Je n’ai pas pour habitude
d’aborder des aspects de ma vie privée sur ce blog. J’en ferai donc une
exception. Il s’agit de ma mère. Alors que mon père était encore prisonnier de
guerre pendant les années 1944-1945, elle eut à subir, au sein de sa famille,
une multitude de décès dus à des maladies qu’on soigne bien aujourd’hui (la
tuberculose et la typhoïde notamment) mais également au cancer. Si je vous
parle de ma mère c’est qu’elle me racontait, de son vivant, ces épisodes
tristes de sa vie et une phrase me revient en mémoire : « Les morts se succédaient et on n’avait
plus de larmes pour pleurer. »
C’était sans doute l’effet
de ce que les psychologues appellent « l’épuisement compassionnel. » Autant
notre disponibilité, notre émotion et notre capacité à partager sont vives lors
des premières catastrophes personnelles ou collectives, autant notre faculté
d’identification se dilue lorsque les événements dramatiques se succèdent au
fil des mois et des années. On s’habitue, parait-il, on se protège, on
fait le gros dos, en espérant qu’un terme sera mis (comment ?
quand ?) à cette litanie de morts aussi soudaines que monstrueuses.
Allons-nous devenir à notre tour
des épuisés compassionnels ? Janvier et novembre 2015…mars 2016, Londres, Madrid, Ankara,
Istanbul, Damas, Paris, Bruxelles, Bamako, Boston…des bombes, des attentats,
des fusillades et des morts. Des dizaines de morts, des centaines de blessés au
nom d’un Dieu, leur Dieu devenu diable. Les morts des mécréants, des mauvais
musulmans, des apostats, des athées, quel programme pour des islamistes
djihadistes radicaux, des islamo-fascistes pour le dire en un mot, dont
l’objectif principal, selon Gilles Kepel, est de faire monter l’extrême-droite
dans les démocraties pour susciter l’islamophobie et déboucher sur une guerre
civile et le chaos.
Les terroristes ont pourtant
tort. Grâce aux réseaux sociaux, à une communication parfois envahissante mais
inévitable, nous sommes spectateurs de ces atrocités en sachant que nul n’en
est à l’abri et que des proches, des personnes aimées, ou tout simplement des
inconnus devenus des amis d’infortune, qu’ils soient Blancs, Noirs, Métis,
seront peut-être demain les victimes de cette violence aveugle.
Puisque la vie n’a aucun
sens, trouvons-lui en un. Evitons les débats inutiles et inefficaces sur la
déchéance de nationalité dont on mesure bien aujourd’hui l’incapacité à stopper
le terrorisme, évitons les querelles subalternes sur Twitter où les Leroux (PS)
Morano (LR) et Rachline ou Médard (FN) se ridiculisent autant qu’ils se
discréditent. Faisons face et résistons puisque ce mot se charge lui aussi d'affect et de courage.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire