« Frédéric Lordon est économiste, et même docteur en économie et chercheur au CNRS.
Il sait donc de quoi il parle et se situe évidemment aux antipodes de Nicolas Sarkozy, notre Diafoirus de l’économie. Il signe régulièrement dans le Monde diplomatique des enquêtes très fouillées sur la situation de l’économie mondialisée. Ses articles ont ceci de remarquable – et c’est là le signe des gens supérieurement intelligents – qu’ils permettent à tout un chacun, non spécialiste de l’économie, voire même béotien comme je le suis dans ce domaine, par l’usage de mots et de phrases par tous compréhensibles, d’aborder le monde extraordinairement complexe de la finance internationale, et même de se croire un peu moins stupide. En outre, il n’a pas ce côté pédant, opportuniste et donneur de leçons qui rendent insupportables les discours de MM. Jacques Attali ou Alain Minc pour ne citer qu’eux.
C’est grâce à un article qu’il avait publié en septembre 2007 dans le Monde diplomatique sous le titre « Quand la finance prend le monde en otage » que j’ai découvert et compris avec effarement ce qu’était et comment fonctionnait le système diabolique des subprimes américaines. Je pensais alors que les banquiers et les financiers américains avaient atteint pour « faire de l’argent » comme ils disent, la quintessence du cynisme et de la perversité.
Eh bien je me trompais. Car si j’en crois les termes de son dernier article paru dans le numéro d’octobre du Monde diplomatique sous le titre « Le jour où Wall Street est devenu socialiste », les subprimes, qu’on se le dise, ne constituaient en sorte de la crise qu’un délicieux hors-d’œuvre. Sans entrer dans les détails de ce très long article, selon Frédéric Lordon, le plat de résistance est à venir. Il a pour nom les Alt-A mortgages.
Les subprimes ne consistaient, oserait t-on dire, qu’à prêter de l’argent à des gens qu’on savait fragiles en leur proposant des taux progressifs, avec des remboursements très raisonnables les deux premières années, puis une montée régulière les étranglant progressivement, mais en douceur. Efficace, et presque sans douleur… Ils sont autour de 3 millions de foyers américains à avoir comme cela déjà tout perdu ; et la maison, dont on les a expulsés pour la vendre, ne vaut plus rien. Pour eux, pas la moindre pitié ! Ils continueront de rembourser leur dette s’il le faut toute leur vie, tant qu’ils disposeront du moindre revenu. De ces crédits pourris, il s’en est tout de même vendu pour 885 milliards de dollars. Vous savez, cette fameuse croissance américaine dont nous rebattait les oreilles le candidat Sarkozy : c’étaient eux. Et, pour faire simple, les 700 milliards de dollars que M. George W. Bush essaie de soutirer aux contribuables américains pour renflouer les banques, sont destinés à éponger cette casse.
Avec les Alt-A mortgages, c’est trop fort comme disent les gamins à l’école ! C’est toujours de l’argent qu’on prête à des gens qu’on sait fragiles voire insolvables, mais là, pour les faire signer, on va beaucoup plus loin et plus fort encore… On leur propose de seulement commencer à rembourser dans deux ans, trois ans, voire cinq ans. Irrésistible, non ? Et là, sauf miracle, c’est 100% de pertes ! Ce système, mis en place depuis 2006 commence à peine à produire ses premiers effets, désastreux bien sûr. Et de ces crédits hyper pourris, il s’en est vendu, tenez-vous bien, pour 1.000 milliards de dollars selon Frédéric Lordon. C’est donc une sorte de bombe nucléaire à retardement qui attend d’exploser dans six mois, dans un an, dans deux ans.
Car combien de ces créances insensées ont été titrisées comme l’ont été les subprimes après avoir été réduites en confettis puis mélangées à des produits plus respectables et disséminées à travers le monde ? Nul aujourd’hui n’est capable de le dire. Mais déclarer comme le font le Premier ministre François Fillon et Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, « que l’orage est passé, que la bulle financière a crevé , que c’est l’affaire d’un an, etc…» et laisser à croire que la France (dans une économie sauvagement mondialisée dont eux-mêmes et la Droite nous expliquaient il y encore peu tous les avantages) sera miraculeusement épargnée, relève du mensonge le plus éhonté, parce que pour ces deux-là, on n’osera même pas mettre en avant comme pour notre Diafoirus de l’économie, l’aveuglement total et la totale incompétence.
Reynald Harlaut
Frédéric Lordon est l’auteur de plusieurs ouvrages. Son dernier à paraître en novembre prochain a pour titre Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Éditions Raisons d’agir, Paris.
Le site de Frédéric Lordon :
http://frederic.lordon.perso.cegetel.net/
L’article de Frédéric Lordon du Monde diplomatique de septembre 2007 :
www.monde-diplomatique.fr/2007/09/LORDON/15074
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