21 mars 2012

Quand Jean-Luc Mélenchon « reprend la Bastille »

C’est la première fois, en pleine campagne électorale, qu’un candidat osait appeler à une manifestation de rue. Et ce fut une belle réussite : plusieurs dizaines de milliers de sympathisants, sans doute plus de 100 000 personnes ont défilé dimanche 18 mars entre Nation et Bastille.

Deux fois plus de participants qu’à Villepinte le dimanche précédent, malgré tout l’argent dépensé par l’UMP et malgré la pluie car, dimanche il y avait toutes les raisons de scander « Le temps est pourri, le gouvernement aussi ! »

Le centre de gravité de la gauche se déplace à gauche
La manifestation de dimanche va pousser la gauche plus à gauche et c’est tant mieux. Elle va aider à mettre les questions sociales au centre du débat de la présidentielle et c’est tant mieux.
Comme le souligne Hervé Gattegno, rédacteur en chef du Point sur les ondes de RMC, à l’adresse des gens de droite : « Ce n’est pas parce que Nicolas Sarkozy et les siens trouvent subitement toutes les qualités du monde à Jean-Luc Mélenchon qu’il est forcément leur allié ».
Bien au contraire car Jean-Luc Mélenchon a réussi à cristalliser toute une sensibilité de la gauche que François Hollande n’arrive pas à fédérer.
Bien au contraire, car cette manifestation fait barrage à la volonté de Nicolas Sarkozy d’abaisser le plus qu’il le peut le niveau de la campagne pour nourrir l’abstention.
C’est sans doute la première leçon à tirer de ce dimanche 18 mars.

Une seule gauche
C’était évident et c’est sans doute la deuxième leçon à tirer de cette manifestation réussie. Tous les commentaires des médias l’attestent : la manifestation du 18 mars mêlait des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (sans doute les plus nombreux) et des électeurs de François Hollande, heureux de voir leurs idées « reprendre » la Bastille.
Benoît Hamon le constatait justement : « C’est poreux entre les différentes formations de gauche ». Tous les sondages d’opinion le confirment puisque 90 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon déclarent qu’ils voteront François Hollande au second tour.
Il n’y a pas de concurrence entre « deux gauches » mais complémentarité entre toutes les sensibilités de la gauche pour battre Sarkozy. Affirmer le contraire serait prendre le risque de diviser la gauche et d’entraver la dynamique de victoire au second tour. Face à ce que signifierait la victoire de Sarkozy, pour l’emploi, les salaires, la santé, le droit de grève, l’école... nous sommes tous (PS, FG, Ecologistes, NPA, LO) dans le même camp. Chaque composante de la gauche contribue à la victoire finale.
Le meilleur des programmes ne servirait à rien sans la victoire commune. Cette victoire permettra au contraire de faire avancer, en reprenant la Bastille à chaque fois qu’il le faudra, toutes les revendications dans lesquelles 80 % des électeurs de gauche se reconnaissent : VIe République, 35 heures, retraite à 60 ans, Smic à 1700 euros par mois…
En 1936, le Front populaire n’avait dans son programme ni les congés payés, ni la semaine de 40 heures, ni les conventions collectives. Mais c’est la victoire du Front Populaire qui a permis la mobilisation du salariat, la grève générale et amené la majorité de gauche à voter toutes ces mesures.

Rien n’est joué
L’élection présidentielle est l’élection clef de la Ve République. Chacun sait qu’elle déterminera la couleur de la vague qui suivra aux élections législatives : rose-rouge-verte ou bleue. Nous n’avons pas choisi ce cadre, il nous est imposé par la constitution de la Ve République.
Non, le danger d’un nouveau 21 avril n’est pas écarté. En 2002, Jean-Marie Le Pen atteignait 17 % des suffrages exprimés au premier tour alors qu’il culminait à 12 % dans tous les sondages 10 jours plus tôt. C’est parfaitement compréhensible, 30 % des électeurs prennent leur décision dans ces derniers 10 jours. Ce sont souvent les moins politisés, les plus enclins à voter pour le Front National. Marine Le Pen est aujourd’hui aux alentours de 17 % à cinq semaines du 1er tour. Si elle progressait dans les mêmes proportions que son père en 2002, elle se situerait à 24 % le 22 avril. François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen se retrouveraient alors dans la même fourchette de 23 ou 24 %. Un vrai cauchemar. Bien sûr, cela n’a rien d’inéluctable. Mais qui pourrait accepter de courir ce risque ?
Il est important, ensuite, que François Hollande soit en tête au 1er tour. L’argument qui voudrait que cela n’ait pas d’importance sous prétexte que François Mitterrand soit arrivé second en 1981 et Lionel Jospin en tête en 1995, ne tient pas la route. C’est faire abstraction de l’image de « gagnant » dont bénéficie Sarkozy auprès des gens de droite. Casser cette image et étouffer dans l’œuf la dynamique de sa campagne de second tour est un enjeu déterminant du 1er tour de la présidentielle.
Sarkozy n’est pas encore battu. Le seul candidat de gauche capable de le battre, c’est François Hollande. Pour nous, socialistes animateurs de la revue Démocratie & Socialisme, il est important que dès le premier tour une forte dynamique se créée autour du candidat socialiste pour assurer sa victoire le 6 mai.

(communiqué de Démocratie et socialisme)

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