15 mai 2013

Gilles Kepel (et les printemps arabes) devant les lycéens rolivalois de Marc Bloch


Marc-Antoine Jamet et Gilles Kepel. (photo JCH)
Gilles Kepel est de ces intellectuels brillants, polyglottes, formés aux meilleures écoles de la République et passionnés par le sujet de leurs recherches. Lui parle l’Arabe couramment, connaît le monde islamique sur le bout des doigts et est capable, sans aucune note, de disserter pendant une heure trente sur ce qu’on appelle « les printemps arabes » à l’image de notre printemps, frais et pluvieux. Quels sont les points communs entre les événements de Tunisie, d’Egypte et de Libye ? Quelles sont les raisons qui ont conduit les peuples de ces pays à mettre à bas la dictature qui régnait chez eux depuis des décennies pour laisser la place à des gouvernements sous l’influence des Frères musulmans et prompts à vouloir détenir tous les pouvoirs.
Devant les lycéens de Marc Bloch et quelques privilégiés volontaires, à l’invitation de Jean-Pierre Cantrelle, proviseur et Marc-Antoine Jamet, maire, Gilles Kepel, professeur à la biographie longue comme le bras, s’est livré à un exercice dans lequel il excelle. Sous une forme dilettante, au fil des associations d’idées, le très fin connaisseur de l’Islam et de l’histoire-géographie a décrit un monde en plein bouleversements et bien malin qui pourrait prévoir la suite des événements en cours.
Retenons quelques points fixes : l’importance de la religion dans ces pays du Levant et du Moyen-Orient, la rivalité brutale et violente entre Chiites et sunnites, la merveilleuse rente pétrolière et gazière dans certains de ces pays, la situation souvent peu enviable des femmes, et enfin, la difficulté d’imaginer une démocratie à l’occidentale dans laquelle 51 % des suffrages vaut beaucoup plus que 49. A cela s’ajoutent la présence d’un état juif, le rôle de l’Iran sur l’Irak, sur la Syrie et sur le Hezbollah libanais, l’opposition entre les Etats-Unis d’Amérique et la Russie pour résoudre la crise syrienne…ce qui compose une mosaïque compliquée, confuse, où la raison ne l’emporte pas toujours sur les fanatismes et où la laïcité a bien du mal à se frayer un chemin.
Ajoutons la croissance hyper rapide des Émirats, du Bahrein, du Qatar, leur propension à développer leurs investissements dans les pays développés mais en crise, et nous comprendrons pourquoi ni Francis Fukuyama (et la fin de l’histoire) ni Huntington (et le choc des civilisations) n’apportent de réponse satisfaisante aux situations en cours.
Les six élèves admissibles au grand oral de Sciences Po Paris auront écouté avec attention Gilles Kepel. Il s’est voulu pédagogue et conseiller à leur intention comme si nous étions tous appelés à passer devant le jury. Avec succès évidemment.

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