Jean-Luc Mélenchon chez M-Real à Alizay. (Photo Reynald Harlaut) |
J’ai eu l’occasion de
croiser la route de Jean-Luc Mélenchon à trois ou quatre reprises. La première
fois, c’était à Val-de-Reuil. Il était alors ministre (ou secrétaire d’Etat) à
la formation professionnelle. L’homme avait de la conviction. Son discours,
improvisé, démontrait une bonne connaissance du monde de l’apprentissage lui
qui venait de visiter le CFA rolivalois…Il laissa d’ailleurs le souvenir d’un
bon ministre, capable de mettre ses idées en actions et en actes. Son passage
au gouvernement fut malheureusement pour les apprentis de courte durée.
Plus tard, j’ai rencontré le
militant socialiste venu à Evreux défendre une motion d’avant congrès. Ses
adversaires n’avaient pas pesé lourd dans le débat. Il faut dire que Jean-Luc
Mélenchon a l’intelligence des situations et l’art de tenir une tribune. Je fus
pourtant marqué par une forme d’intransigeance annonciatrice de ses futures
foucades mais je découvris un homme déterminé, passionné.
Avec le temps et des
désaccords idéologiques, Jean-Luc Mélenchon a quitté le Parti socialiste, créé
le Parti de gauche puis le Front de gauche avec le Parti communiste. Ses onze
et quelques pour cent à l’élection présidentielle, score décevant pour ses
supporteurs, furent tout de même un excellent résultat démontrant la puissance
de ses arguments et un vrai talent à susciter le soutien.
Pendant ces six années de
combat politique, il eut le temps de se payer Marine Le Pen sans parvenir à la
vaincre, de moquer François Hollande sans pouvoir empêcher son élection à la
présidence, de tancer les journalistes et les médias pour leur « incompétence
» et leur sens du suivisme, de dénoncer les socialistes comme des vendus au
capital, de se fâcher avec ses meilleurs amis communistes (qui se méfiaient de
lui comme de la peste) d’échouer aux européennes après avoir raté les
municipales au cours desquelles le PCF préféra des postes à la pureté du
discours et aux portes de l’avenir.
Tout cela pèse, fatigue,
épuise. JLM a beau avoir la santé, vient le moment de la lassitude, du burn-out
comme disent les médecins du travail, surtout quand l’horizon laisse perler des
brumes noirâtres et des chemises tout aussi brunes.
Jean-Luc Mélenchon a décidé
de mettre les pouces et de se ressourcer dans l’écriture et la réflexion. Il
travaille à donner du contenu à une éventuelle 6e République, celle
qu’Arnaud Montebourg appelait déjà de ses vœux.
Ce recul est-il
surprenant ? Pour qui connaît (un peu) le fonctionnement du monde
politique, cette prise de distance était devenue inévitable. La stratégie de
JLM ayant échoué, il était juste qu’il laissât la place à d’autres acteurs
dotés d’une autre imagination. Insister eût été une preuve de faiblesse voire
le signe d’un malaise personnel plus profond.
Le fait est qu’il est
difficile, à gauche, de lutter à armes égales avec le Parti socialiste. Ce
grand corps malade — Bernard-Henry Lévy disait même que ce corps était sans vie
— parvient à surmonter ses contradictions et à continuer de dominer la gauche.
Devenu social-démocrate, compromis dans le social-libéralisme avec
Hollande-Valls, il sera difficile au PS de Cambadélis de faire machine arrière
et d’en appeler à Jaurès et sa république sociale. Il y a donc de la place pour
une gauche de la gauche mais avec quels objectifs ? Le gouvernement de la
parole a encore de beaux jours devant lui.
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