La dépouille de Raymond
Aubrac a reçu le lundi 16 avril dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des
Invalides à Paris les honneurs militaires que la France lui devait. En présence
du chef de l’État, de la poignée de résistants français de la Seconde Guerre
mondiale encore de ce monde, des autorités militaires, de sa famille et de
quelques centaines d’anonymes admis à y participer.
Selon les dernières
volontés du défunt, aucune personnalité politique, y compris le président de la
République, n’avaient été autorisées à prendre la parole. Seuls Jean-Louis
Crémieux-Brilhac, historien et Jacques Vistel, tous deux grands résistants eux
aussi, furent admis à prononcer de courts et émouvants éloges.
L’occasion eut été trop
belle de récupérer l’hommage de la Nation au glorieux patriote, pour en faire
un enjeu électoraliste. Mais Raymond Aubrac, en homme supérieurement
intelligent et sage qu’il était avait tout prévu. Car déjà par le passé, cet
homme effacé autant qu’avisé avait pris ses distances avec Nicolas Sarkozy. À
la Bastille, le 14 juillet 2011, il avait prononcé à l’occasion de la fête
nationale, l’allocution suivante qui se voulait comme l’a si justement écrit le
site Mediapart, « un plaidoyer pour un retour aux principes fondamentaux
d’une République dévoyée par ceux qui la gouvernent dans « la haine et le rejet de l’autre ».
« Depuis bientôt un an, les plus hautes
autorités de l'Etat s'acharnent à dresser les citoyens les uns contre les
autres. Elles ont successivement jeté à la vindicte publique les Roms et les
gens du voyage, les Français d'origine étrangère, les habitants des quartiers
populaires, les chômeurs et précaires qualifiés d'«assistés»... Elles ont
ressorti le vieux mensonge d'une immigration délinquante, elles pratiquent la
politique de la peur et de la stigmatisation.
Nous avons manifesté le 4 septembre 2010, dans
toute la France, contre ce dévoiement de la République. Aujourd'hui, chacun
mesure la terrible responsabilité de ceux qui ont donné un label de
respectabilité aux idées d'extrême droite, à la xénophobie, à la haine et au
rejet de l'autre. De dérapages verbaux en pseudo-débats, de crispations
identitaires en reculs sociaux, la voie a été grande ouverte à une crise
démocratique encore plus grave que celle du 21 avril 2002.
Parce que nous sommes attachés aux valeurs de
liberté, d'égalité et de fraternité, nous ne supportons plus que la République
soit ainsi défigurée, la laïcité instrumentalisée au service de la
stigmatisation de millions de nos concitoyens, la xénophobie banalisée dans les
propos de ministres et de députés qui prétendent parler en notre nom à tous.
Nous refusons que la peur soit utilisée pour faire reculer nos libertés, que
les inégalités soient encouragées par l'injustice fiscale, le recul des droits
sociaux et la démolition des services publics.
Nous refusons cette République défigurée; celle que
nous voulons, c'est la République «laïque, démocratique et sociale» que
proclame notre Constitution; celle du 14 juillet 1789, du Rassemblement
populaire de 1936, celle enfin du Conseil national de la Résistance. Celle qui
s'attache inlassablement à garantir à tous l'égalité en dignité et en droits,
l'égale liberté, l'égal respect de la part de ceux qui les gouvernent.
C'est pourquoi nous lançons un appel solennel au
rassemblement de toutes et tous, à la mobilisation des consciences pour le
retour de cette République que nous voulons plus que jamais libre, égale et
fraternelle.
Deux cent vingt deuxième anniversaire de la prise
de la Bastille, ce 14 juillet est le dernier avant l'échéance présidentielle de
2012. Sachons nous en saisir, nous rassembler pour fêter la République de la
meilleure manière qui soit : en appelant nos concitoyennes et concitoyens à
faire respecter ses valeurs, aujourd'hui et demain ».
C’eût été suprême infamie
que celui qui avait fait, en 2007, du détricotage patient et méthodique du
programme du Conseil national de la Résistance instituant le contrat social
républicain, c’est-à-dire notre protection sociale, nos retraites, nos droits
syndicaux dans l’entreprise, nos services publics et la liberté de la presse,
l’un des principaux objectifs du programme politique de son quinquennat, fut
aussi celui qui prononçât son éloge funèbre. Il n’en a rien été et cela est
bien ainsi.
R.H.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire