Pierre Mendès France à Louviers. (photo Jean-Charles Houel) |
« Pierre Mendès France incarnait tout à la fois raison,
rigueur, pragmatisme, et franchise envers les électeurs. » Cette phrase de Françoise
Chapron, extraite du livre qu’elle consacre à l’ancien Président du conseil,
ancien député de l’Eure et maire de Louviers, illustre à merveille les qualités
font fit preuve cet homme d’Etat exceptionnel qui jamais ne transigea avec les
principes acquis dès sa jeunesse.
Françoise Chapron, ancienne
universitaire, raconte comme personne l’homme Pierre Mendès France. Elle sait
tout de lui, de son action dans l’Eure ou de son court passage à la tête du
gouvernement de la France, ce fameux gouvernement de 7 mois et 17 jours. Ce laps
de temps, insiste-t-elle, fut toutefois suffisant pour engager des réformes
fondamentales, défricher des chemins aussi prometteurs que la décolonisation
avec l’Indochine et la Tunisie, tenir tant de promesses économiques ou liées à
l’international dans ses relations avec l’Est ou le monde anglophone. Pierre
Mendès France, pour Françoise Chapron et beaucoup d’entre nous est une icône.
Il représente l’homme politique dans ce qu’il a à la fois de plus grand et de
plus humble. Il avait confiance dans l’intelligence collective citoyenne. Il
misait sur l’intelligence de chacun et de chacune. Pari intenable, espoir
utopique ?
Inauguration du nouveau pont à Pont-de-l'Arche. (DR) |
Dans « Pierre Mendès France,
la République en action », Françoise Chapron nous permet de mieux connaître l’homme
qui fit de l’Eure et de Louviers ses fiefs d’influence de la base au sommet de
l’Etat. Député en 1932, sous-secrétaire d’Etat de Léon Blum et fervent soutien
du Front populaire, animé des plus hauts idéaux de progrès et de justice
sociale, sans jamais céder à la démagogie, celui qui allait
devenir maire de Louviers et conseiller général de Pont-de-l’Arche, a sublimé
les mandats qu’il tenait de ses électeurs, sa priorité. Il ne négligeait rien,
n’ignorait personne, respectait chacun de ses interlocuteurs et surtout plaçait
haut l’intérêt général. C’est ainsi que s’explique son engagement constant
au service de valeurs immuables : le droit, l’honnêteté, la loyauté et le
respect de la parole donnée. Ses rapports avec le général De Gaulle, pendant la
guerre, à ses côtés, ou contre le même homme après le « coup d’état » du 13 mai
1958, s’expliquent par cette permanence de la recherche de la sincérité.
Françoise Chapron livre en détail
— fait rare — l’action de PMF dans l’Eure (de 1928 à 1958) où il présida le
conseil général lors de la reconstruction d’un département sinistré. Les ponts,
les routes, les villes, l’agriculture…« rien ne s’y fit sans la présence et le soutien de
Pierre Mendès France. » Elle explique également comment PMF traça les chemins
de l’avenir dans ses votes au Parlement. Jamais il ne céda à la facilité (il
fut le seul à voter contre la participation de la France aux JO de Berlin en
1936) et il fallait être bien courageux pour refuser la politique économique de
l’immédiat après-guerre ou la volte-face de Mollet en Algérie.
Pierre Mendès France fut-il
un homme seul ? Françoise Chapron ne le pense pas. S’il fut parfois un peu isolé politiquement, victime des jeux ambigus de la 4e République et
des partis, il ne se coupa jamais de ceux qui lui avaient accordé leur
confiance. Son chagrin lors de sa défaite en 1958 n’était pas feint. Ne
cherchons pas ce sentiment ailleurs que dans sa fidélité à ce lien avec l’électeur, son
souci de la pédagogie de l’action, sa volonté de faire comprendre et partager
les politiques qu’il menait ou qu’il défendait. A cette époque, pas de
conseiller en communication mais un homme vrai et des causeries radiophoniques
en direction des jeunes et des citoyens en devenir. La preuve par l’explication
bien avant Ségolène Royal…
Le livre (1) de François
Chapron sort à point nommé. Alors que la gauche s’éparpille et s’émiette faute
d’incarnation forte, on a besoin de figures idéalisées, peut-être, mais servant
de référence morale et programmatique. A gauche (je ne parle pas de la droite)
il nous manque des Mendès France, des hommes ou des femmes qui font ce qu’ils
(ou elles) disent, qui disent ce qu’ils (ou elles) font. Des hommes et des
femmes peu sensibles aux effets médiatiques, aux sondages ou autres fariboles
du moment.Des hommes et des femmes pour qui les idées et les programmes demeurent prédominants.
Je ne saurais trop
conseiller la lecture de ce livre qui rassure. Avec Pierre Mendès France la
politique n’est ni sale ni compromettante, elle est un art forcément difficile
où le citoyen y a toute sa place et doit jouer tout son rôle. Merci à Françoise
Chapron de nous le rappeler avec talent car « le message politique de PMF demeure d’une brûlante
actualité. »
(1) « Pierre Mendès France,
la République en action » Editions Infimes, 186 pages, 13 €.
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