François Loncle avec Richard Jacquet et Bruno Questel son suppléant (au centre) |
Le texte ci-dessous est paru dans le dernier numéro de Marianne, je le publie avec l'autorisation de François Loncle :
« Le « Hollande bashing » (1) devient la
spécialité des hebdomadaires. Le Point
a ouvert les hostilités…dès le 17 mai 2012 ! Les autres news magazines
ont, à leur tour entonné l’air de la calomnie. Accablant à foison le chef de
l’Etat, ils rivalisent de unes assassines, d’images offensantes.
Ce lynchage est d’autant plus méprisable que
l’intéressé ne peut pas répondre, au risque d’être accusé d’attenter à la sacro-sainte
liberté de la presse. La critique par les médias de l’action présidentielle est
en démocratie un droit légitime à une condition : que ce débat se déroule dans
la décence et le respect.
Or, ces hebdomadaires ont remplacé l’analyse par
la médisance, l’investigation par le clabaudage. Les journalistes ne sont plus
des rédacteurs mais des détracteurs, plus des enquêteurs mais des procureurs. Ces
Zoïle (2) zélés ne se contentent pas de dresser un réquisitoire contre le
président de la République ; ils se livrent à une véritable entreprise de
démolition.
Dans cette course
à l’échalote, Le Point, qui
appartient à François Pinault, l’un des invités du Fouquet’s, a sonné l’hallali, le directeur de la publication, Franz-Olivier
Giesbert, se réjouissant « d’avoir
un coup d’avance sur les autres ». Puis L’Express s’est lancé, à son tour, dans la chasse à l’homme. Son directeur,
Christophe Barbier, n’hésite pas à titrer sur « Les cocus de
Hollande ». Enfin, Le Nouvel Observateur
a pris part à la curée. L’hebdomadaire de Claude Perdriel n’hésite pas à interpeller le chef de l’Etat sur « ce qu’il
mijote ».
Depuis
des mois, ces magazines s’adonnent à une surenchère verbale et visuelle au
point de confondre franchise et impudence. Ils se complaisent dans les attaques
ad hominem : à « M.
Faible » répond « Pépère ». Ils apostrophent le président, le
tutoient, le rudoient.
Selon le site 365mots.com, trois quarts des unes
que L’Express a consacrées, depuis
mai 2012, au président de la République et la totalité des couvertures du Point sont négatives, alors que le
traitement réservé à son prédécesseur apparaît nettement plus équilibré. Giesbert
et Barbier n’ont jamais montré M. Sarkozy dans une position humiliante ou
ridicule. Et Dieu sait si…Alors qu’avec François Hollande, les privautés et l’incorrection
sont de règle.
Depuis une décennie, la
presse écrite française traverse une crise profonde. Même s’il affecte
particulièrement les quotidiens nationaux, ce marasme n’épargne pas les
hebdomadaires. Ceux-ci affrontent la concurrence débridée des chaînes de
télévision et des stations de radio d’informations en continu, des sites en
ligne, de la blogosphère, des réseaux sociaux, des téléphones portables, des
tablettes. Par leur réactivité, ces nouveaux médias conditionnent, désormais, la
diffusion des nouvelles. Les magazines tentent donc de les concurrencer en
versant dans l’outrance. Laurent Joffrin admet que le « Hollande bashing »
poursuit surtout des visées vénales. Qu’importe l’honnêteté, la vérité, pourvu
que le titre accroche.
Pourtant,
cette stratégie commerciale s’essouffle. Au premier trimestre 2013, les ventes
au numéro ont chuté de 7% pour Le Point et
de 8% pour L’Express. Seul Le Nouvel Observateur s’en sort, grâce
au scoop licencieux de Marcella Iacub. Le « Hollande bashing » ne
paye plus : « M. Faible » n’a été vendu qu’à 63 000 exemplaires. Le Point semble regretter le
vibrionnisme omniprésent de M. Sarkozy, un « bon client » dont les extravagances
gestuelles et les débordements langagiers faisaient vendre. Pour s’en
convaincre, il suffit de comparer le tapage médiatique orchestré par le pouvoir
pour la libération des infirmières bulgares et d’Ingrid Betancourt au retour
décent et sobre de Florence Cassez et de la famille Moulin-Fournier.
