Avec près de 66 % des
suffrages, Emmanuel Macron a dominé des épaules et de la tête (surtout de la tête)
une Marine Le Pen dont le naufrage programmatique a été acté lors du débat de
mardi dernier à la télévision. Le nouveau président de la République aurait
tort de croire (d’ailleurs il ne le croit pas) que cette victoire sans appel
est un soutien ferme et durable à son projet. Que le vote ait manifesté au
travers de sa personne et de sa volonté une forme d’adhésion est indéniable
mais ce n’est pas l’essentiel de l’expression du second tour. Les Français(e)s
ont surtout voulu barrer la route du pouvoir au Front national dont l’histoire,
le passé, les propositions, la violence verbale ou physique, continuent de faire
peur. Ce parti peut bien changer de nom, il ne pourra pas masquer ses
outrances, sa démagogie et finalement sa marginalisation. Pour preuve, une fois
encore, une fois de trop, l’oukase lancé contre une quinzaine d’organes de
presse interdits d’accès au QG de Mme Le Pen le soir de sa défaite. J’en
connais d’autres — et qui ne sont pas d’extrême-droite — dont le comportement à
l’égard de la presse frise l’hystérie.
Marginalisée à 10 millions
de voix c’est déjà énorme. Il suffit de lire les scores obtenus par Marine Le
Pen dans les villages et les périphéries des villes pour comprendre que le « dégagisme
» érigé en théorie et en pratique par Jean-Luc Mélenchon est devenu un mot d’ordre
dans lequel les « oubliés » et les « désespérés » mais aussi les racistes et
les homophobes trouvent du sens. Je pense aussi à tous ces rurbains qui ont
voulu habiter les campagnes là où le foncier était accessible et qui, avec le
temps et l’espace, constatent l’augmentation des coûts pour les transports, les
allers-retours coûteux en argent et en énergie. Ils demandent plus de services,
plus de services publics, ceux-là même qu’ils ont abandonnés dans leur
chef-lieu de canton ! Pourtant les intercommunalités ont redonné vie et solidarité
mais les discours du Front national — l’insécurité, l’immigration, la préférence
nationale — ont fini par imprégner les esprits et susciter des jalousies. Mme
Le Pen en a usé et abusé.
Hier soir, les émissaires
des partis présents sur les plateaux de télévision nous ont offert ce qui nous
dégoûte le plus dans la vie politique. Les Coppé, les Corbières (il avoue avoir
voté Macron…mais après la victoire !), les Rachline, les Baroin étaient
venus défendre leur boutique en vue des législatives prochaines lors de la
fameuse « mère des batailles ». Ils en rêvent tous. Ils cauchemardent même. Quant
à Jean-Luc Mélenchon, il aurait eu grand tort de négliger l’influence des médias
que pourtant il exècre. Il a même trouvé le moyen de se satisfaire de la défaite
de Marine Le Pen alors que deux tiers de ses militants et sympathisants
appelaient à voter blanc ou nul et que lui-même Jean-Luc Mélenchon les a sans
doute imités ! Le « monarque » républicain défenseur de « l’extrême
finance » (1), s’il doit beaucoup à une majorité d’électeurs de la France
insoumise, ne doit rien à Mélenchon lui-même. Il a joué avec le feu, il faudra
s’en souvenir.
Chez les Républicains (LR)
et les socialistes, malgré la qualité de certains candidats, l’inquiétude est au plus haut. Les inévitables déclamations
du genre « vous allez voir ce que vous allez voir » ne vont pas empêcher les anciens partis de
gouvernement de devoir ramer pour sauver les meubles en juin prochain. Le PS
est coupé en trois, les Républicains (LR) en autant de portions entre ceux qui
veulent rejoindre la majorité présidentielle, ceux qui veulent garder la
vieille maison et ceux qui cherchent une chambre introuvable avec une majorité
absolue et une cohabitation des jours anciens. Question rénovation de la vie
politique, on fait mieux ! Manquerait plus que Fillon donnât son avis…
A Louviers, à Val-de-Reuil,
Pont-de-l’Arche et dans les gros bourgs, Emmanuel Macron est arrivé en tête.
Dans certains villages, Mme Le Pen récolte le fruit des colères et de la révolte.
La France est coupée en deux et les suffrages en quatre. Il reste au jeune président
à « rassembler » et à unifier ce qui peut l’être. La quadrature du cercle !
(1) L'expression et de Jean-Luc Mélenchon
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