parasites, de
syndicalistes, de grévistes, de profs, voire de juges, censés relâcher
tous les délinquants. La vraie France a droit à des flots de compassion,
parce qu'elle "souffre", leitmotiv de la campagne de Sarkozy, l'autre,
souvent la plus pauvre et la plus fragile, est vilipendée, livrée en
pâture à la première comme source de ses malheurs.
C'est là toute l'imposture de ce qu'on ne saurait pas même appeler une
idéologie, mais un plan cynique pour occulter une politique qui favorise
les banques, les patrons du CAC 40, les actionnaires, les bailleurs de
multiples appartements, les hauts revenus et les exilés fiscaux.
L'imposture, elle est là encore, évidente, révoltante, dans cette
communion prévue le 1er mai autour d'une valeur travail déconnectée de
l'emploi et du salaire, de la hausse des loyers, des étiquettes de prix
au supermarché et du coût des soins dentaires.
Qu'est-ce qu'il entend par “vrai” travail ? celui des 650 accidents
mortels, des 4500 mutilés du travail ? Celui des droits violés et des
heures supp' impayées ? Celui des maladies professionnelles, amiante,
TMS, surdité, cancers, qui augmentent, sont sous-déclarées, sous
réparées. 150 000 accidents cardiaques et 100 000 accidents vasculaires
par an dont entre 1/3 et 50 % liés au travail...
— Le “vrai” travail ? Ce jeune ascensoriste de 26 ans écrasé par l'engin
qu'il réparait, à cause de la compétition sauvage entre OTIS et KONE. Et
les milliers d’ouvriers désamianteurs qu'il laisse en ce moment mourir
sans protection par refus d'un moratoire ?
— Le “vrai” travail ? Celui des mini-jobs, des stages pas payés, des
emplois saisonniers atypiques, des 3 X 8, des 4 X 8, des intérims et CDD
répétés ? Celui des millions de travailleurs pauvres qui n'arrivent pas
à vivre avec leurs salaires ? Celui du milliard d'heures
supplémentaires non déclarées, non majorées, non payées attribuées à
ceux qui ont un boulot au détriment de ceux qui n'en ont pas ?
— Le « vrai » travail ? Celui des femmes qui gagnent 27 % de moins que les
hommes ? Celui des jeunes à 25 % au chômage et à 80 % en CD ? Celui des
immigrés, forcés à bosser sans droits et sans papiers par des
esclavagistes et marchands de sommeil franchouillards ?
— Le « vrai » travail ? Celui des seniors licenciés, 2 sur 3 a partir de
55 ans et qui ne peuvent cotiser que 35 annuités alors que 42 sont
exigés dorénavant pour une retraite décente ? Celui des restaurateurs
dont 1 sur 4 utilisent des clandestins, non déclarés dans le fond de
leur cuisine ? Celui des exploitants agricoles qui tuent des inspecteurs
du travail pour pouvoir abuser d'immigrés clandestins ?
— Le “vrai” travail sans syndicat ? Sans syndicat pas de Smic, pas de
durée légale, pas de congés payés, pas de sécurité sociale, pas de
droit.
— Le “vrai” travail ? Celui qui ne fait jamais grève, qu'on ne voit jamais
manifester, qui n'est pas syndiqué, qui piétine son collègue ? Celui
sans délégué du personnel, sans comité d’entreprise, sans CHSCT, sans
institution représentative du personnel ?
— Le “vrai” travail ? Parlons en ! Stress, risques psychosociaux,
harcèlement, suicides, chantage à l'emploi, heures supp' impayées ?
— Le “vrai” travail ? Les travaux les plus durs sont les plus mal payés,(
bâtiment, restauration, nettoyage, transports, entretien....)
— Le « vrai » travail ? celui de Molex, de Sea France, de Gandrange et
Florange, de Continental, de Lejaby, de Pétroplus, des Fonderies du
Poitou, de M-Real, de Sealynx, de Merck, de Paris-Normandie, de Cinram,
de toutes celles et tous ceux qui doivent se battre pour le garder ?
— Le “vrai” travail ? Qu'est ce qu'il y connaît ce bling bling de Sarkozy ?
Le 1er Mai de Sarkozy et de l'UMP, c'est en réalité la fête du
libéralisme dur, "décomplexé", dont l'ambition est d'anéantir la
représentation syndicale et d'étouffer les luttes sociales.
Alors, manifestons massivement le 1er mai, ensuite le 6 mai débarrassons
nous de celui qui veut nous détruire et ensuite continuons à nous
battre pour nos revendications.
Alain Lefeez
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