Lorsque l’Etat ou une
collectivité locale — surtout si elle dirigée par un maire FN ou UMP — veut réaliser
des économies, il s’attaque à la politique culturelle ou aux activités d’animation
culturelle. Il faut croire que les élus FN et UMP (socialistes malheureusement
aussi parfois) ont envie de sortir leur révolver quand ils entendent le mot
culture.
A Louviers, j’ignore quel
sera le sort réservé à la convention liant la ville de Louviers à la ville d’Evreux
et à la Scène nationale. Ce qu’on sait des intentions de M. Priollaud, nouveau
maire, c’est qu’il veut créer un festival de musique classique pourquoi pas en
osmose avec le Moulin d’Andé, où Suzanne Lipinska a développé musique de
chambre, académies estivales, concerts pour orchestres ou solistes accompagnés.
La semaine Alexandre Paley, pianiste mondialement renommé, rencontre plus qu’un
succès d’estime.
Même s’il n’en a rien à
faire, je souhaite évoquer à l’intention du nouveau maire de notre ville, une
anecdote liée à la venue à Louviers du Théâtre du Soleil dont on fête cette année
le 50e anniversaire de sa création. J’ai raconté récemment comment Ariane
Mnouchkine avait accepté de recevoir à la Cartoucherie de Vincennes le comité
de grève de l’usine Zimmerfer en 1972. En réalité ses liens avec Louviers
dataient de 1967. Cette année-là (1) Dans le cadre du festival de l’été, Ernest
Martin, maire, avait invité Ariane Mnouchkine à présenter à Louviers « La
Cuisine » d’Arnold Wesker. Ceux qui souhaitent en savoir plus sur le contenu de
la pièce de théâtre donnée à la salle des fêtes d’alors peuvent trouver sur
Internet un synopsis apte à satisfaire leur curiosité.
L’anecdote est la suivante :
Ernest Martin considérait que l’action culturelle devait se voir consacrer un
budget équivalent à celui destiné à l’enlèvement et au traitement des ordures ménagères.
« Les citoyens ne discutent pas les dépenses
engendrées par ce service alors qu’on pinaille sur l’entrée libre pratiquée
pour la culture active. » En effet, en apprenant que l’entrée de la salle
serait ouverte à tous sans bourse déliée, Ariane Mnouchkine menaça de ne pas
jouer. Pour elle « la gratuité » était le symbole d’un mépris à l’égard des
artistes lesquels méritaient « qu’on paie
pour les voir. » Je me souviens des explications politiques et
financières d’Ernest Martin. La culture est un droit et une municipalité de
gauche sait qu’il est plus facile de payer pour un loisir passif (une place de
cinéma par exemple) ou pour une addiction (un paquet de cigarettes) que pour un
spectacle vivant.
Faire l’entrée libre c’est au contraire placer la barre très
haut et considérer qu’aucune barrière sociale ou financière ne doit entraver l’accès
aux œuvres de l’esprit. Convaincue, Ariane Mnouchkine donna la pièce, laquelle
fit salle comble et les comédiens furent magnifiquement fêtés. Il en est de même
avec les bibliothèques ou autres médiathèques. De nombreuses communes acceptent
aujourd'hui de prêter des livres « gratuitement » ce qui est un mot impropre puisque l’impôt
permet non seulement d’acquérir des ouvrages mais aussi d’assurer les frais de
fonctionnement.
Avant de poursuivre ou non
la convention avec la Scène nationale, M. Priollaud ne devrait pas avoir le réflexe
parisien d’Odile Proust. Elle considérait que les Lovériens n’étaient pas murs
pour avoir un théâtre. Nous saurons bientôt si M. Priollaud considère qu’ils
sont assez murs pour continuer à apprécier (ou non) les programmes de la Scène
nationale.
(1) La
cuisine d’Arnold Wesker, adaptation de Philippe Léotard, mise en scène d’Ariane
Mnouchkine, décor de Roberto Moscoso.
Création
le 5 avril 1967 au Cirque de Montmartre. En 1968, représentations dans des
usines à St Etienne, Grenoble, puis à Paris. Reprise en alternance avec Les Clowns à l’Elysée Montmartre en
1970.
63 400
spectateurs.
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