La personnalité de
François Hollande, sa conception apaisée du mandat présidentiel, son style
consciencieux ont heurté les hebdomadaires. Leur amertume s’est alors retournée
contre celui qui osait les priver de leur pitance.
Les news magazines
mentent effrontément à leurs lecteurs, en les attirant avec un titre affriolant
que les éditoriaux contredisent parfois. Laurent Joffrin admet, implicitement,
faire montre d’hypocrisie. Reconnaissant le caractère « provocant »
du titre « Sont-il si nuls ? », qui se réfère au membres du
gouvernement, il répond lui-même à cette interrogation : « Non, ils ne sont pas nuls, mais trop lents ». Quant au Point, il a atteint un degré extrême de
duplicité, en prêtant à l’hôte de l’Elysée la citation imaginaire « Oh ! J’avais oublié de vous
dire !» qui sous-entend qu’il aurait volontairement menti par
omission. Plus encore qu’une escroquerie intellectuelle, c’est une félonie. Cette
falsification vise à berner le lecteur et à nuire au président de la
République. Christophe Barbier ne s’en cache même pas : « Nous devons soit devancer l’actualité, soit la créer. »
Ne serait-il pas encore plus simple de l’inventer carrément ?
Dotés d’un ego démesuré, ces patrons de presse suffisants
autant qu’insuffisants s’imaginent en démiurges. En réalité, ils ne sont que des
aventuriers de papier, des forbans de rotatives. Ces frustrés de la politique
ne rêvent que de faire et défaire les gouvernements, de façonner et de manipuler
l’opinion publique. Comme François Hollande applique la ligne choisie avec les Français, ils se
transforment en juges, en instruisant le procès en légitimité d’un président
démocratiquement élu. Les hebdomadaires contribuent ainsi à nourrir le populisme
et à favoriser les extrêmes en dévalorisant le chef de l’Etat. L’escalade
verbale à laquelle ils se livrent sans vergogne contribue à saper les
fondements institutionnels de la république.
Le
« Hollande bashing » ne se justifie d’aucune façon. Comme l’a remarqué
le sociologue allemand Ulrich Beck, « l'excitation
des éditorialistes qui font monter François Hollande sur leur échafaud de
papier paraît très exagérée et tout à fait intempestive. » Tous les
sondages confirment que les Français apprécient, sur le plan personnel, un président
« déterminé »,
« sincère », « courageux ». Sur le Mali, il a été perçu
comme « convaincant ». Dans l’affaire Cahuzac, il a agi promptement
dès qu’il a eu les preuves. C’est un homme combatif et opiniâtre. Il tient un
discours de vérité. Conscient de la gravité de la crise, il sait que sa
résolution nécessite du temps. Quitte à exaspérer ces hebdomadaires versatiles
qui se repaissent de l’instantané, du futile et du trivial. Il inscrit son
action dans le long terme et doit être, en conséquence, évalué sur la durée de
son mandat.
Depuis
son élection, François Hollande a déjà accompli de substantiels changements. Il
a réorienté la politique européenne, instauré le dialogue entre les partenaires
sociaux, créé des emplois jeunes, réalisé la Banque publique d’investissement, établi
le contrat de solidarité, institué le mariage pour tous…
Que
les hebdomadaires cessent, enfin, de se dévoyer. Qu’ils retrouvent honneur et
dignité. Qu’ils redeviennent le fleuron de la presse française. Sinon, ils risquent
d’être encore brocardés par le dessinateur Joann Sfar caricaturant Christophe Barbier
confessant à une rédaction nerveuse : « Et malgré tous nos efforts,
nous n’arrivons pas à faire des unes aussi c… que celles du Point »...»
François Loncle, Député de l’Eure, Ancien Ministre
(1) ou dénigrement systématique du président de la
République
(2) critique d’Homère
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