Nous avons repris dans notre précédent article consacré aux émissions « l’Auditorium » de Jean-Luc Mélenchon le thème de sa seconde intervention consacrée au thème de « La souveraineté en question dans la crise ».
Indisposé par l’odeur nauséabonde qu’exhale le climat politique actuel tant au niveau national que local, nous ne perdrons pas notre temps à entrer dans le jeu polémique que tentent de nous imposer d’une part le président de la République et ses sbires et d’autre part le président de l’Agglomération Seine-Eure. Pour tenter de nous faire oublier, les premiers l’affaire Woerth/Bettencourt, le second, celle de l’écrêtement de ses indemnités de maire au profit de sa compagne Ghislaine Baudet.
Nous préférons revenir sur le premier épisode de « l’Auditorium » qui avait pour sujet : « Les plans d’austérité sont voués à l’échec ». Comme précédemment, nous tenterons d’en faire une synthèse et de proposer aux lecteurs de ce blog une réflexion sur ce sujet qui comme celui de la souveraineté va les concerner, en raison de la crise mondiale de la finance, au cours des prochains mois et sans doute des prochaines années dans leur vie quotidienne.
Nous l’avons vu au cours des semaines qui ont précédé la trêve estivale, la plupart des pays européens se sont convertis à l’austérité qu’ils n’osent pas tous appeler rigueur. Parmi les premières mesures mises en &oeliguvre figurent la réduction drastique du nombre des fonctionnaires quand ce n’est pas également la baisse de leur salaire, la réduction des dépenses sociales, le gel et parfois la baisse des dépenses de l’État. Ces sacrifices sont-ils inévitables ? Les plans coordonnés sont-ils indispensables et nécessaires pour permettre à l’Union européenne de retrouver le chemin d’un développement partagé ? Voilà les questions que pose le journaliste Michel Soudais à Jean-Luc Mélenchon.
« Les pays de l’Union européenne qui ont fait ce choix sont tous dominés par une idéologie politique qui les aveugle » dit Jean-Luc Mélenchon. « Ils ne font que reproduire des mécanismes déjà vus à l’&oeliguvre et qui tous ont mal fini. Ces politiques de rigueur ne serviront par conséquent à rien sinon qu’à aggraver la situation des pays qui s’y soumettent. L’exemple de cette absurdité nous est fourni avec l’Espagne qui a fait l’objet d’une attaque spéculative alors même que son endettement de 60% du produit intérieur brut (PIB) ne dépassait pourtant pas les critères exigés par le traité de Maastricht. Sous la pression du Fonds monétaire international (FMI) que dirige Dominique Strauss-Kahn, elle a alors adopté un plan d’urgence. Et qu’a t-on constaté, alors que la situation aurait dû ainsi s’améliorer ? L’Espagne a été attaquée par les marchés financiers, ceux-là mêmes que le plan d’urgence était sensé rassurer. Les mêmes agences de notation, en grande partie responsables de la crise pour n’avoir pas fait leur travail, déclaraient alors qu’un tel plan allait faire se contracter l’économie et entrer le pays en récession et que les rentrées fiscales de l’État espagnol diminuant, il ne serait pas en mesure d’honorer sa dette. Elles en ont tiré les conséquences et dégradé sa note. L’Espagne devra désormais emprunter à des taux plus élevés ce qui ne manquera pas d’aggraver la dette publique. Tout cela donc n’aura servi à rien sinon à aggraver la situation du pays ».
Les remèdes appliqués prouvent que les conséquences de la grande crise de 1929 n’ont toujours pas été tirées puisque sont rééditées les mêmes erreurs, pourtant dénoncées au G20. Lorsque la dépense publique se contracte, c’est toute l’économie qui suit puisque sont ajournés par exemple de grands chantiers. Il s’ensuit une spirale récessive qui s’autoalimente.
Et sans remonter à la grande crise de 1929, au cours des vingt dernières années, tous ces plans de rigueur conduits par le FMI dans différents pays d’Amérique latine se sont soldés sans exception par des échecs retentissants. L’exemple le plus fameux est évidemment celui de l’Argentine, présenté à l’époque comme le modèle. Et c’est ce type même de plan que le FMI a proposé au cours de sa tournée à chacun des pays européens qui ont fait appel à lui.
Pourquoi donc se demande Jean-Luc Mélenchon, ces gens prennent des décisions aussi stupides dont ils savent qu’elles n’ont aucune chance de succès ? À chaque fois, leur seul objectif est de garantir la stabilité de la monnaie, c’est-à-dire la valeur des avoirs de ceux qui possèdent le capital, qu’ils soient actionnaires privés ou institutions d’État. C’est le mythe de la monnaie forte, de l’euro fort, tellement fort qu’il fait s’effondrer les exportations, alors même qu’il devrait s’adapter. « Chaque fois que l’euro baisse de 10%, les exportations croissent de 5% et cela produit 1% de richesse supplémentaire pour notre pays ». C’est cette méthode même qu’utilisent les États-Unis d’Amérique pour faire concurrence à la Chine. Car eux ne se privent pas de jouer le dollar à la baisse pour favoriser leurs exportations, ce que s’interdit totalement de faire la Banque centrale européenne (BCE). C’est ainsi que nous avons connu la situation folle et catastrophique où l’euro a valu jusqu’à 1,60 dollar.
Pour comprendre tout cela, notamment pourquoi des gouvernements sensés être de bords politiques différents comme le sont ceux de l’Allemagne d’Angela Merkel et de l’Espagne de José-Luis Zapatero, en viennent à adopter les mêmes politiques, il est nécessaire de faire un retour en arrière. Et de considérer comment l’idéologie dominante libérale et monétariste s’est depuis une trentaine d’année progressivement imposée à tous, encouragée par les banques et les institutions financières qui dominent la planète. Pensons à ce que fut le blairisme au Royaume-Uni. Tous considèrent le capitalisme comme le modèle indépassable et toute autre mode d’organisation de la société comme des utopies dangereuses. Ce qui est navrant poursuit Jean-Luc Mélenchon, « c’est de voir la plupart des dirigeants socialistes qui ont renoncé aux outils du socialisme, analyser la crise avec les outils intellectuels des libéraux ». Et de ce fait parvenir aux mêmes conclusions que ces derniers.
À gauche, on connaît depuis longtemps les tares génétiques du capitalisme qui débouchent immanquablement sur les crises et sur l’inflation ou la guerre. Modèle productiviste, le capitalisme pour survivre doit sans cesse produire davantage tout et n’importe quoi, n’importe où et dans n’importe quelles conditions. Pour vendre toujours plus, il doit sans cesse faire baisser les prix et pour cela les salaires de ceux qui produisent mais sont aussi les acheteurs potentiels. Ce n’est pas là la moindre de ses contradictions. C’est ainsi que l’on a vu, principalement aux États-Unis sous les mandats de George W. Bush, se développer des politiques de crédit insensées afin de soutenir l’immobilier et la consommation des ménages. Avec au final le résultat que l’on connaît.
Le recours au crédit est indispensable à l’économie. Pour l’État, par exemple, qui doit financer des équipements d’infrastructure très lourds. Cela, c’est du bon endettement. « Lorsque le Premier ministre Fillon déclare en 2007 que l’État est en situation de faillite et que les caisses sont vides, cela est pur mensonge » affirme Jean-Luc Mélenchon. Pour lui, les libéraux ont méthodiquement organisé l’appauvrissement de l’État. D’abord en augmentant la dette publique. M. Balladur d’abord qui l’a multipliée par deux. Les gouvernements de droite par la suite. C’est traditionnellement la technique qu’ils utilisent pour affaiblir l’État. C’est par exemple par des remises d’impôts de plus en plus conséquentes dont le bouclier fiscal est le dernier avatar. Depuis 2002, la tranche la plus riche de la population a ainsi été gratifiée de plus de 30 milliards d’euros de remises d’impôts. C’est aujourd’hui par les 73 milliards d’euros logés dans les niches fiscales et les 40 milliards estimés de fraude fiscale. C’est encore par des exonérations de charges ou d’impôts non justifiées aux entreprises. C’est enfin par la vente de tout ce qui rapportait à l’État. Ainsi, les entreprises publiques privatisées rapporteraient annuellement à l’État 40 milliards d’euros. Si les banques nationalisées étaient restées dans le giron de l’État, les bénéfices vertigineux qu’elles font – y compris en spéculant contre l’État –, seraient restés dans le domaine public. Si donc l’État, comme on veut nous le faire croire, est en faillite, ce n’est pas en raison de dépenses de fonctionnement inconsidérées mais bien en raison de la diminution massive de ses recettes.
La France n’a jamais été aussi riche. Elle produit aujourd’hui annuellement 1.950 milliards d’euros quand elle n’en produisait que 1.000 en 1981. Mais cette richesse n’a jamais été aussi inégalitairement répartie, au seul bénéfice d’une infime minorité, celle-là même qui bénéficie de surcroît du bouclier fiscal. Et c’est tout cela qu’il faut changer.
Reynald Harlaut
Parti de Gauche
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