Notre photo : Recueillement sur la tombe de Pierre Beregovoy à Nevers. Nathalie Bellevin, François Loncle, Elisabeth Loncle et Bernard Amsalem étaient présents. (Photo JCH)
La chaine LCP (La Chaine parlementaire) a diffusé, en ce premier mai 2008, une émission enregistrée avec le concours de François Loncle, député de l'Eure, ami de Pierre Bérégovoy, Gérard Carreyrou, ancien journaliste de TF1 et Marc Blondel, ancien secrétaire général du syndicat Force ouvrière et ami proche de l'ancien maire de Nevers. L'anniversaire de la mort de Pierre Beregovoy dans les conditions tragiques que l'on sait n'a pas suscité moult articles dans la presse d'aujourd'hui. Il est vrai que cette presse a été sévèrement mise en cause dans le suicide de l'ancien premier Ministre.
En 1986, Pierre Bérégovoy n'est plus membre du gouvernement. Il a été ministre de l'économie et des finances dans le gouvernement sortant, celui de Laurent Fabius. Il est député maire de Nevers et veut acheter un appartement à Paris. Les origines modestes de Pierre Beregovoy et l'état de sa fortune l'obligent à chercher un prêt (un million de francs) que lui accorde Roger-Patrice Pelat, ami personnel de François Mitterrand et doté d'une belle fortune. « A cette époque, précise Carreyrou, Pelat est un parfait inconnu dans la sphère médiatique et le prêt est effectué devant notaire mais sans intérêt. »
Ni énarque…
Pierre Bérégovoy et c'est tout son mérite, n'est ni énarque ni ancien élève d'une grande école surtout fréquentée par la grande bourgeoisie parisienne. C'est un militant qui a gravi tous les échelons : qu'il s'agisse de sa vie professionnelle à la SNCF ou de sa vie politique au Parti socialiste. Il a été résistant, militant syndical (d'abord à FO ensuite à la CFDT) proche de Pierre Mendès France puis de François Mitterrand. Il se distingue par son intelligence, vive, et par sa capacité de travail qui est énorme. Il est l'exemple parfait de l'homme sorti du peuple (dans le meilleur sens du mot) capable de négocier le Programme commun de gouvernement de la Gauche avec les communistes (Et Georges Marchais) et les radicaux de gauche. C'est à cette époque qu'il se lie d'amitié avec François Loncle désigné par le MRG (Mouvement des radicaux de Gauche présidé par Robert Fabre) comme membre du comité de liaison de la Gauche et c'est de cette amitié que naîtra une relation forte qui conduira le député de Louviers au Gouvernement comme successeur de Bernard Tapie (inquiété par l'affaire VA-OM) au ministère de la ville avant d'être nommé au Plan. « Je me souviens, raconte François Loncle, du dernier conseil des ministres présidé par François Mitterrand (en 1993) avec Pierre à ses côtés. Autant ce dernier semblait abattu et ailleurs, autant François Mitterrand était dynamique et positif nous assurant que nous reviendrions bientôt au pouvoir. » C'est ce qui s'est passé en 1997 après la dissolution de l'Assemblée nationale par Jacques Chirac.
« L'honneur d'un homme livré aux chiens » Revenons au moment où sont rendues publiques quelques affaires politico-financières portant atteinte au crédit moral de la Gauche. Roger-Patrice Pelat se trouve mêlé à l'affaire de la Société générale avec délit d'initiés à la clé. Pierre Bérégovoy, dans son discours d'investiture avait fustigé avec ses mots et sa morale stricte les « copains et les coquins » et le pouvoir de l'argent. Quelques mois plus tard sort un article du Canard enchainé mêlant Pelat et Bérégovoy et le prêt d'un million de francs rendu public dans toutes les gazettes. Ce prêt, pourtant parfaitement légal, sent le souffre médiatiquement et atteint Bérégovoy de plein fouet. Il se défend mal puisqu'il ne se défend pas. Ce serait s'abaisser que de le faire. Toute la campagne des législatives est empoisonnée par l'affaire. « Edwy Plenel, journaliste au Monde, affirme François Loncle, s'est acharné contre Bérégovoy ». C'est ce journaliste que François Mitterrand visait quand il a parlé, lors des obsèques du maire de Nevers, « de l'honneur d'un homme livré aux chiens ». La défaite de la gauche aux législatives en 1993, défaite terrible puisqu'une cinquantaine de députés de gauche seulement sont réélus dans les 577 circonscriptions de France, culpabilise Pierre Bérégovoy. Marc Blondel assure que son ami a pris de plein fouet, politiquement et affectivement, cette défaite qu'il a faite sienne alors que selon Blondel « c'est le Parti socialiste dans son ensemble qui était responsable de la défaite. »
Pierre Bérégovoy, dans les jours qui ont suivi cette déroute est KO debout : « Tous les députés socialistes battus, indique François Loncle, ont reçu un mot signé de sa main nous faisant comprendre qu'il était personnellement responsable de cette catastrophe électorale. Je l'ai évidemment conservé précieusement. » Il erre dans les couloirs de l'Assemblée nationale, rase les murs à Nevers. Entre en dépression mais refuse de se soigner. Il choisit le 1er mai 1993, quelques semaines après le second tour, pour se tirer une balle dans la tête avec l'arme de poing de son chauffeur-garde du corps, dans sa voiture garée le long de la Loire à Nevers.
Marc Blondel : « Bérégovoy a choisi le 1er mai, jour de la fête des travailleurs pour se supprimer. Il a voulu dire, je suis toujours socialiste, je suis toujours cet homme du peuple que je n'ai jamais cessé d'être. »
Gérard Carreyrou : « Beregovoy a été pris dans un broyeur. Je lui avais demandé au début de l'affaire de venir s'expliquer en direct sur TF1 au journal de 20 heures. Tout aurait été possible. Je ne dis pas que l'affaire Pelat aurait cessé du jour au lendemain mais il aurait pris une posture militante. Celle qui avait toujours été la sienne…Je l'ai vu quatre jours avant son suicide. Il était serein. Etonnamment serein. Je pense que sa décision était prise de sortir comme il l'a fait. »
Un honnête homme
François Loncle conserve le souvenir d'un homme honnête, intègre, un grand serviteur de l'Etat qui n'a pas été reconnu comme il le méritait parce qu'il ne sortait pas des grandes écoles. Quant à moi, qui l'ai accueilli à mon domicile à Louviers quelques jours avant la victoire de François Mitterrand, j'ai eu en face de moi un homme enfin heureux de voir la Gauche triompher (c'était quasiment acquis car on était entre les deux tours) et c'est ce soir-là qu'il nous a appris qu'il allait devenir secrétaire général de l'Elysée. A Louviers, il évoqua PMF, la Normandie qu'il aimait, Sotteville-lès-Rouen, une ville qui a un vrai sens pour un cheminot militant. Avec le recul, cette soirée reste un souvenir empreint d'émotion.
Enfin, faut-il casser la patte aux canards que sont ces deux livres récemment édités et qui laissent penser que Pierre Bérégovoy a été assassiné ? « C'est dérisoire, déplore François Loncle, aucune preuve n'existe. »
En 1986, Pierre Bérégovoy n'est plus membre du gouvernement. Il a été ministre de l'économie et des finances dans le gouvernement sortant, celui de Laurent Fabius. Il est député maire de Nevers et veut acheter un appartement à Paris. Les origines modestes de Pierre Beregovoy et l'état de sa fortune l'obligent à chercher un prêt (un million de francs) que lui accorde Roger-Patrice Pelat, ami personnel de François Mitterrand et doté d'une belle fortune. « A cette époque, précise Carreyrou, Pelat est un parfait inconnu dans la sphère médiatique et le prêt est effectué devant notaire mais sans intérêt. »
Ni énarque…
Pierre Bérégovoy et c'est tout son mérite, n'est ni énarque ni ancien élève d'une grande école surtout fréquentée par la grande bourgeoisie parisienne. C'est un militant qui a gravi tous les échelons : qu'il s'agisse de sa vie professionnelle à la SNCF ou de sa vie politique au Parti socialiste. Il a été résistant, militant syndical (d'abord à FO ensuite à la CFDT) proche de Pierre Mendès France puis de François Mitterrand. Il se distingue par son intelligence, vive, et par sa capacité de travail qui est énorme. Il est l'exemple parfait de l'homme sorti du peuple (dans le meilleur sens du mot) capable de négocier le Programme commun de gouvernement de la Gauche avec les communistes (Et Georges Marchais) et les radicaux de gauche. C'est à cette époque qu'il se lie d'amitié avec François Loncle désigné par le MRG (Mouvement des radicaux de Gauche présidé par Robert Fabre) comme membre du comité de liaison de la Gauche et c'est de cette amitié que naîtra une relation forte qui conduira le député de Louviers au Gouvernement comme successeur de Bernard Tapie (inquiété par l'affaire VA-OM) au ministère de la ville avant d'être nommé au Plan. « Je me souviens, raconte François Loncle, du dernier conseil des ministres présidé par François Mitterrand (en 1993) avec Pierre à ses côtés. Autant ce dernier semblait abattu et ailleurs, autant François Mitterrand était dynamique et positif nous assurant que nous reviendrions bientôt au pouvoir. » C'est ce qui s'est passé en 1997 après la dissolution de l'Assemblée nationale par Jacques Chirac.
