En publiant, hier sur mon blog, les réflexions que m’inspirait le reportage
de l’émission « Spécial Investigation » sur les conditions de la mort des neuf
soldats français tués en côté d’Ivoire en novembre 2004, j’étais loin de penser
que la juge d’instruction en charge du dossier Bouaké, Mme Sabine Kheris, était
sur le point de demander la traduction devant la Cour de justice de la
République de trois anciens ministres de Jacques Chirac. Michèle Alliot-Marie,
Dominique de Villepin et Michel Barnier (défense, intérieur, affaires
étrangères) risquent donc d’avoir à justifier devant des juges l’absence de
toute volonté d’enquêter sur une affaire troublante qui a permis aux pilotes
biélorusses et leurs techniciens d’échapper à la justice française. La juge
écrit selon l’article paru dans Médiapart aujourd’hui : « Il est apparu tout au long du dossier
que tout avait été orchestré afin qu’il ne soit pas possible d’arrêter, d’interroger
ou de juger les auteurs biélorusses du bombardement ».
Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel
Barnier, les trois
anciens piliers du gouvernement de Jacques Chirac auraient pris cette décision de
ne pas agir après « concertation à
un haut niveau de l'État ». Ils encourent, chacun, trois ans d’emprisonnement
et 45 000 euros d’amende pour avoir « fourni
à la personne auteur ou complice d'un crime ou d'un acte de terrorisme puni
d'au moins dix ans d'emprisonnement un logement, un lieu de retraite, des
subsides, des moyens d'existence ou tout autre moyen de la soustraire aux
recherches » (article 434-6 du Code pénal).
La conclusion de la juge
Kheris est sans appel : la décision de ne rien faire pour entendre les
pilotes a été « prise à l’identique
par le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de la Défense et le Ministère des
Affaires étrangères » qui savaient que les mercenaires slaves échapperaient
ainsi à la justice. L’ordonnance pointe clairement une possible décision
politique : l’instruction « permet
de penser à l’existence d’une concertation à un haut niveau de l’État et non au
fait que des services subalternes ou “techniques” aient géré la situation ».
L’avocat des familles des
victimes affiche une satisfaction légitime dans la mesure ou une fois encore,
il est prouvé que l’obstination d’une juge d’instruction peut venir à bout de
tous les obstacles politiques placés sur le chemin de la vérité. Il reste au
parquet à apprécier les propositions de la juge d’instruction dont la
démonstration bien étayée semble implacable.
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