« C’est évidemment très bien de dénoncer le mauvais
signal qu’envoient aux Françaises et aux Français leurs parlementaires en
adoptant un texte affaiblissant la loi Evin. Mais faudrait-il aussi, pour davantage
éclairer les citoyennes et les citoyens que nous sommes, expliquer comment on
en est arrivé là.
Car avant de parvenir devant le parlement, les
projets de loi (et ceux modificatifs de lois existantes) viennent en débat
devant la commission ad hoc en l’occurrence sur le sujet qui nous concerne, la
Commission des affaires sociales. C’est par un vote interne à la Commission que
ses membres décident ou non de présenter les articles d’un texte de loi ou un
amendement à la représentation nationale.
Or, on apprend de diverses sources qu’il n’existait
pas, jusqu’à il y a peu, de majorité dans cette Commission des affaires
sociales en faveur d’un assouplissement de la loi Evin. Deux voix manquaient pour
la faire basculer.
Qui, pour cette raison, a décidé de procéder au
remplacement de deux membres de cette commission parmi ceux qui n’étaient pas
favorables à cette modification ? Qui, a décidé pour les remplacer quelques
jours avant le vote, de nommer deux nouveaux députés, en l’occurrence deux députées,
toutes deux favorables à la suppression de l’amendement barrant la route à la
modification de la loi Evin ? Au grand dam de Catherine Lemorton, présidente
de ladite commission qui a publiquement accusé Bruno Le Roux, le président du
Groupe socialiste à l’Assemblée nationale, de lui « savonner la planche ».
Et si c’est effectivement Bruno Le Roux qui était à la manœuvre, a-t-il décidé
seul ? Nous en doutons fortement. A-t-il subi l’influence du très puissant
lobby viticole ou a-t-il cédé à l’amicale pression du premier ministre, de
membres du gouvernement ou de la présidence de la République ? Souvenons-nous
que ce sont des dispositions contenues dans la loi Macron qui ont permis l’ouverture
de la brèche.
Quoi qu’il en soit, ces deux députées n’ont pas été
choisies au hasard. La première se nomme Catherine Quéré, députée de
Charente-Maritime. Elle est viticultrice et présidente du Groupe d’étude sur la
Viticulture – dénomination derrière laquelle ne se cache même pas le lobby
viticole. Avec elle, à la fois juge et partie, on est en plein conflit d’intérêts,
mais cela n’a pas eu l’air de déranger grand monde. La seconde, Anne-Yvonne Le
Dain, est députée de l’Hérault, département totalement étranger à la
viticulture comme chacun le sait. Anne-Yvonne le Dain est dans son rôle quand
elle défend les intérêts de ses mandants. En revanche, son entrée dans la
Commission des affaires sociales, dans cette circonstance, est tout à fait regrettable
car elle intervient elle aussi à ce moment précis comme défenseure du lobby
viticole contre l’intérêt général.
S’il suffit désormais de modifier la composition des
commissions parlementaires au coup par coup pour obtenir, au gré des
circonstances, le résultat que souhaite tantôt le lobby du vin, tantôt celui
des céréales, tantôt celui du charbon, du pétrole ou du nucléaire, ou encore celui
des laboratoires pharmaceutiques ou celui de la finance, c’est que notre république
est vraiment bien malade. Et ceux qui possèdent l’esprit assez retors pour
imaginer d’aussi sordides manœuvres bafouant la démocratie et ont la bassesse
de les mettre en application sont bien méprisables et certainement pas dignes
de nous représenter.
Raynald Harlaut
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