« L'honneur d'un homme livré aux chiens » Revenons au moment où sont rendues publiques quelques affaires politico-financières portant atteinte au crédit moral de la Gauche. Roger-Patrice Pelat se trouve mêlé à l'affaire de la Société générale avec délit d'initiés à la clé. Pierre Bérégovoy, dans son discours d'investiture avait fustigé avec ses mots et sa morale stricte les « copains et les coquins » et le pouvoir de l'argent. Quelques mois plus tard sort un article du Canard enchainé mêlant Pelat et Bérégovoy et le prêt d'un million de francs rendu public dans toutes les gazettes. Ce prêt, pourtant parfaitement légal, sent le souffre médiatiquement et atteint Bérégovoy de plein fouet. Il se défend mal puisqu'il ne se défend pas. Ce serait s'abaisser que de le faire. Toute la campagne des législatives est empoisonnée par l'affaire. « Edwy Plenel, journaliste au Monde, affirme François Loncle, s'est acharné contre Bérégovoy ». C'est ce journaliste que François Mitterrand visait quand il a parlé, lors des obsèques du maire de Nevers, « de l'honneur d'un homme livré aux chiens ». La défaite de la gauche aux législatives en 1993, défaite terrible puisqu'une cinquantaine de députés de gauche seulement sont réélus dans les 577 circonscriptions de France, culpabilise Pierre Bérégovoy. Marc Blondel assure que son ami a pris de plein fouet, politiquement et affectivement, cette défaite qu'il a faite sienne alors que selon Blondel « c'est le Parti socialiste dans son ensemble qui était responsable de la défaite. »
Pierre Bérégovoy, dans les jours qui ont suivi cette déroute est KO debout : « Tous les députés socialistes battus, indique François Loncle, ont reçu un mot signé de sa main nous faisant comprendre qu'il était personnellement responsable de cette catastrophe électorale. Je l'ai évidemment conservé précieusement. » Il erre dans les couloirs de l'Assemblée nationale, rase les murs à Nevers. Entre en dépression mais refuse de se soigner. Il choisit le 1er mai 1993, quelques semaines après le second tour, pour se tirer une balle dans la tête avec l'arme de poing de son chauffeur-garde du corps, dans sa voiture garée le long de la Loire à Nevers.
Marc Blondel : « Bérégovoy a choisi le 1er mai, jour de la fête des travailleurs pour se supprimer. Il a voulu dire, je suis toujours socialiste, je suis toujours cet homme du peuple que je n'ai jamais cessé d'être. »
Gérard Carreyrou : « Beregovoy a été pris dans un broyeur. Je lui avais demandé au début de l'affaire de venir s'expliquer en direct sur TF1 au journal de 20 heures. Tout aurait été possible. Je ne dis pas que l'affaire Pelat aurait cessé du jour au lendemain mais il aurait pris une posture militante. Celle qui avait toujours été la sienne…Je l'ai vu quatre jours avant son suicide. Il était serein. Etonnamment serein. Je pense que sa décision était prise de sortir comme il l'a fait. »
Un honnête homme
François Loncle conserve le souvenir d'un homme honnête, intègre, un grand serviteur de l'Etat qui n'a pas été reconnu comme il le méritait parce qu'il ne sortait pas des grandes écoles. Quant à moi, qui l'ai accueilli à mon domicile à Louviers quelques jours avant la victoire de François Mitterrand, j'ai eu en face de moi un homme enfin heureux de voir la Gauche triompher (c'était quasiment acquis car on était entre les deux tours) et c'est ce soir-là qu'il nous a appris qu'il allait devenir secrétaire général de l'Elysée. A Louviers, il évoqua PMF, la Normandie qu'il aimait, Sotteville-lès-Rouen, une ville qui a un vrai sens pour un cheminot militant. Avec le recul, cette soirée reste un souvenir empreint d'émotion.
Enfin, faut-il casser la patte aux canards que sont ces deux livres récemment édités et qui laissent penser que Pierre Bérégovoy a été assassiné ? « C'est dérisoire, déplore François Loncle, aucune preuve n'existe. »
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