Le suffrage universel comme
blanchisseuse de délits ou de crimes. Cela ne date pas d’hier. Tous les hommes
politiques plus ou moins véreux ont demandé aux électeurs de les adouber à
nouveau puisque la justice avait eu le grand tort de les mettre en examen, de
les poursuivre et de les faire condamner. Au sortir de la guerre de 1939-1945,
bien des élus frappés d’indignité nationale (ou pire) ont souhaité se refaire
une virginité en sollicitant les suffrages des électeurs de leur ville ou de
leur circonscription. Depuis, ils ont été nombreux les condamnés de droite
comme de gauche à rechercher une nouvelle fois l’onction du suffrage quand ils
n’ont pas été condamnés à des peines d’inéligibilité. Ou quand ils ont purgé
leur peine.
Et comme les électeurs ne
sont pas toujours regardants, qu’ils ont la mémoire courte ou le reflexe moral
défaillant, bien des élus auteurs de détournements de fonds publics, de
favoritisme ou d’abus de bien social par exemple, ont récupéré des sièges ou
des fonctions devenant ainsi des élus blanchis dans la grande lessiveuse des
scrutins locaux ou nationaux. Les Tibéri et autres Balkany ont été de grands
spécialistes du nettoyage par les urnes. Malgré les condamnations, malgré les
abus, ces élus n’hésitent d'ailleurs pas à nous des leçons du haut de leurs
estrades.
Nouveau venu sur la scène de
la comédie dramatique : François Fillon. Contrairement à ses engagements de
débuts d’affaire « si je suis mis en
examen, je ne serai pas candidat à la présidence de la République »
l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy vient de se renier. Comment croire en sa parole ? En contestant
l’enquête policière et judiciaire en cours, craignant d’être mis en examen ou
renvoyé devant un tribunal correctionnel, le candidat de la droite et du centre
a décidé d’aller jusqu’au bout et « de se soumettre au jugement du suffrage
universel. » Comme si la justice et le vote pouvaient être placés sur le même
plan.
Quand bien même François
Fillon serait élu président de la République, cela ne mettrait qu’une fin
provisoire aux enquêtes en cours. La justice prendrait rendez-vous avec lui et
son épouse comme elle avait pris rendez-vous avec Jacques Chirac (après) et
Alain Juppé (avant). On mesure tout le sel de la réflexion du maire de Bordeaux
lors du débat d’avant le premier tour de la primaire à droite : « en matière de justice, il vaut mieux avoir
un passé qu’un avenir. (1) » Le suffrage permettra peut-être à François
Fillon d’échapper à la justice grâce à l’immunité présidentielle mais elle ne
lui offrira en aucun cas la tranquillité d’esprit. Et comment, dans ces
conditions, pourrait-il gouverner avec sérénité ?
(1) Alain Juppé visait alors
Nicolas Sarkozy…
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