Nicolas Sarkozy n’est pas un
justiciable comme les autres. Les mis en examen ne sont pas tous amis de
Lagardère et de Bouygues. Ils n’ont pas tous la possibilité d’occuper l’antenne
pendant plus de vingt minutes à une heure de grande écoute pour débiter des «
vérités » arrangées et se livrer à des attaques en règle contre les juges
d’instruction et le pouvoir en place.
Que retenir des déclarations de l’ancien
président de la République qui aspire à le redevenir ? Il veut se faire passer pour
une victime. Il précise quand même au passage que s’il a commis des fautes (on
ne sait jamais !) il en assumera les conséquences. C’est bien de le préciser
parce que de toutes les façons, il ne pourra pas faire autrement.
A quoi a donc servi cette
interview télévisée sinon à accuser le ciel et la terre sans rien préciser des
actes qu’on lui reproche ? Pas un mot sur les écoutes (sauf pour se plaindre de
la forme) pas un mot sur ses téléphones portables achetés sous de faux noms,
pas un mot sur le magistrat de la Cour de Cassation qui souhaitait un bon poste
à Monaco, pas un mot sur les taupes policières ou judiciaires qui renseignaient
Sarko et son avocat sur le déroulement des affaires Bettencourt, Kadhafi et
compagnie. « Corruption active », « trafic d'influence » et « recel de violation du secret professionnel » sont des délits potentiels gravissimes !
Sur les faits qu'on lui reproche, Sarko est
demeuré étrangement silencieux. Le dossier est si lourd qu’il n’a qu’une
solution pour s’en sortir : reprendre la tête de l’UMP, faire durer les
affaires le plus longtemps possible pour gagner 2017, tenter d’être réélu pour
bénéficier de l’immunité présidentielle. Ce ne sera pas simple mais ce n’est
pas impossible. Il est vrai que 65 % des Français considèrent que l’ancien
président est traité comme tout un chacun, qu’il n’y a pas d’acharnement
particulier à son égard.
Et pourtant, l’orchestration de la contre-attaque
contre les deux « dames » (1) comme il dit, visant à les faire passer pour des
juges rouges assoiffées du sang de Sarko et à le détruire, est une opération
évidente d’enfumage destinée à masquer l’essentiel. François Hollande l’a bien
compris qui a donné comme consigne à la gauche de se taire, de ne pas commenter
les propos de l’ancien chef de l’Etat, de le laisser « boxer dans le vide ».
Sans adversaire face à lui, Sarko va se battre contre son ombre et aussi contre
la réalité d’un dossier judiciaire lourd que ses avocats vont tenter de
minimiser voire d’annuler dans notre état de droit.
Il est particulièrement
réjouissant d’entendre les adversaires de Sarko au sein de l’UMP l’assurer de
toute leur sympathie et de leur compassion, espérer que son innocence (sic)
sera reconnue, conscients qu’ils sont que l’affaire en cours ne sera pas la
seule à troubler les nuits du mari de Carla. Une certaine affaire Bygmalion est
dans les cartons. Sarko anticipe la suite puisqu’interrogé, hier soir, sur le
financement de la dernière campagne présidentielle, il a rejeté toutes les
fautes sur l’UMP. Ses comptes de campagne ont été rejetés pour un dépassement
de 400 000 euros. Alain Juppé et François Fillon vont la jouer « cool ». Ils savent que le temps judiciaire n'est pas le temps politique ou médiatique. « Plus la patience est grande, plus belle est la vengeance. »
(1) M. Sarkozy ne cite pas
les noms des deux juges d’instruction qui l’ont mis en examen. Ce serait leur
faire trop d’honneur. Il s’agit de Mmes Simon et Tépaut, objets de sarcasmes et
de suspicion de la part du premier cercle sarkozyste.
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