« Depuis plus de vingt ans, les différents gouvernements infligent un traitement discriminatoire aux Français nés à l’étranger, ou nés en France de parents étrangers ou devenus français par naturalisation.
À l’occasion du renouvellement de ses papiers d’identité, il est maintenant demandé systématiquement à chacun d’entre eux de faire la preuve de sa nationalité française. La situation continue de s’aggraver : d’une pratique qui se cantonnait à la carte d’identité, la délivrance du passeport fait désormais l’objet des mêmes attentions et on en arrive à l’ouverture d’un bureau spécialisé pour ces Français « différents ».
Au-delà de l’avalanche de preuves réclamées, de la difficulté de reconstituer des parcours que l’histoire de la France ou du monde a bouleversés et de la répétition stupide des mêmes demandes à chaque renouvellement, imagine-t-on ce que représente cette mise en cause directe de la personnalité de chacun et le réveil douloureux de souvenirs souvent dramatiques ?
Il y a quelque chose d’intolérable à faire ainsi de millions de Français d’origine les plus diverses des personnes suspectes a priori de fraude, puisque ce sont à elles de prouver leur nationalité et non à l’administration de démontrer une fraude ou une erreur. Cette attitude est d’autant plus vexatoire qu’en vertu de l’article 21-13 du Code Civil, la nationalité de ceux qui ont vécu en tant que Français depuis plus de dix ans ne peut plus être contestée.
Nous dénonçons une logique résultant d’une peur de l’étranger dont il importerait de se prémunir à toute force, y compris en suspectant des millions de Français. Et parce que nous refusons que ces situations se règlent par des passe-droits en faveur de ceux qui ont les moyens de protester contre de telles discriminations, nous exigeons que le gouvernement y mette un terme et rétablisse un traitement normal et égal pour tous de la délivrance des pièces d’identité. »
Signataires :
Michèle ANDRE, vice-présidente du Sénat ; Ariane ASCARIDE, comédienne ; Gérard ASCHIERI, syndicaliste ; Jean-Christophe ATTIAS, directeur d’études à l’EPHE-Sorbonne ; Edouard BAER, comédien ; Jeanne Balibar, comédienne ; Guy Bedos, comédien ; Esther Benbassa, directrice d’études à l’EPHE-Sorbonne ; Jean-Luc BENNHAMIAS, député européen ; Matthieu BONDUELLE, secrétaire général du syndicat de la Magistrature ; Pascal BONIFACE, universitaire ; Nicole BORVO, sénatrice ; Zabou BREITMANN, comédienne ; Annick COUPE, syndicaliste ; Didier DAENINCKX, écrivain ; Jean-Michel DUCOMTE, président de la Ligue de l’Enseignement ; Jean-Pierre DUBOIS, président de la LDH ; Kamel JENDOUBI, président du Réseau euroméditerranéen des droits de l’Homme ; Marie-Pierre DE LA GONTRIE, secrétaire nationale du Parti socialiste à la justice et aux libertés publiques ; Robert GUEDIGUIAN, cinéaste ; Françoise HERITIER, professeure au Collège de France ; Jean-Claude KAUFMANN, directeur de recherche au CNRS ; Christophe HONORE, cinéaste ; Henri LECLERC, président d’honneur de la LDH ; Patrick LOZES, président du CRAN ; Daniel KARLIN, cinéaste ; Marie NDIAYE, écrivaine ; Gilles PERRAULT, écrivain ; Lydie RAPPAPORT, directrice de recherche au CNRS ; Roland RAPPAPORT, avocat au barreau de Paris ; Jean-Marc ROIRANT, secrétaire général de la Ligue de l’Enseignement ; Benjamin STORA, professeur des Universités ; Michel TUBIANA, président d’honneur de la LDH ; Marie-Christine VERGIAT, députée européenne.
L’appel a été publié dans Libération en date d’aujourd’hui : http://www.liberation.fr/societe/0101614261-appel-pour-les-francais-rejetes
3 commentaires:
Effectivement, à 38 ans j'ai voulu renouveler mon passeports et patratra...je dois prouver ma nationalité! Il est vrai que je m'appelle Karim SY pas très français comme nom?
Après 6 mois de procédures avec les conseils d'une dame de l'administration fantastique (il y en a heureusement) mon cas (qualifié de facile) à été réglé!
Le problème c'est que depuis je ne sais plus si je suis français...
Pour moi la même chose, certificat de nationalité pour tous ceux qui sont naturalisés à demander à Nantes. Désormais j'ai un numéro pour toute demande ultérieure par internet pour faciliter la délivrance du certificat de nationalité.
Autrefois, il suffisait de donner sa vieille carte d'identité comme preuve de nationalité française pour en avoir une nouvelle, mais apparemment cette carte d'identité n'est pas une preuve suffisante quand il faut demander un certificat en plus à Nantes.
Quand on est Français, on est Français à égalité. Liberté, égalité, fraternité, dit-on toujours en France.
Sylvia Mackert, naturalisée Française depuis 27 ans.
Ce serait plus simple si l'administration se donnait les renseignements directement entre administrations. Si quelqu'un a changé de nationalité entre deux, cela serait marqué sur son dossier à Nantes, un mail suffirait de nos jours.
Et je confirme que la naturalisation était déjà un parcours du combattant à l'époque.
Sylvia Mackert
Enregistrer un commentaire