Jean-Claude Juncker le nouveau président de la Commission. |
Que le Luxembourg soit un paradis fiscal, ce n’est
certes pas une découverte ! Mais ce qui est nouveau en revanche, c’est la
mise au jour des mécanismes conçus et appliqués par les plus hauts responsables
de ce petit pays pour faire évader les profits des plus grands groupes mondiaux
opérant en Europe, tout en y retirant avantage. Cela en utilisant au détriment
des autres pays de l’Union les outils d’un dumping fiscal éhonté. Mais aussi en
tirant le meilleur parti du laxisme coupable de la législation communautaire en
ce domaine.
Car ces pratiques scandaleuses, même si elles ne sont
pas juridiquement condamnables, sont totalement immorales et parfaitement
contraires à l’esprit qui présida à la fondation de ce qui se nomme aujourd’hui
« Union européenne ». Plaisant euphémisme que cette union de façade
derrière laquelle chaque pays membre défend égoïstement ses propres intérêts
sans se soucier un seul instant de l’intérêt général des peuples qui la compose
ni du préjudice qu’il porte aux autres membres. Cette soi-disant Union, où tous
les coups tordus sont permis tant qu’on ne se fait pas prendre, ne fait le
bonheur que de quelques uns.
Les maîtres d’œuvre de ce qu’il faut clairement
dénoncer comme un système d’évasion fiscale à grande échelle sont désormais
connus : ils sont les premiers ministres luxembourgeois qui se sont
succédé depuis un quart de siècle à la tête de leur pays : Jacques Santer,
de 1989 à 1995, et Jean-Claude Juncker, de 1995 à 2013. Et comme par hasard,
ils ont été l’un et l’autre président de la Commission européenne :
Jacques Santer de 1995 à 1999 et Jean-Claude Juncker depuis cette année 2014.
Jacques Santer, contraint de démissionner avec toute la Commission européenne
en 1999 après qu’un rapport ait été publié qui dénonçait la fraude et le
népotisme régnant alors à Bruxelles. Parmi les commissaires européens épinglés
par ce rapport, il n’est pas inutile de rappeler que figurait en bonne place la
socialiste Édith Cresson, pour avoir recruté dans son cabinet de Bruxelles, un
ami dentiste de Châtellerault dont la réalité de l’emploi apparaissait plus
qu’hypothétique.
En forme de parenthèse, la présidence de José Manuel
Barroso — idéologue borné et personnage inconsistant comme on les adore à
Bruxelles car ils ne fâchent personne — a permis de laisser s’écouler le temps
suffisant pour que soient oubliées dans l’opinion publique les turpitudes
passées de son prédécesseur. Et ainsi au Luxembourg, au terme de sordides
tractations, de revenir aux commandes de l’Union avec l’inoxydable Jean-Claude
Juncker pas le moins du monde gêné par ces révélations qui le disqualifient.
Gageons que la lutte contre l’évasion fiscale, véritable fléau européen, ne
constituera pas sa première préoccupation.
Ne nous étonnons donc pas de l’état de déliquescence
démocratique de cette Europe-là et du rejet qu’elle suscite chaque jour
davantage auprès des peuples qu’elle humilie en bafouant leur vote quand il ne
lui convient pas ou en leur infligeant avec la Troïka (Commission européenne,
BCE et FMI) les souffrances et les ravages des cures d’austérité. Pas plus que
des raisons pour lesquelles la Commission européenne n’a jamais véritablement
cherché à combattre ces pratiques détestables de dumping fiscal. Cette
Europe-là permet aux deux grandes formations politiques qui s’y partagent le
pouvoir depuis des lustres au parlement, le PPE et le PSE, de s’y neutraliser
en se partageant les places et en s’accordant sur l’essentiel. Tout en laissant
les groupes d’intérêts transnationaux — à commencer par les banques qui en sont dans l’ombre les
vrais acteurs — imposer contre la volonté des peuples le néolibéralisme
financier qui les gave mais détruit tout sur son passage et conduira l’Europe
et le monde à la catastrophe économique, écologique et sociale.
Reynald
Harlaut
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire