L’indécente proposition du conseiller à l’agriculture de l’Élysée nous a donné l’occasion d’aborder la question de la situation dramatique que connaît actuellement une part importante des agriculteurs français (producteurs laitiers, éleveurs, producteurs de fruits et légumes). « Éclectic », l’excellent magazine du samedi matin de Rebecca Manzoni sur France Inter vient d’y apporter une contribution très intéressante. Thomas Chauvineau, journaliste reporter, dans son « Journal de bord », a rencontré Mickaël Poillion, un petit agriculteur du Pas-de-Calais.
Celui-ci tient un discours qu’on a trop rarement l’occasion d’entendre venant de la profession. Il jette un regard sans concession sur les politiques successives qui ont conduit le monde agricole dans cette impasse, mais esquisse aussi des propositions originales pour l’avenir. À la tête d’un troupeau d’une soixantaine de vaches, produisant aussi des pommes de terres et du blé biologiques, ce jeune agriculteur parvient grâce à cette diversification à tirer modestement son épingle du jeu. Voici en quelques lignes une courte synthèse de ses positions.
En bloc, il dénonce :
— la concurrence stérile entre agriculteurs : la compétition dans la productivité, la course au gigantisme dans le matériel d’exploitation,
— le système productiviste qui ne se préoccupe pas de la demande et déverse sur les marchés mondiaux ses excédents subventionnés qui ruinent les agricultures du Sud,
— la productivité à outrance et les accords internationaux [de l’OMC] qui ont spécialisé des continents entiers sur des productions spécifiques comme le soja, devenu indispensable dans cette logique,
— la répartition des subventions européennes de la PAC dont les 25 plus gros bénéficiaires ne sont pas des agriculteurs mais des industriels de l’agro-alimentaire, tels que la société Doux (poulets Père Dodu) qui a engrangé à elle seule en 2008, 63 millions d’euros de subventions européennes.
— L’éloignement insensé entre producteurs et consommateurs.
Pour l’avenir, il souhaite :
— un ajustement permanent de la production à la demande,
— des subventions, oui, mais uniquement pour compenser les distorsions de concurrence dues au handicap de certains types d’exploitation comme l’agriculture de montagne,
— des regroupements d’agriculteurs en coopératives de proximité et la relocalisation des transformateurs : le lait qu’il produit en Picardie est transformé sur place en poudre de lait à des fins industrielles et part dans le monde entier, tandis que celui que ses enfants boivent à l’école a pu parcourir des milliers de kilomètres à travers l’Europe pour parvenir jusqu’à eux.
Mais, actuellement, dos au mur, beaucoup ne disposent plus des marges de manœuvre suffisantes pour réorienter leur production et investir collectivement dans d’autres choix. Face à eux, les plus puissants, souvent les plus aidés, attendent sans aucune pitié qu’ils s’effondrent pour les racheter à vil prix. Dans cette agriculture néolibérale de compétition, il n’y a pas de place pour la solidarité.
Reynald Harlaut
Parti de Gauche
Pour réécouter l’interview de Mickaël Poillion :
www.radiofrance.fr/franceinter/em/eclectic/
(photo Reynald Harlaut)
1 commentaire:
Je pense que les agriculteurs se sont trop spécialisés en devenant producteur de lait plutôt que de faire un peu de tout comme c'était le cas au siècle dernier. Ils n'ont aucune porte de sortie de cette façon. Et bien souvent ils ont fait ce choix pour une question d'argent, espérant de l'aide de l'Europe, de toute façon. Ils ont l'habitude des demandes de subvention, en tout cas, il me semble et ne se débrouillent plus comme autrefois, en hommes d'affaires pour chercher d'autres débouchés de leur produit. Ils sont devenus prisonniers du système et plus vraiment des agriculteurs libres, qui transforment leur lait en produit laitiers qu'ils vendent sur le marché tout près.
Sylvia Mackert
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