En utilisant le mot apartheid
» pour qualifier la situation de certaines cités et de certains quartiers de
notre pays, le Premier ministre a commis un contresens. Car l’apartheid est une
politique conduite volontairement et institutionnellement par un état —
l’Afrique du sud en l’occurrence — et ne répond pas à la définition de la vie
réelle ou supposée de minorités ethniques ou de classes sociales défavorisées dans
les villes de la France de 2015.
Stigmatisation, sûrement, ségrégation, assurément, mais pas action
politique réfléchie et volontaire de la part d’un état. Manuel Valls nourrit
ainsi une ambiguïté sémantique qu’on peut admettre d’un auteur de livre (le
sien en 2005) mais qui n’est pas admissible de la part d’un Premier ministre. L'apartheid fonctionne du haut vers le bas, pas le contraire.
L’ancien maire d’Evry, candidat lors de la primaire du PS destiné à choisir
le candidat socialiste de la présidentielle 2012, avait marché sur les brisées
de Nicolas Sarkozy et c’est bien pourquoi, déjà, il était classé à droite au
sein du PS. Dans le célèbre (trop) célèbre discours de Grenoble, en juillet
2010, qui faisait suite à des agressions très graves contre les policiers de
cette ville, l’ancien président de la République avait fustigé l’immigration
non régulée, les Roms et leurs camps, les parents d’enfants délinquants, promis
la suppression de leurs allocations familiales, déploré l’échec de la politique
de la ville, et insisté sur le volet répression des mesures qu’il préconisait pour lutter contre la délinquance et le banditisme.
Pas d’angélisme, affirmait-il, mais une action policière permanente…et visible.
Il avait même viré le préfet en place pour nommer un de ses copains issu des
rangs de la police. Quel fut le changement à l’échelle nationale de 2010 à
2012 ? Nul.
Car les causes du malaise sont plus profondes qu’une simple volonté de
président, défenseur de « l’identité nationale » faisant des immigrés les boucs
émissaires faciles de tous les maux de la société, ne saurait faire disparaître. Déjà, il préconisait la
déchéance de la nationalité française pour les délinquants, déchéance
impossible selon les traités internationaux signés par la France ! Déjà il
souhaitait durcir la loi, imposer des peines incompressibles, des peines
plancher rendant impossible toute individualisation des peines. Des magistrats,
pas tous de gauche, protestèrent contre ces propositions. Elles ne furent d'ailleurs pas suivies d'effets.
Certaines des
mesures préconisées par le gouvernement Valls-Hollande sont, en revanche, recevables. La Ligue
des droits de l'Homme, par exemple, « apprécie
à sa juste valeur politique que le gouvernement n'ait pas cédé à la surenchère
législative et réglementaire que réclamaient les partis de droite, le FN, et
autres partisans d’une « guerre de civilisation ». La restriction des
libertés n'a jamais favorisé une meilleure sécurité, comme l’atteste le bilan
du Patriot Act américain.
La Ligue
des droits de l'Homme considère que le plan de renforcement des mesures de
protection par un recrutement substantiel de personnels dans la police, le
renseignement et la justice, en particulier dans la protection judiciaire de la
jeunesse pour agir immédiatement sur le terrain, ainsi que l'affectation de
moyens nouveaux en matériel étaient nécessaires. La LDH s'en félicite et
souhaite que toute la formation nécessaire à l'exercice de leur métier soit
organisée tant en ce qui concerne les opérations de contrôle, qu'en ce qui
tient à l'exercice de tous les droits.
En
revanche, la LDH sera très vigilante sur la prochaine loi sur le renseignement.
Elle est susceptible de comporter des mesures dangereuses pour les libertés
sans contrôle et contre-pouvoir suffisants.
De la
même manière, la LDH s’interroge sur l’efficacité du projet de regroupement
carcéral des détenus qualifiés de « radicaux islamistes ». Une telle
mesure peut engendrer des situations insupportables au regard des droits
élémentaires de ces personnes mais aussi les amener à se radicaliser encore
plus. Dans le contexte de surpeuplement des prisons françaises, ce regroupement
ne peut être abordé qu’avec prudence et en préservant les droits fondamentaux
des prévenus. »
Il faut donc être vigilant quant aux mesures plus
répressives que préventives avancées par le gouvernement. Mais la réalité des
dangers et des risques que court la population nous oblige à faire face à une
réalité nouvelle : celle d’un terrorisme intérieur «œuvre» d’islamo-fascistes
résolus. Il ne se combat pas avec des pincettes.
(1) L’apartheid était une politique dite de « développement séparé » affectant
des populations selon
des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées. Il fut
conceptualisé et mis en place à partir de 1948 en Afrique du
Sud (Union d'Afrique du Sud, puis République d'Afrique du Sud) par le Parti national, et aboli le 30 juin 1991. La politique
d'apartheid se voulait l'aboutissement institutionnel d'une politique et d'une pratique jusque-là empirique de ségrégation raciale élaborée en Afrique du Sud depuis la fondation par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales de la colonie du
Cap en 1652. Avec l'apartheid, le rattachement territorial (puis
la nationalité) et le statut social dépendaient du statut racial de l'individu.
L'apartheid a également été appliqué de 1959 à 1979 dans le Sud-Ouest
africain (actuelle Namibie), alors administré par l'Afrique du Sud.
La politique d'apartheid fut le « résultat de l'anxiété historique des
Afrikaners obsédés par leur peur d'être engloutis par la masse des peuples
noirs environnants »2. Les
lois rigides qui en résultèrent, « dictées par une minorité blanche
dynamique obsédée par sa survie » en tant que nation distincte, furent
ainsi le résultat d'une confrontation, sur une même aire géographique, d'une
société surdéveloppée, intégrée au premier monde avec une société de subsistance, encore dans le tiers monde, manifestant le refus de l'intégration des premiers
avec les seconds.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire