Marc-Antoine Jamet et Gilles Kepel. (photo JCH) |
Gilles Kepel est de ces
intellectuels brillants, polyglottes, formés aux meilleures écoles de la République
et passionnés par le sujet de leurs recherches. Lui parle l’Arabe couramment,
connaît le monde islamique sur le bout des doigts et est capable, sans aucune
note, de disserter pendant une heure trente sur ce qu’on appelle « les
printemps arabes » à l’image de notre printemps, frais et pluvieux. Quels sont
les points communs entre les événements de Tunisie, d’Egypte et de Libye ?
Quelles sont les raisons qui ont conduit les peuples de ces pays à mettre à bas
la dictature qui régnait chez eux depuis des décennies pour laisser la place à
des gouvernements sous l’influence des Frères musulmans et prompts à vouloir détenir
tous les pouvoirs.
Devant les lycéens de Marc
Bloch et quelques privilégiés volontaires, à l’invitation de Jean-Pierre
Cantrelle, proviseur et Marc-Antoine Jamet, maire, Gilles Kepel, professeur à
la biographie longue comme le bras, s’est livré à un exercice dans lequel il
excelle. Sous une forme dilettante, au fil des associations d’idées, le très
fin connaisseur de l’Islam et de l’histoire-géographie a décrit un monde en
plein bouleversements et bien malin qui pourrait prévoir la suite des événements
en cours.
Retenons quelques points
fixes : l’importance de la religion dans ces pays du Levant et du
Moyen-Orient, la rivalité brutale et violente entre Chiites et sunnites, la merveilleuse
rente pétrolière et gazière dans certains de ces pays, la situation souvent peu
enviable des femmes, et enfin, la difficulté d’imaginer une démocratie à l’occidentale
dans laquelle 51 % des suffrages vaut beaucoup plus que 49. A cela s’ajoutent
la présence d’un état juif, le rôle de l’Iran sur l’Irak, sur la Syrie et sur le
Hezbollah libanais, l’opposition entre les Etats-Unis d’Amérique et la Russie
pour résoudre la crise syrienne…ce qui compose une mosaïque compliquée,
confuse, où la raison ne l’emporte pas toujours sur les fanatismes et où la laïcité
a bien du mal à se frayer un chemin.
Ajoutons la croissance hyper
rapide des Émirats, du Bahrein, du Qatar, leur propension à développer leurs
investissements dans les pays développés mais en crise, et nous comprendrons
pourquoi ni Francis Fukuyama (et la fin de l’histoire) ni Huntington (et le choc des
civilisations) n’apportent de réponse satisfaisante aux situations en cours.
Les six élèves admissibles
au grand oral de Sciences Po Paris auront écouté avec attention Gilles Kepel.
Il s’est voulu pédagogue et conseiller à leur intention comme si nous étions
tous appelés à passer devant le jury. Avec succès évidemment.
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