10 octobre 2020
Laurent Joffrin veut construire la maison commune d'une gauche sociale, républicaine et réformiste
Il y faut une forte volonté ou une grande naïveté. Ou les deux. Pour reconstruire une identité de gauche, et après le quinquennat Hollande, la gauche, selon Manuel Valls, présente deux voies « irréconciliables ». D’un côté une gauche radicale incarnée par la France Insoumise et dans une moindre mesure par le PCF, de l’autre, une gauche républicaine, réformiste, sociale, située au PS, chez les écologistes et aussi dans une société civile détachée d’un engagement militant.
A Pont-de-l’Arche, hier soir, Laurent Joffrin, ancien directeur du journal Libération, a exposé devant une belle salle « clairsemée » (1) pour cause de crise sanitaire son projet de rassembler, dans une maison commune, les hommes et femmes de gauche désireux d’éviter le face à face prévisible. Comment, en effet, éviter que la prochaine présidentielle se cantonne à un duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen ? Macron le libéral et Le Pen la droite extrême ripolinée.
En dressant l’état des lieux actuels des forces de gauche en France, l’huissier Joffrin déplore un paysage morcelé, émietté, affaibli. A l’initiative d’Olivier Taconet, responsable régional des radicaux de gauche, l’ancien journaliste habitué des plateaux télé et des débats, expose un objectif nécessaire si on veut échapper au libéralisme ambiant : construire une maison commune. Sans connaître le nom de l’architecte c’est pour le moins original. Laurent Joffrin propose, sans surprise, de lutter contre un libéralisme triomphant et contre les inégalités sociales révoltantes. Si l’on veut éviter 3 millions de gilets jaunes, il faudra réformer, encore et toujours, en prenant en compte la situation de ceux et celles que le capitalisme laisse au bord du chemin. Sait-on par exemple que la suppression de l’ISF a rendu plus riche encore la frange la plus privilégiée (0,1%) des Français ? La crise sanitaire, durable, complique la vie mais elle n’empêche pas de réfléchir, de travailler sur une plateforme commune, de « sauter » les cantonales et les régionales pour se préparer à la mère des batailles : la présidentielle.
La gauche ? Elle a un passé, une histoire. Elle ne part pas de zéro. S’il est vrai que l’espace des « Arts Chépontains » bruissait des interventions d’élus blanchis sous le harnois et que trop de jeunes se détournent de la politique, l’avenir appartient à ceux et celles qui agissent. La présence de Timour Veyri, Philippe Brun, Diégo Ortega, de plusieurs maires de « gauche » (Marc-Antoine Jamet, Janick Léger, Denis Salkowski…) démontre à l’évidence un intérêt plus que poli pour les 5000, selon Laurent Joffrin, adhérent(e)s du mouvement qu’il a suscité. Les fondations existent, reste à ériger des murs porteurs solides car durables. La référence à Pierre Mendès France s’imposait de la part du principal orateur de la soirée. PMF a été conseiller général de Pont-de-l’Arche, député de Louviers, et il fut de ceux qui, toute leur vie, ont dénoncé les pièges de la 5e République, conçue par et pour le général de Gaulle. Ne cherchons pas ailleurs la verticalité tant reprochée aux élites. Elle est inscrite dans les institutions que seul, à ma connaissance, Jean-Luc Mélenchon propose de remettre en cause.
En parcourant la France des villes moyennes, Laurent Joffrin sort de sa zone de confort. Habitué qu’il est des cénacles parisiens, il a écouté avec attention les interventions de la salle. Il n’est pas dit que la réussite sera au bout du chemin mais les graines semées ici et là auront le temps de lever avant mai 2021. Si, comme l’assure Laurent Joffrin, les événements des prochains mois pèseront lourdement sur l’incarnation (homme ou femme) à gauche, excellons dans ce qui semble le plus facile : prendre un micro et prêcher la bonne parole. A Gauche, on sait faire.
(1) Vive les clichés journalistiques !
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