6 avril 2009

Les nouveaux langages de François Bayrou et Ségolène Royal

Ségolène Royal avec les salariés d'Heuliez. Elle ne croit pas aux promesses de Nicolas Sarkozy qui a abandonné les « Grandrange » à leur sort. (photo Reuters)
François Bayrou, dans « Le Monde » et Ségolène Royal, dans « Le Journal du Dimanche », ont donné deux interviews, de mon point de vue, importantes, qui expriment une radicalisation de leur opposition à Nicolas Sarkozy et aux mesures qu'il préconise ou applique. L'un, François Bayrou, met en cause les fondements même du capitalisme, l'autre, Ségolène Royal, affiche une compréhension des attitudes de révolte des salariés licenciés ou menacés. Je n'ai pas reproduit les questions des journalistes, elles coulent de source en lisant les réponses.

D'abord François Bayrou :
« Le G20, c'est un premier pas qui n'est pas négligeable. De là à jeter les bases d'un nouveau monde... Nicolas Sarkozy emploie une expression que je récuse : il dit " capitalisme moral". Le capitalisme est amoral par nature ; son but mécanique est de faire de l'argent, sa loi est celle du profit. Une fois qu'on a compris cela, on peut lui imposer des règles de transparence et de stabilité. Mais le capitalisme ne peut être un projet de société. Un chef d'Etat français ne peut pas définir son projet par le mot capitalisme. Si comme je le veux, notre projet doit être humaniste, sans concessions, il devra s'imposer en dépit du capitalisme, et s'il le faut contre lui. Le capitalisme est inégalitaire par essence, et l'humanisme est égalitaire par vocation…

…Tout ce qui fait l'originalité et l'universalité du projet républicain français, démocratique, laïque et social, tout cela, peu ou prou, Nicolas Sarkozy y a porté atteinte depuis qu'il est au pouvoir. Depuis le bouclier fiscal jusqu'aux atteintes à la séparation des pouvoirs et à l'OTAN, on conduit la France vers un modèle qui n'est pas le sien et qui minera notre pays…

…Dans le monde, la France avait une originalité : elle était dans l'alliance, mais pas sous l'autorité du commandement américain. Cela avait une grande signification : nous étions amis, mais pas soumis, solidaires mais pas intégrés. Cela nous a permis, par exemple, de dire non au moment de la guerre en Irak. Pour une grande partie du monde qui nous aimait, c'était l'identité de la France. On y a renoncé et, selon moi, c'est une amputation. Et qui nous le demandait ? Personne. Où cela nous conduit-il ? A un ensemble euro-américain face au reste de la planète. Et cela n'est ni notre vocation ni notre intérêt…

Ensuite Ségolène Royal :
« Ce n'est pas agréable d'être retenu, et c'est illégal de priver quelqu'un de sa liberté de mouvement. Mais on ne les a ni brutalisés ni humiliés. Ceux qui sont fragilisés, piétinés et méprisés, ce sont les salariés à qui l'on ment, avant de les mettre à la porte. A Caterpillar, ils ont appris leur arrêt de mort sociale en lisant la presse ; et on s'étonnerait de leur réaction? Etonnons-nous plutôt de l'état du dialogue social dans notre pays…

…Il n'y a pas de fatalité. Aujourd'hui, je constate ce que fait le gouvernement, ou ce qu'il ne fait pas. Les pouvoirs publics sont trop souvent sourds et aveugles, hermétiques à ce que disent les salariés. Ni à Gandrange ni chez Heuliez, l'Etat n'a accepté de prendre en compte les solutions des syndicats... Les gens en pleurent...

…Les injustices sont devenues encore plus insupportables. Parmi ceux qui ont été à l'origine de la crise, beaucoup sont aujourd'hui à l'abri. Pour beaucoup d'autres au contraire, la vie bascule, les salariés perdent leur emploi et n'en retrouvent pas, le chômage des jeunes et des seniors explose, des milliers de familles ne parviennent plus à payer leur loyer ou rembourser leur emprunt. Et comme le pouvoir ne met pas d'ordre dans ce désordre, tout est exacerbé...
Quand on entend des élus de droite expliquer benoîtement que le bouclier fiscal protège les pauvres, on se croirait sous l'Ancien Régime! Alors, est-ce le retour de la lutte des classes? Peut-être. Ce que je sais, c'est que les luttes sociales existent plus que jamais. Longtemps, on a souffert en France de la faiblesse syndicale. La crise, la baisse du niveau de vie, l'injustice provoquent une prise de conscience et une réaction...

…Les salariés doivent forcer le barrage de l'injustice absolue : ce discours dominant qui demande aux salariés de subir et de disparaître en se taisant, d'être licenciés sans faire d'histoire ni de bruit. Je pense le contraire : depuis qu'ils sont médiatisés, les salariés d'Heuliez progressent, on ne peut plus les dénigrer. Ce qu'on appelle la révolte, c'est une réaction contre la violence qui s'exerce contre les salariés et contre le pays. »

No comment.

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