Les cheminots ne sont pas des privilégiés. (photo JCH) |
Il existe un sport national
en France visant à fustiger l’Etat, la fonction publique et ceux qui
l’animent : les fonctionnaires. Les critiques mettent en cause une forme
de non productivité, de laxisme, les emplois leur étant garantis à vie sauf
assassinat ou crime organisé, ce qui est heureusement, fort rare. Les
fonctionnaires appartiendraient, selon certains, à cette catégorie de salariés
protégés par un statut valant CDI ad vitam aeternam. Oubliant par là même que
les fonctionnaires valident leurs compétences par concours et formation
continue tout au long de la vie.
Ces critiques considèrent
que les professionnels de l’Education nationale ou les salariés de la SNCF, par
exemple, bénéficient de privilèges : des vacances répétées, des heures de
cours pas trop nombreuses, des voyages peu chers pour eux-mêmes ou pour leur
famille, des retraites d’agents dits « actifs » bien avant 60 ans. Ces « privilèges » ont été acquis au fil
des décennies et dans l’intérêt des enfants, d’une part, ou de la relative
faiblesse des salaires, d’autre part. Ce que l’on oublie trop souvent.
Parlons salaires justement : 2459 euros, c'est le
salaire net moyen perçu en 2010 par un fonctionnaire de l'Etat. Le salaire
médian (la moitié gagne moins, l'autre moitié plus) est de 2254 euros nets par
mois. L'Etat emploie 44% du total des 5,23 millions de fonctionnaires, soit 2,3
millions de personnes. Ce sont les mieux lotis en termes de rémunérations.
Leurs collègues de la fonction publique territoriale (1,8 million d'agents),
ont perçu en moyenne, en 2010, 1800 euros nets par mois, avec un salaire net
médian de 1616 euros. Les agents de la fonction publique hospitalière, au
nombre de 1,1 million, gagnent eux en moyenne 2205 euros nets par mois, avec un
salaire médian de 1883 euros. Peut-on dire, à la lecture de ces chiffres que
les fonctionnaires, toutes catégories confondues sont avantagés alors que le
point d’indice est gelé depuis trois ans et que seul le GVT (glissement
vieillesse technicité) permet aux salaires de suivre l’inflation.
Les fonctionnaires sont
mieux payés que les salariés du privé où le salaire mensuel net moyen s'élevait, en
2010, à 2082 euros. Le salaire
médian, qui sépare la population des salariés en deux parties égales, était lui
de 1675 euros. Donc oui, les fonctionnaires gagnent mieux leur vie que les
salariés du privé, mais les fonctionnaires d'Etat seulement. Les agents de la
fonction publique hospitalière ont un salaire légèrement supérieur, mais ceux
de la fonction publique territoriale gagnent moins que les salariés du privé.
Pourquoi ces différences ? Parce qu'il y a davantage de cadres dans la fonction publique que dans le secteur privé et que les salariés sont plus âgés dans la fonction publique que dans le privé, donc leur niveau de rémunération est plus élevé. Globalement, le secteur public propose par rapport au privé des salaires plus élevés pour les catégories les moins diplômées (ouvriers et employés) la fonction publique territoriale offrant néanmoins des niveaux de salaires relativement proches du secteur privé pour ces catégories. (1)
Si je
passe par cette digression, c’est aussi pour souligner que les agents de la
fonction publique remplissent des tâches régaliennes irremplaçables et
sans rapport avec un quelconque avantage pécuniaire : justice, culture, santé,
police, armée, éducation, administration au sens large, etc. le tout au service
des citoyens et de leurs besoins. Ils ne sont pas chargés de la production de
biens ou de marchandises. Ils ne subissent pas la concurrence ou la loi
terrible du marché des produits et des biens. D’ailleurs, les dirigeants du
privé ont bien compris les avantages du système puisque les partenariats «
public-privé » réalisés par l’Etat lui-même ou les collectivités rapportent
gros aux grands opérateurs des secteurs marchands où l’Etat s’avère incapable
d’agir : BTP et autoroutes pour ne citer que ces deux domaines.
Le rôle de
l’Etat ? Les opposants des fonctionnaires dénoncent « la gabegie », les
doublons d’emplois de certaines collectivités du millefeuille territorial, les
emplois parfois fictifs de certains partis politiques, le manque de
productivité. Tous ces reproches contiennent une part de vérité mais une part
seulement. Si cette gabegie est de 5% des emplois, elle demeure dans la marge
également recensée dans le privé.
Pour
illustrer, une fois encore, le rôle prépondérant et irremplaçable de l’Etat, je
vais m’appuyer sur un exemple récent pris dans un pays de l’Union européenne.
Il s’agit du sauvetage de la banque portugaise Banco Espirito Santo, «coulée»
par incompétence et impéritie d’agents du privé et qui vient d’être sauvée par
l’Etat portugais et le mécanisme européen d’union bancaire. Ce sauvetage
démontre le rôle fondamental joué, aujourd’hui, par les états et l’Europe dans
l’équilibre économique des banques soumises à des crashes test permanents (mais
un peu trop faciles à contourner). La nouveauté, c’est que cette fois, les
actionnaires (et non les contribuables) paieront les pots cassés ! On leur
imputera les créances pourries tandis que les déposants (vous et moi) verront
leurs dépôts garantis. D’où les mauvais résultats actuels du Crédit agricole,
actionnaire à hauteur de 14,5% de cette banque de Lisbonne ! Les actions
de Crédit Agricole chez BES valent dorénavant zéro euro : bravo les
banquiers avisés !
Je sais
bien qu’une tendance « moderne » souhaite privatiser les bénéfices et collectiviser
les pertes ! Mais la crise de 2008-2009 a instruit les gouvernements
européens, lesquels avancent (lentement) vers une moralisation de la vie
financière et une plus grande responsabilité des banques. On n’en est pas
encore à la séparation claire et nette des activités spéculatives et des
activités de dépôt mais on avance. La solution adoptée au Portugal aurait pu,
aurait dû être proposée en Grèce, en Italie, en Espagne, en Irlande…partout où
les défaillances bancaires ont nui à l’économie.
En
conclusion, je me permets de souligner l’importance du rôle des fonctionnaires pour
la bonne marche d’un état de droit, civilisé et respectueux de la dignité humaine.
De même, je continuerai de défendre, malgré les défauts et les ratés inévitables
dans toute société démocratique, la nécessaire régulation des activités lucratives. Je ne
dirais pas, comme François Hollande, que l’adversaire c’est la finance, disons
qu’elle n’est pas forcément l’amie de tout le monde.
(1) étude publiée par un journal économique.
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