Le sens des mots. Essentiel
pour se comprendre et être compris. J’entends que des Français, des jeunes «
issus de l’immigration » surtout, mettent sur un même plan les unes de Charlie
Hebdo (1) jugées blasphématoires par des musulmans et les propos de Dieudonné
plusieurs fois condamnés par la justice pour incitation à la haine raciale. Ils
reprochent aux médias un « deux poids deux mesures » au désavantage de Dieudonné,
pourfendeur antisémite et négationniste en chef.
Pourquoi devons-nous nous entendre
sur le sens des mots ? Parce que d’un côté, on a des journalistes,
caricaturistes, chroniqueurs, dont le métier est de faire rire et réfléchir, de
moquer sans prosélytisme, de blasphémer si besoin est dans un pays dont la
devise « liberté, égalité, fraternité » devrait se voir ajouter : laïcité.
En France, le caractère sacré d’un lieu, d’un homme ou d’une femme, n’existe
pas collectivement. Il s’agit d’un choix individuel relevant de la sphère privée.
Le délit de blasphème n’existe d’ailleurs que dans les états dans lesquels la séparation
du religieux et du politique est inconnue. Autrement dit, la France est un pays
permissif, qu’on croit au ciel ou qu’on n’y croit pas.
Quand des musulmans
demandent l’application du Coran comme mode de gouvernance, il ne s’agit pas d’une
revendication de nature constitutionnelle et démocratique. Il s’agit de l’application
d’un texte datant du 7e siècle, un texte qu’il faut évidemment
respecter comme élément constitutif d’une foi ou d’une croyance, mais non
opposable à une société — la nôtre —dont les textes encadrant notre vivre
ensemble privilégient la liberté et notamment la liberté d’expression. En
France on peut critiquer le pape, le prophète, les juifs orthodoxes, Bouddha et
d’autres dieux…Les Talibans, eux, exigent l’application de la charia, la loi
canonique de l’Islam. Ils ne sont pas seuls. On voit bien qu’au Nigéria, en
Libye, en Irak, en Syrie, d’autres gouvernants ou postulants au pouvoir veulent
imposer leur loi aux autres aux non musulmans ou aux musulmans différents. Ce
danger guettait la Tunisie mais les électeurs de ce pays par un vote au
suffrage universel l’ont écarté. Il n’empêche que des islamo-fascistes ont
trouvé le temps de tuer deux représentants éminents de l’opposition tunisienne
!
C’est d’autant plus
important que c’est au nom du prophète que ces islamo-fascistes violent,
assassinent, terrorisent ceux et celles qui ne pensent pas comme eux, ne
croient pas comme eux, ne vivent pas comme eux. Dieudonné prétend se situer sur
le terrain du rire et de la liberté d’expression mais ses propos stigmatisent
une communauté dans les personnes qui la composent, ils répondent à la définition
que donne la loi du délit : le négationnisme et l’antisémitisme. Il
agresse les juifs parce qu’ils sont juifs, pour ce qu’ils sont non pour ce qu’ils
font. Il conteste la Shoah et nie l’existence des chambres à gaz. Il déplore les
lois mémorielles au prétexte que l’esclavage serait sous-estimé. Christiane
Taubira a pourtant, dans un discours improvisé remarquable, fait voter une loi
reconnaissant l’esclavage comme un crime contre l’humanité.
Dans le droit français, l’antisémitisme
et le racisme ne sont donc pas des opinions, ce sont des délits et ils sont réprimés
comme tels. Dieudonné était en garde à vue dans les locaux de la police
judiciaire de Paris parce qu’il a vanté l’action de Coulibaly, auteur de quatre
meurtres contre des clients juifs du magasin cacher de la porte de Vincennes.
Quand il dit être heureux de s’appeler « Charlie Coulibaly », il donne son
approbation implicite à plusieurs crimes commis au nom de l’antisémitisme et c’est
punissable car ses propos incitent à la haine…et font l’apologie du terrorisme.
Je ne suis, par contre, pas
d’accord avec Manuel Valls quand il stigmatise le roman de Michel Houellebecq «
Soumission » dont on peut contester la forme, le fond et le style mais une œuvre
telle que la sienne ne peut en aucune façon être comparée aux pamphlets de Céline
qui appelait au massacre des juifs comme le faisaient Rebatet, Brasillach et
quelques autres. Le droit à l’imagination n’entre pas dans une catégorie ou un
quelconque classement. Il doit être large, ouvert et c’est bien pourquoi
Bernard Maris, tué dans les attentats de Charlie Hebdo, était un ami de Houellebecq
dont il a défendu le roman.
L’avocat de Charlie Hebdo,
Richard Malka affirme qu’une démocratie se reconnaît à un caractère que ne possèdent
ni les dictatures ni les pouvoirs fascisants : il s’agit de la nuance. Cette
nuance est consubstantielle à la démocratie, c’est elle qui permet la vie en
commun, elle qui permet des choix différents et qui permet le débat. Autant on
peut se sentir Charlie, autant on peut nier ce choix. Les « je suis Charlie »
et les « je ne suis pas Charlie » peuvent coexister et dialoguer. Il existe peu
de pays au monde à pouvoir être comparé au nôtre. C’est sans doute pourquoi les
juifs ashkénazes du 18e siècle déclaraient en yiddish « Men ist
azoy wie Gott in Frankreich » « heureux comme Dieu en France »…
(1)
L’indépendance de la presse, c’est Charlie hebdo ! Pourquoi ?
« Parce que Charlie Hebdo ne dépend d’aucun actionnaire extérieur. Parce que
Charlie Hebdo refuse de se vendre à la publicité. Parce que Charlie Hebdo ne cède
pas aux menaces de mort. Parce que Charlie Hebdo ne cède pas aux attentats. Parce
que Charlie Hebdo n’est pas soumis à Dieu. Parce que Charlie Hebdo n’a de
compte à rendre qu’à ses lecteurs. Charlie Hebdo est un journal satirique, laïc,
politique et d’information » Texte destiné à ceux qui souhaitent s'abonner.
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