« Demain jeudi 9 octobre, le Sénat examine le
projet de loi antiterroriste. Il s'agira d'une lecture unique, puisque le
gouvernement, confondant précipitation et efficacité, a décidé de la procédure
d'urgence. L'Observatoire des libertés et du numérique
(OLN) considère que cette décision prive la représentation nationale d'un débat
normal sur les libertés publiques, dans lequel les arguments contraires
auraient mérité d’être entendus.
Si la lutte contre le terrorisme est
légitime, elle ne peut justifier de légiférer en urgence sous le coup de la
peur et de l’émotion, et d’adopter des lois toujours plus liberticides. Les
événements récents posent sans aucune contestation possible la nécessité de
procéder à la poursuite, à l'arrestation et au jugement de criminels. Mais sans
le respect des principes, la lutte contre le terrorisme se réduit, aux dépens
de la justice et des libertés publiques, à une vengeance sans fin. Amender
encore une fois l’arsenal déjà lourd de la lutte antiterroriste dans ces
circonstances, c’est prendre le risque de dissoudre la délibération
démocratique dans une posture événementielle. A chaque fois qu'en matière
législative, on fait vite, on ne fait pas bien. Et c'est exactement le cas avec
la future « loi antiterroriste », déjà votée par l’Assemblée
nationale et qui va suivre la procédure d’urgence : une seule lecture à
l’Assemblée nationale et au Sénat.
Une fois de plus, au lieu de procéder à une
évaluation des lois existantes avant d’en promulguer une nouvelle qui pourrait
tenir compte de l’expérience, ce qui tient lieu d’analyse, c’est le recours
législatif immédiat et l'illusion est ainsi donnée que l'on a pris en haut lieu
la mesure du danger. Aujourd’hui le combat
contre le « djihad », comme hier celui contre le terrorisme, fait
que, de coups de menton virils en déclarations martiales, la cause est
entendue : la patrie est en danger et les atermoiements ne sont plus de
mise, même quand il s'agit des libertés publiques. Que les prises de position
honteuses de certains à droite, comme celle du député UMP Alain Marsaud, qui
invitait à « s’asseoir sur les libertés », ne viennent pas éclipser
le fait qu’aujourd’hui encore la balance
entre sécurité et libertés va dans le même sens, déséquilibrée qu’elle est vers
toujours plus de diminution des droits. Développement sans fin d’un arsenal
répressif déjà très lourd, création d’une nouvelle infraction de l’intention,
création de pouvoirs exorbitants de l’administration sur les citoyens, leurs
déplacements, leur expression, notamment sur le Net, détricotage du droit de la
presse, accroissement des pouvoirs de police et de la justice dans des domaines
allant bien au-delà du terrorisme : autant de dévoiements de notre droit,
que la lutte contre le terrorisme ne saurait légitimer.
L’argument est d’autant plus efficace que la
situation internationale est extrêmement dangereuse. A l’engagement militaire
sur un théâtre extérieur correspond une relativisation des libertés
fondamentales pour tenter de dominer l’incertitude de la période, ce qui
suffirait à dévaloriser, voire annihiler la critique.
C’est ainsi que dans la loi antiterroriste,
ses motifs n’ont que la peur comme conseillère. La Commission nationale
consultative des droits de l’Homme (CNCDH) tout comme la Commission numérique
de l'Assemblée nationale et le Conseil national du numérique se sont d'ailleurs
montrés, dans leurs avis, extrêmement critiques sur son contenu. Mais il
en adviendra de ce texte comme d'autres : le gouvernement ni ne consulte
ni ne sollicite un avis, dont il avait bien pressenti qu’il mettrait à jour
l’illégitimité et l’inefficacité de telles atteintes aux droits et libertés.
Au rebours de cette courte vue,
l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) considère que l’expérience de
ces lois appliquées dans le monde (en particulier aux États-Unis, qui s’en sont
faits le parangon avec le Patriot Act), montre que celui-ci n’est pas devenu
plus sûr avec ces méthodes. A moins d’être aveugle, il faut bien constater que
le terrorisme ne faiblit pas quand tombent les libertés publiques. Dans les
pays mêmes qui pratiquent à un degré ou à un autre la suspension des libertés
dans ce cadre, les effets sont médiocres voire contre-productifs.
C’est à l'audition d'une multiplicité de
points de vue, constitutionnel, juridique, politique, social, qu'il eût fallu
procéder. Mais le débat n’a pas eu lieu puisque les initiateurs de la loi,
telle qu'elle est, disent qu’il n’y a pas d’autre politique possible. Les
questions ne seront donc pas posées. C’est ce à quoi les organisations qui
composent l’OLN ne peuvent pas se résoudre. L'OLN appelle les sénateurs à tenir
le débat, et, s’ils ne refusent pas d’adopter la loi, à tout le moins à
proposer des amendements propres à apporter des garanties. Il appelle enfin les
parlementaires à utiliser en tout état de cause leur possibilité de soumettre
la loi au Conseil constitutionnel. »
Communiqué de l'Observatoire des libertés et du numérique : Cecil,
Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.
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