29 novembre 2015

Les député(e)s vinent…la loi Evin au profit du lobby viticole


« C’est évidemment très bien de dénoncer le mauvais signal qu’envoient aux Françaises et aux Français leurs parlementaires en adoptant un texte affaiblissant la loi Evin. Mais faudrait-il aussi, pour davantage éclairer les citoyennes et les citoyens que nous sommes, expliquer comment on en est arrivé là.

Car avant de parvenir devant le parlement, les projets de loi (et ceux modificatifs de lois existantes) viennent en débat devant la commission ad hoc en l’occurrence sur le sujet qui nous concerne, la Commission des affaires sociales. C’est par un vote interne à la Commission que ses membres décident ou non de présenter les articles d’un texte de loi ou un amendement à la représentation nationale.

Or, on apprend de diverses sources qu’il n’existait pas, jusqu’à il y a peu, de majorité dans cette Commission des affaires sociales en faveur d’un assouplissement de la loi Evin. Deux voix manquaient pour la faire basculer.

Qui, pour cette raison, a décidé de procéder au remplacement de deux membres de cette commission parmi ceux qui n’étaient pas favorables à cette modification ? Qui, a décidé pour les remplacer quelques jours avant le vote, de nommer deux nouveaux députés, en l’occurrence deux députées, toutes deux favorables à la suppression de l’amendement barrant la route à la modification de la loi Evin ? Au grand dam de Catherine Lemorton, présidente de ladite commission qui a publiquement accusé Bruno Le Roux, le président du Groupe socialiste à l’Assemblée nationale, de lui « savonner la planche ». Et si c’est effectivement Bruno Le Roux qui était à la manœuvre, a-t-il décidé seul ? Nous en doutons fortement. A-t-il subi l’influence du très puissant lobby viticole ou a-t-il cédé à l’amicale pression du premier ministre, de membres du gouvernement ou de la présidence de la République ? Souvenons-nous que ce sont des dispositions contenues dans la loi Macron qui ont permis l’ouverture de la brèche.

Quoi qu’il en soit, ces deux députées n’ont pas été choisies au hasard. La première se nomme Catherine Quéré, députée de Charente-Maritime. Elle est viticultrice et présidente du Groupe d’étude sur la Viticulture – dénomination derrière laquelle ne se cache même pas le lobby viticole. Avec elle, à la fois juge et partie, on est en plein conflit d’intérêts, mais cela n’a pas eu l’air de déranger grand monde. La seconde, Anne-Yvonne Le Dain, est députée de l’Hérault, département totalement étranger à la viticulture comme chacun le sait. Anne-Yvonne le Dain est dans son rôle quand elle défend les intérêts de ses mandants. En revanche, son entrée dans la Commission des affaires sociales, dans cette circonstance, est tout à fait regrettable car elle intervient elle aussi à ce moment précis comme défenseure du lobby viticole contre l’intérêt général.

S’il suffit désormais de modifier la composition des commissions parlementaires au coup par coup pour obtenir, au gré des circonstances, le résultat que souhaite tantôt le lobby du vin, tantôt celui des céréales, tantôt celui du charbon, du pétrole ou du nucléaire, ou encore celui des laboratoires pharmaceutiques ou celui de la finance, c’est que notre république est vraiment bien malade. Et ceux qui possèdent l’esprit assez retors pour imaginer d’aussi sordides manœuvres bafouant la démocratie et ont la bassesse de les mettre en application sont bien méprisables et certainement pas dignes de nous représenter.

Raynald Harlaut

Aucun commentaire: