27 octobre 2010

Plombier, le beau métier !

Cette photo a été prise à la fin d'une manif à Chambéry le 19 octobre 2010, 3 minutes après que trois jeunes casseurs ont été arrêtés par les robocops. On voit très bien qu'après avoir cassé une vitrine, ces 3 casseurs sont très très inquiétés par ces mêmes robocops et qu'on a du leur passer un brassard orange de force pour leur signifier leur garde à vue.
On a appris ensuite qu'il n'y a eu aucune garde à vue après la manif. Etonnant non !

Hum, plombier, le beau métier… On connaît la chanson. Celle-là est apparemment indémodable. Les gens de ma génération se souviennent encore de cette fameuse affaire des écoutes téléphoniques du Canard Enchaîné, en 1973, sous la présidence de Georges Pompidou et le gouvernement de Pierre Messmer. Des « plombiers » d’un genre particulier avaient été surpris posant des micros dans les bureaux du journal. L’affaire fit grand bruit. Le ministre de l’intérieur d’alors, de sinistre mémoire, se nommait Raymond Marcellin. Elle fit l’objet d’un procès. L’avocat qui défendait l’insolent volatile s’appelait Roland Dumas. C’était il y a bien longtemps. Longtemps avant qu’il ne soit lui-même rattrapé par la justice dans l’affaire Elf avec sa maîtresse d’alors Christine Deviers-Joncour, la putain de la République. Putain, le beau métier…

Pourquoi se remémorer tout cela ? C’est que curieusement, l’histoire a de ces balbutiements vraiment cocasses. On croyait ces pratiques d’un autre âge, révolues. Pas du tout. L’archaïsme n’est pas toujours là où on le croit et a, on le voit, de très beaux restes. Car il semble bien qu’à nouveau tout recommence avec cette nouvelle et troublante coïncidence qui a vu en quarante-huit heures deux journalistes travaillant sur les affaires Woerth-Bettencourt se faire voler leurs ordinateurs portables. Et le second pas n’importe où. Dans les locaux mêmes de son journal, Le Point.

Les plombiers sont donc de retour. Comme au bon vieux temps. Les hommes passent, les méthodes restent. Quelle différence me direz-vous entre un Raymond Marcellin, ancien vichysso-résistant, c'est-à-dire dans le même temps haut fonctionnaire de Vichy, décoré de la francisque, et appartenant à un réseau de résistance, et un Brice Hortefeux, auvergnat d’adoption, pas raciste pour deux sous, qui se verrait bien maire de Vichy en 2014 ?

Pas en tout cas dans l’emploi des pires méthodes de basse police comme celle d’infiltrer les manifestations pour tenter de les dévoyer vers la violence et ainsi de les discréditer aux yeux de l’opinion. Marcellin-Hortefeux, même combat.

Mais toujours, il s’agit, soit de faire la chasse à d’affreux gauchistes, sous couvert de lutte anti-terroriste, soit de protéger le président de la République contre des affaires qui si elles étaient révélées, risqueraient fort de se transformer en affaires d’État. Déjà, en 2008, Michèle Alliot-Marie étant ministre de l’Intérieur, l’hebdomadaire satirique Siné-Hebdo avait vu ses locaux cambriolés et quatre de ses ordinateurs disparaître. C’était au temps de l’enquête contre les fameux terroristes de Tarnac, épiciers trafiquants de Bleu d’Auvergne, en guerre ouverte contre le Roquefort.

Qu’il s’agisse de l’affaire Markovic ou de l’affaire Woerth-Bettencourt, on est bien dans le même registre. Un pouvoir affairiste et déliquescent est aux abois. Et comme toujours en pareil cas, il rend responsables de ses malheurs les journalistes qui osent encore faire leur travail. Ceux qui par exemple s’intéresseraient de trop près aux comptes de campagne des dernières élections présidentielles. À commencer par le troublant épisode balladurien de 1995, dont la cheville ouvrière était déjà un certain Nicolas Sarkozy. Balladurien, le beau métier… Commissions, rétro-commissions sur fond de ventes d’armes au Pakistan afin de financer cette candidature aux comptes totalement opaques. La conclusion tragique en fut semblerait-il l’attentat de Karachi de 2002 qui vit la mort de onze français, fonctionnaires de la Direction des constructions navales. Mais aussi à la présidentielle de 2007, dont Éric Woerth était le principal responsable financier et dont Liliane Bettencourt, par ses dons sonnants et trébuchants, a, paraît-il largement contribué à assurer la victoire de l’actuel président.

Dans ces deux affaires les enquêtes piétinent et sont freinées jusqu’à l’indécence par le pouvoir en place. L’indépendance de la justice est bafouée. Jusqu’à quand les magistrats vont-ils continuer de manger leur toque ?

Reynald Harlaut
Avec le concours involontaire de Ricet Barrier

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