24 mars 2015

Nonna Mayer en connaît un rayon sur le vote FN et sur les nostalgiques du Vichysme


Nonna Mayer
Nonna Mayer en connaît un rayon sur le vote FN. Voilà trente ans qu’elle ausculte ce parti politique et essaie de comprendre et d’expliquer pourquoi l’extrême-droite française parvient à accroître ses scores et à conquérir de nouveaux territoires. J’ai suivi avec attention le débat organisé en direct par le journal numérique Mediapart au soir du premier tour des élections cantonales. Nonna Mayer y était invitée à commenter les résultats du Front national qui a obtenu près de 25 % des suffrages.

Avec une grande lucidité et une profonde connaissance de l’électorat du FN, Nonna Mayer explique comment depuis 1984, le vote FN a évolué. Dans ces années-là, les électeurs de Jean-Marie Le Pen se recrutaient plutôt dans les milieux bourgeois et chez les nostalgiques d’une idée de la France à l’opposée de celle du général de Gaulle. Avec le temps, le vote a conduit des citoyens d’origines diverses à donner leur voix au parti xénophobe. Justement, la haine de l’étranger, la peur de l’autre, est au cœur du vote FN. C’est bien pourquoi les thèmes favoris des leaders du FN sont l’immigration, l’insécurité et le chômage qui en seraient les conséquences directes. Même si les statistiques dont on dispose démentent ces affirmations, de plus en plus de Français considèrent qu’il y a trop d’étrangers en France, qu’ils bénéficient d’avantages sociaux et économiques dont seraient privés les Français « de souche » comme dirait le président sous une forme humoristique mal comprise. On dit même que les jeunes âgés de 18 à 24 ans se plaisent à voter FN en révolte contre leurs parents et contre l’ordre établi ! A mon époque, on se révoltait en manifestant aux côtés des grévistes, des sans papiers kurdes, ou des mouvements féministes…

L’électeur FN est d’ailleurs plutôt un homme (1) sans diplôme, il est âgé de 30 à 50 ans, vit une forme de précarité juste au-dessus du seuil de pauvreté, habite dans les campagnes ou les zones péri-urbaines, est sensible au « tous pourris » et au «tous corrompus» (2) considère que la gauche et la droite ont échoué et qu’on peut donc essayer du nouveau avec Marine Le Pen même si ses qualités pour diriger la France ne semblent pas du plus haut niveau. La « préférence nationale » — thème fort au FN — est adoubée tout comme le besoin d’un état fort et très administré. C’est pour cette raison que Sarkozy peut affirmer sans barguigner que les propositions économiques de l’extrême-droite sont semblables à celles de l’extrême-gauche même si, personnellement, je considère qu’il s’agit là d’un abus de langage et d’une tromperie sur l’analyse.(3)

De plus, l’électeur FN (ancien électeur de gauche ou de droite) est aujourd’hui plus prompt à enclencher une dynamique de mobilisation alors même que les électorats traditionnels de la gauche, par exemple, se réfugient dans l’abstention pour exprimer leur mécontentement. S’agissant de l’abstention, les études montrent que les villes où le taux de chômage augmente ne sont pas celles qui s’abstiennent le plus. Par contre le second enseignement d’une étude conduite lors des municipales de 2014 montre un lien très net entre le niveau de chômage et celui du FN : moins le premier est élevé, moins le second est important ; plus le premier est fort, plus le second l'est aussi. La résolution du problème du chômage serait donc un moyen de faire baisser le Front national…

En écoutant Nonna Mayer, on apprend aussi que les arguments moraux et historiques ne sont d’aucune prise sur les électeurs du FN. Ils culpabilisent de moins en moins et la réponse qu’ils font aux sondeurs est de plus en plus en prise avec le réel de leur vote. C’est sans doute pourquoi les instituts se sont largement trompés sur le score obtenu par le FN lors du vote de dimanche dernier. Les instituts donnaient de 3 à 6 points de plus au FN ce qui n’est pas rien. Odoxa a même situé le rassemblement bleu marine à 33 % soit 8 points au-dessus de son score réel.

Les politiques et les électeurs ne pourront pas dire, comme l’a suggéré Martine Aubry, qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient en soutenant ou en votant pour le FN. Je me tue (c’est une image) à répéter que l’implantation du FN dans la vie politique française ne sera pas durable. Certes, il se passera quelques années avant que cette secte perde ses adeptes. Mais avec le retour de la croissance et donc de la baisse du chômage et d’un comportement respectueux des promesses de la part des partis de gouvernement, je ne doute pas que la vague frontiste reculera jusqu’à revenir à son étiage originel : le vote des nostalgiques du Vichysme.

(1) Même si de plus en plus de femmes votent pour Marine Le Pen.
(2) Les affaires Cahuzac et Sarkozy ont dégoûté certains électeurs du bipartisme.
(3) Marine Le Pen s'est félicitée de la victoire de Syriza en Grèce.

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