7 août 2014

La France n'est pas fonctionnariste : plaidoyer pour une fonction publique au service des citoyens


Les cheminots ne sont pas des privilégiés. (photo JCH)
Il existe un sport national en France visant à fustiger l’Etat, la fonction publique et ceux qui l’animent : les fonctionnaires. Les critiques mettent en cause une forme de non productivité, de laxisme, les emplois leur étant garantis à vie sauf assassinat ou crime organisé, ce qui est heureusement, fort rare. Les fonctionnaires appartiendraient, selon certains, à cette catégorie de salariés protégés par un statut valant CDI ad vitam aeternam. Oubliant par là même que les fonctionnaires valident leurs compétences par concours et formation continue tout au long de la vie.
Ces critiques considèrent que les professionnels de l’Education nationale ou les salariés de la SNCF, par exemple, bénéficient de privilèges : des vacances répétées, des heures de cours pas trop nombreuses, des voyages peu chers pour eux-mêmes ou pour leur famille, des retraites d’agents dits « actifs »  bien avant 60 ans. Ces « privilèges » ont été acquis au fil des décennies et dans l’intérêt des enfants, d’une part, ou de la relative faiblesse des salaires, d’autre part. Ce que l’on oublie trop souvent.

Parlons salaires justement : 2459 euros, c'est le salaire net moyen perçu en 2010 par un fonctionnaire de l'Etat. Le salaire médian (la moitié gagne moins, l'autre moitié plus) est de 2254 euros nets par mois. L'Etat emploie 44% du total des 5,23 millions de fonctionnaires, soit 2,3 millions de personnes. Ce sont les mieux lotis en termes de rémunérations. Leurs collègues de la fonction publique territoriale (1,8 million d'agents), ont perçu en moyenne, en 2010, 1800 euros nets par mois, avec un salaire net médian de 1616 euros. Les agents de la fonction publique hospitalière, au nombre de 1,1 million, gagnent eux en moyenne 2205 euros nets par mois, avec un salaire médian de 1883 euros. Peut-on dire, à la lecture de ces chiffres que les fonctionnaires, toutes catégories confondues sont avantagés alors que le point d’indice est gelé depuis trois ans et que seul le GVT (glissement vieillesse technicité) permet aux salaires de suivre l’inflation.
Les fonctionnaires sont mieux payés que les salariés du privé où le salaire mensuel net moyen s'élevait, en 2010, à 2082 euros. Le salaire médian, qui sépare la population des salariés en deux parties égales, était lui de 1675 euros. Donc oui, les fonctionnaires gagnent mieux leur vie que les salariés du privé, mais les fonctionnaires d'Etat seulement. Les agents de la fonction publique hospitalière ont un salaire légèrement supérieur, mais ceux de la fonction publique territoriale gagnent moins que les salariés du privé.  

Pourquoi ces différences ? Parce qu'il y a davantage de cadres dans la fonction publique que dans le secteur privé et que les salariés sont plus âgés dans la fonction publique que dans le privé, donc leur niveau de rémunération est plus élevé. Globalement, le secteur public propose par rapport au privé des salaires plus élevés pour les catégories les moins diplômées (ouvriers et employés) la fonction publique territoriale offrant néanmoins des niveaux de salaires relativement proches du secteur privé pour ces catégories. (1) 

Si je passe par cette digression, c’est aussi pour souligner que les agents de la fonction publique remplissent des tâches régaliennes irremplaçables et sans rapport avec un quelconque avantage pécuniaire : justice, culture, santé, police, armée, éducation, administration au sens large, etc. le tout au service des citoyens et de leurs besoins. Ils ne sont pas chargés de la production de biens ou de marchandises. Ils ne subissent pas la concurrence ou la loi terrible du marché des produits et des biens. D’ailleurs, les dirigeants du privé ont bien compris les avantages du système puisque les partenariats « public-privé » réalisés par l’Etat lui-même ou les collectivités rapportent gros aux grands opérateurs des secteurs marchands où l’Etat s’avère incapable d’agir : BTP et autoroutes pour ne citer que ces deux domaines.

Le rôle de l’Etat ? Les opposants des fonctionnaires dénoncent « la gabegie », les doublons d’emplois de certaines collectivités du millefeuille territorial, les emplois parfois fictifs de certains partis politiques, le manque de productivité. Tous ces reproches contiennent une part de vérité mais une part seulement. Si cette gabegie est de 5% des emplois, elle demeure dans la marge également recensée dans le privé.

Pour illustrer, une fois encore, le rôle prépondérant et irremplaçable de l’Etat, je vais m’appuyer sur un exemple récent pris dans un pays de l’Union européenne. Il s’agit du sauvetage de la banque portugaise Banco Espirito Santo, «coulée» par incompétence et impéritie d’agents du privé et qui vient d’être sauvée par l’Etat portugais et le mécanisme européen d’union bancaire. Ce sauvetage démontre le rôle fondamental joué, aujourd’hui, par les états et l’Europe dans l’équilibre économique des banques soumises à des crashes test permanents (mais un peu trop faciles à contourner). La nouveauté, c’est que cette fois, les actionnaires (et non les contribuables) paieront les pots cassés ! On leur imputera les créances pourries tandis que les déposants (vous et moi) verront leurs dépôts garantis. D’où les mauvais résultats actuels du Crédit agricole, actionnaire à hauteur de 14,5% de cette banque de Lisbonne ! Les actions de Crédit Agricole chez BES valent dorénavant zéro euro : bravo les banquiers avisés !

Je sais bien qu’une tendance « moderne » souhaite privatiser les bénéfices et collectiviser les pertes ! Mais la crise de 2008-2009 a instruit les gouvernements européens, lesquels avancent (lentement) vers une moralisation de la vie financière et une plus grande responsabilité des banques. On n’en est pas encore à la séparation claire et nette des activités spéculatives et des activités de dépôt mais on avance. La solution adoptée au Portugal aurait pu, aurait dû être proposée en Grèce, en Italie, en Espagne, en Irlande…partout où les défaillances bancaires ont nui à l’économie.

En conclusion, je me permets de souligner l’importance du rôle des fonctionnaires pour la bonne marche d’un état de droit, civilisé et respectueux de la dignité humaine. De même, je continuerai de défendre, malgré les défauts et les ratés inévitables dans toute société démocratique, la nécessaire régulation des activités lucratives. Je ne dirais pas, comme François Hollande, que l’adversaire c’est la finance, disons qu’elle n’est pas forcément l’amie de tout le monde.
(1) étude publiée par un journal économique.

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