Claude Cornu a animé le débat. (photo JCH) |
Il me faut revenir sur le débat
qui a succédé à la conférence de Mme Cécile-Anne Sibout, samedi dernier, devant
la SED de Louviers et consacrée à l’histoire chaotique du quotidien
Paris-Normandie aujourd’hui à l’agonie. Beaucoup a été dit mais beaucoup reste à
dire. On ne peut pas parler impunément d’un sujet aussi important que la mort éventuelle
de la presse locale sans en mesurer les conséquences fâcheuses pour les salariés
des entreprises de presse dont le métier serait brutalement remis en cause,
pour les lecteurs privés de leur priorité au petit café du matin, pour tous
ceux et celles, enfin, préoccupés du sort d’un outil d’informations générales
et d’un moyen au service de la vie démocratique régionale.
Qu’est-ce qu’un journal
local ? A quoi sert-il ? Pourquoi défendre ce type de presse moins «
noble » (1) apparemment que la presse nationale mais non moins utile aux
habitants d’une région ? La presse locale est un reflet de la vie d’un
territoire, d’une ville, d’un département, d’une région. Elle sert à rendre
compte des actions des élus, de leurs projets, mais aussi des activités des
institutions, des associations, des clubs sportifs, des événements qui
jalonnent le cours de l’existence commune (faits divers, communiqués, carnet,
concerts, spectacles, etc.) ainsi que du présent et de l’avenir des
entreprises, qu’il s’agisse des créations d’emplois ou sujet plus délicat des
conflits entre salariés et directions…
La presse locale, pour peu
qu’elle soit animée par des journalistes passionnés et curieux, porte aussi des
regards sur des sujets et des hommes ou des femmes ignorés, inconnus,
volontairement ou non. Elle met au jour des scandales ou des conduites « immorales
» ou délictuelles, elle rend compte des procès prud’homaux, correctionnels, aux
Assises et des actes que la loi récuse ou condamne. La presse locale est une
vigie vigilante…elle demeure, à sa façon, un lanceur d’alerte. Pour ce faire,
il lui faut des dirigeants compétents, indépendants des groupes financiers et
des groupes de pressions de tous ordres pour que les journalistes demeurent
libres de leurs choix et de leur vision du monde. Le pluralisme doit ainsi permettre
d’exprimer toutes les contradictions de la société.
J’aime à assurer que la
presse locale est un lien, un liant. Elle permet dans un espace réduit, à ses
habitants de partager un destin commun. Les jeunes adultes ne lisent pas ou
alors très peu, la presse locale. Question d’éducation et de culture. Et c’est
là que le bas blesse. L’avenir s’assombrit dès lors que le renouvellement des
lecteurs n’existe plus. Mon amie, Nelly Guilbert, assure que les blogs peuvent être
ces nouveaux supports d’information globale. Ils en sont assurément l’un des
vecteurs. Mais il n’existe que peu d’exemples (le Bondy Blog, le blog de Me
Eolas) de blogs ayant pignon sur rue. Ce moyen d’expression n’en est pas à ses
balbutiements pourtant il est encore loin d’avoir atteint un degré de
performance et de confiance comparable à celui de la presse écrite. Question de
temps sans doute.
Le contre-exemple nous est
donné par les sites d’actualité régionaux promus par des mécènes disposant de
certains moyens financiers. A l’exemple de Médiapart, je rêve d’une France et
de régions peuplées de sites Internet aptes à rendre compte de la diversité des
opinions, des sources courageuses aussi car sans elles, il n’existe pas de
journalisme d’investigation dignes de ce nom. Un mot enfin sur la volonté
exprimée par François-Xavier Priollaud sur son désir d’aider la presse locale
en achetant des pages d’informations générales et d’intérêt public. Quand
Paris-Normandie aura rendu son dernier soupir, notre région subira le monopole
de Ouest-France. Je ne vois pas une collectivité territoriale soutenir un
unique groupe de presse régional (du Tréport à Royan) au nom du pluralisme. Et encore moins au nom de la liberté…
(1) Mon expérience au sein
de La Dépêche de Louviers me permet de penser que le journaliste localier est
considéré par ses confrères parisiens comme un « prolétaire » titulaire de la
carte de presse, certes, mais ne devant pas être comparé aux soi-disant maîtres
de la plume…
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