Serge Berstein à Louviers. (photo Jean-Charles Houel) |
Avant de remuer le fer dans la plaie de ce que fut l'opposition farouche, implacable, constante de PMF à l'égard des institutions de la 5e république, Serge Berstein a rappelé le passé de Pierre Mendès France, celui de l'enfant juif, de l'étudiant bien doué, du jeune avocat membre du parti radical…au député de Louviers battu en 1958 en pleine vague gaulliste et en pleine guerre d'Algérie. Il a rappelé les convictions profondément républicaines d'un homme qui devait être la seule grande figure de la 4e République, le seul à même de laisser penser que cette République valait mieux que ce qu'elle fut. Le seul, au fond, à croire que la 4e république mourrait de ne pas avoir su se réformer, se revivifier même si PMF, très populaire en 1956, ne fit rien pour susciter autour de lui un mouvement d'adhésion (2) qui eût pu changer l'histoire de notre pays.
Républicain, légitimiste, parlementariste, convaincu du rôle essentiel du peuple et donc du citoyen dans le fonctionnement démocratique, Pierre Mendès France n'a jamais pu se faire à l'idée gaulliste d'un exécutif supérieur au législatif. Il a refusé tout ce que le général de Gaulle proposait : une constitution dotant le président de la République de pouvoirs exorbitants (dissolution et article 16 notamment) et qui plus est adoptée par référendum et non par une assemblée constituante, élection du président au suffrage universel faisant entrer la république dans l'ère du césarisme et d'une forme de monarchie. Les événements du 13 mai 1958 demeureront une tache sur l'uniforme du chef de la France libre pour lequel PMF avait eu pourtant admiration et respect.
Jamais, pour autant, Pierre Mendès France n'a accepté de céder sur ses principes. Comme Victor Hugo face à Napoléon III, PMF fut une conscience éclairée de la gauche face au gaullisme mais une conscience marginale puisque étrangère à toutes les combinaisons politiciennes. De 1958 à 1968, année de sa défaite aux législatives à Grenoble, Pierre Mendès France fut une voix écoutée. Elle ne retrouva ensuite quelque vigueur qu'à l'occasion de l'élection de François Mitterrand en 1981, lequel savait tout ce qu'il devait à l'ancien maire de Louviers : « sans vous rien n'eût été possible ».
Claude Cornu, commissaire de l'exposition, interrogea Serge Berstein sur un point d'histoire susceptible d'altérer les convictions des toujours supporters de PMF. Les différentes cohabitations n'ont elles pas prouvé l'échec de la vision mendésiste de notre constitution lui qui considérait qu'une majorité parlementaire opposée au président susciterait une fracture définitive ? Oui, sans doute, répond Serge Berstein,si l'on considère que la gauche a adopté le fonctionnement de nos institutions et finalement fait sienne cette constitution tant honnie. Qui oserait remettre en cause, aujourd'hui, l'élection du président de la République au suffrage universel ? Qui oserait admettre que le référendum est plus un plébiscite qu'un véritable outil démocratique ?
Il est cependant du devoir de la gauche d'imaginer une 6e république débarrassée des oripaux de la monarchie et capable d'assurer un vrai équilibre entre les différents pouvoirs. François Hollande aura-t-il le courage (et une majorité) pour s'atteler à cette tâche impossible ?
(1) Serge Berstein est professeur émérite à l'Institut de sciences politiques de Paris. Il est spécialiste de la 3e République et a écrit de nombreux ouvrages.
(2) Interrogé un jour par Serge Berstein sur le fait que PMF poussait les gens à adhérer au Parti radical plutôt que de créer son propre parti, PMF répondit : « créer un parti autour d'un homme, c'est du fascisme. »
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