20 mars 2013

L'affaire Cahuzac donne raison à Médiapart et à ses méthodes d'investigation

Edwy Plenel, directeur de Médiapart. (photo JCH)

Jérôme Cahuzac n’a que trop attendu. Il aurait dû démissionner en janvier quand Médiapart a lancé la petite bombe qui continue d’exploser. Tant que Jérôme Cahuzac n’est pas déclaré coupable par un tribunal, il doit être il est vrai, considéré comme un citoyen innocent. Mais le parquet de Paris — il vient d’ouvrir une information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale — est dorénavant sûr à 95% que l’enregistrement que détenait Michel Gonelle (UMP) est fiable et non trafiqué. Et que par conséquent, c’est bien Jérôme Cahuzac lui-même qui évoque l’existence d’un compte UBS en Suisse et que « ce n’est pas la banque la plus planquée. »
Un juge d’instruction va être désigné pour enquêter sur cette affaire de blanchiment de fraude fiscale et de fonds dont l’origine pourrait bien être ceux versés par des laboratoires pharmaceutiques à une période où Jérôme Cahuzac dirigeait un cabinet conseil. Attendons les prochains épisodes d’un feuilleton qui ne fait que commencer.
On peut tirer, d’ores et déjà, plusieurs leçons de cette affaire naissante.
A tout seigneur tout honneur, saluons l’enquête des journalistes de Médiapart. Fidèles à leur pratique relativement récente (Médiapart n’a que cinq ans d’existence) mais déjà éprouvée (1) Edwy Plenel, Fabrice Arfi et tous les journalistes dans l’action prouvent qu’une presse libre, indépendante, courageuse, peut apprendre au public des faits et des comportements liés à l’exercice de la démocratie. Un ministre du budget et de gauche peut-il être celui par qui un scandale de fraude fiscale arrive ?
Si la réponse est évidente, elle aurait dû l’être beaucoup plus tôt pour François Hollande. La président de la République a cru (ou fait celui qui y croyait) les affirmations péremptoires de son ministre : « jamais je n’ai eu de compte à l’étranger ! » Face à une accumulation de faits troublants, François Hollande aurait dû demander à Jérôme Cahuzac de se démettre en janvier non par culpabilité mais par volonté de préserver la crédibilité de l’exécutif.
La situation de Jérôme Cahuzac ? Redevenu un citoyen ordinaire, il va se défendre comme un citoyen ordinaire. Autrement dit, il ne sera plus entravé par sa position de ministre ni par la tentation de se servir du pouvoir pour retarder l’action judiciaire. J’ignore, évidemment, quelle sera la suite du feuilleton et je prends même le pari que Jérôme Cahuzac sera réélu triomphalement (sauf s’il était déclaré inéligible avant mars 2014 et définitivement) à la mairie de Villeneuve-sur-lot. Les Tibéri, à Paris, condamnés récemment à une inéligibilité pour des faits remontant à 1995 vont se pouvoir en cassation et se présenter aux élections de 2014 ! 19 ans après les faits, les Tibéri continuent leur besogne…
Sans triomphalisme, je souhaite noter que malgré les attaques des Apathie, des médias parisiens, Médiapart a maintenu son cap et sort grandi de cette affaire. Depuis le départ, je suis de ceux qui défendent Médiapart, non par corporatisme mais par la certitude que des moyens d’informations non conformistes sont absolument indispensables dans une démocratie toujours en danger.
Enfin, comme militant socialiste, je ne peux que déplorer l’existence d’une pareille affaire. Quand on milite à gauche, on attend des dirigeants de gauche, socialistes notamment, moins d’arrogance et moins d’obsession pécuniaire.
(1) Médiapart est l’organe d’information responsable des affaires Bettencourt-Woerth et Takiedine-Karachi. Ce n’est pas rien.

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