13 mai 2009

Reynald Harlaut : « abstention piège à cons »

« Dans notre culture républicaine, il est très mal vu de soutenir l’abstention. Voter est un devoir civique. L’abstention n’est pas perçue en France comme un signe de bonne santé pour la démocratie. Et nous sommes toujours surpris de constater que les États-Unis qui se pensent comme la démocratie la plus avancée au monde sont un des pays à avoir le plus fort taux d’abstention à leurs élections. Alors en France, on n’appelle pas ouvertement à l’abstention. Mais de semaine en semaine on abreuve les médias de sondages annonçant comme une certitude inévitable un taux d’abstention record aux prochaines élections européennes autour de 65%. C’est là en quelque sorte un message subliminal envoyés aux électeurs qui leur dit : « vous voyez bien, voter aux prochaines élections européennes ne servira à rien puisque deux Français sur trois ne se rendront pas aux urnes ». On voudrait les dissuader d’aller voter qu’on ne s’y prendrait pas autrement. D’autant qu’on ajoute : « Que voulez-vous, ce n’est pas étonnant, les Français ne comprennent rien à l’Union européenne ». Ce sont les mêmes qui après le référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen (TCE) auquel les Français ont dit non, avaient expliqué la participation record par un « vote de la peur ».

La mise en pièces des services publics

Ce qu’il faut dire aux Français qu’ils comprendront, c’est qu’aujourd’hui, 80% des textes de lois votés par l’Assemblée nationale sont la transposition de directives européennes. Car, s’ils ne s’occupent pas de politique, la politique, elle, s’occupe d’eux. La mise en pièces des services publics appelés dans le jargon européen Services d’Intérêt Général (SIG) tels que ceux de La Poste, de France Télécom, de l’énergie avec la privatisation de GDF et bientôt celle d’EDF, l’ouverture à la concurrence dans les transports ferroviaires qui va mettre à genoux la SNCF et qui à terme verra la disparition de ce qui reste des réseaux secondaires pas assez rentables, toutes ces mesures d’essence libérale sont le résultat des décisions prises par les instances de l’Union européenne avec l’accord des gouvernements des pays membres, qu’ils soient de droite ou de gauche.

 La concurrence libre comme obsession et jusqu’à la folie

Au nom de cette même idéologie libérale imposée par l’Union européenne, dans deux ans, en France, on pourra en toute légalité fabriquer du vin rosé en mélangeant du vin rouge et du vin blanc. On pourra planter de la vigne ici ou là sans autorisation. Et l’on pourra ajouter dans les vins, de l’eau, du sucre et des copeaux de bois pour leur donner le goût du fût, toutes pratiques jusqu’à présent strictement interdites. S’en sera donc terminé avec la notion de terroir et les appellations contrôlées. C’est ce modèle de consommation et de société que la folie libérale de l’Union européenne met chaque jour, pas à pas, en place. Laisserons-nous faire cela ? Si c’est ainsi que nous voulons vivre, laissons faire l’Union européenne et tous ceux qui nous gouvernent en la soutenant et n’allons pas voter. L’abstention, ils ne peuvent rêver mieux.

 La pérennisation de ces politiques par la ratification du Traité de Lisbonne

Tout ce que nous venons d’écrire sur les services publics et la libre concurrence, éclairé par ce dernier exemple, c’est, on le comprend aisément, ce que n’osent nous dire en face tous les grands partis politiques de droite comme de gauche, ralliés volontairement ou tacitement à la politique libérale de l’Union européenne mais tous favorables à la signature du Traité de Lisbonne, abusivement qualifié de traité simplifié, mais copie quasiment conforme, embrouilles en sus, du Traité constitutionnel européen. La concurrence libre, l’interdiction d’instituer la moindre entrave à la circulation des capitaux dans l’Union européenne et dans le monde, favorisant ainsi le dumping social, la libre circulation des marchandises dans le monde en contradiction totale avec l’impérieuse nécessité écologique de réduire l’empreinte carbone, l’interdiction de procéder à l’harmonisation sociale en partant des acquis sociaux existants dans les pays membres de l’Union européenne, tout cela figure en toutes lettres dans le Traité de Lisbonne dont toutes les grandes formations politiques françaises et européennes réclament la ratification.

La vision de Pierre Mendès France en 1957

Pour conclure, méditons cet extrait du discours que fit Pierre Mendès France devant la Représentation nationale le 18 janvier 1957 à propos du Traité de Rome dont il craignait les effets néfastes : « Le projet du marché commun tel qu’il nous est présenté est basé sur le libéralisme classique du XXème siècle selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, elle recourt soit à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique au sens le plus large du mot, nationale et internationale. » Refusons d’abdiquer ! Reprenons en main dès demain notre destin. Et pour cela, votons ! »

Reynald Harlaut

 

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