« Deux semaines avant son
assassinat, dans un entretien à l'hebdomadaire russe Sobessednik, Boris Nemtsov confiait ses
craintes sur sa sécurité et celle de sa famille. Interrogé sur la possibilité
que Vladimir Poutine s'en prenne à lui, il répondait : «Vous savez, oui... un peu. [...] Mais malgré tout,
je n'ai pas si peur de lui. Si j'avais très peur, je ne dirigerais pas un parti
d'opposition et je ne ferais pas ce que je fais. »
Et
pourtant, la mort était bien au rendez-vous l’autre nuit près du Kremlin. Là où
réside son adversaire principal, par ailleurs président de la Russie, élu dans
des conditions qu’aucune démocratie digne de ce nom n’accepterait. Quatre
balles dans la peau de Boris Nemtsov, un ancien vice-ministre du gouvernement
Eltsine, voilà comment finissent les opposants au tyran quand ils ne sont pas
en prison ou en exil. Nemtsov a raison. Il est très difficile, par les temps
qui courent, de se faire entendre des Russes, tous à genou devant Poutine,
celui qui, paraît-il, leur a rendu leur fierté. Mais de quelle fierté parle-t-on ?
Poutine
évoque, évidemment, une provocation. La mort d’un homme comme une provocation !
On se croirait en Ukraine, en Géorgie, en Tchétchénie, ou en Crimée. Si nous étions
« Dans la tête de Vladimir Poutine » (1), nous saurions que comme il voulait poursuivre
« les rebelles jusque dans les
chiottes », il
serait également heureux de constater le bon coup de main que viennent de lui donner des extrémistes de droite, ou des Islamistes, ou des Ukrainiens en colère…toutes
pistes avancées par le pouvoir russe pour expliquer la mort de l’opposant.
Les
amis de Boris Nemtsov n’accusent pas le pouvoir Poutinien d’être directement à
l’origine du meurtre. Ce dernier ne serait pas coupable mais « responsable »
assurent les proches du défunt. Autrement dit, Les arrestations, les
interpellations répétées de Boris Nemtsov ont créé un climat. Opposant à l’annexion
de la Crimée, à la guerre en Ukraine, à la corruption institutionnelle, à l’oligarchie,
Boris Nemtsov subissait régulièrement des agressions verbales ou écrites, il se
savait menacé physiquement. Mickaël Gorbatchev a raison : « quand un homme est tué dans ces conditions, il est
bien rare qu’on connaisse un jour l’identité des tueurs. »
(1) Titre du livre de Michel Eltchaninoff paru chez Actes Sud.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire