15 décembre 2018

Le referendum d'initiative citoyenne n'est pas la panacée…


La France n’est pas la Suisse. Dans la confédération helvétique (par définition composée de plusieurs cantons autonomes) la votation locale fait partie de l’histoire nationale. Pour des raisons économiques, sociétales, culturelles, les citoyens sont souvent invités à donner leur avis et il arrive que les réponses aux questions soient négatives. Transposer ce système démocratique dans l’hexagone me semble pourtant vain.

Pourquoi ? La France est un pays jacobin, encore très centralisé, où l’égalité demeure une valeur fondamentale. Personne n’imagine la région Centre (par exemple) se doter d’une « loi » applicable sur son seul territoire. La constitution veille à ce que l’unité du pays soit préservée et que partout la loi s’applique de la même manière. C’est le produit de 200 années ponctuées d’empires, de monarchies et de républiques lesquelles ont abouti à l’identité nationale actuelle.

Parmi les revendications des gilets jaunes figure une demande de referendum d’initiative citoyenne. Sans que l’on sache vraiment ce qu’il y a derrière, ce besoin de démocratie directe prouve que le suffrage universel actuel ne semble plus suffisant à satisfaire les citoyens en colère. A Louviers, on a expérimenté cette démocratie dite participative entre 1965-1969 et 1976-1983. Des commissions extra-municipales (pas seulement composées d’élus locaux) ont fonctionné de manière à associer les citoyens aux projets municipaux et aux décisions qui les concernent. Avec un succès franchement inégal car la participation nécessitait de disposer de temps libre, d’une information complète et d’une certaine formation par exemple, celle d’apprendre à parler en public ce qui n’est pas aussi simple qu’on le croie.

Laurent Mauduit auteur de La Caste (1)
Dans un referendum, tout dépend de la question posée et de celui ou celle qui la pose. C’est bien pourquoi ce mode d’expression est à manier avec d’infinies précautions. Il s’agit en effet d’éviter autant le plébiscite que d’enfoncer des portes ouvertes. Je suis personnellement attaché à la démocratie représentative laquelle a souffert lors des dernières élections présidentielle et législative. Emmanuel Macron a en effet été élu par défaut face à Marine Le Pen. On ne peut pas dire que son programme ait été formellement approuvé par les Français. Idem aux législatives lors desquelles les Français ont souhaité demeurer cohérents…mais insatisfaits.

C’est cette frustration qu’on paie aujourd’hui et qui, dans un même mouvement européen voire mondial, favorise les populistes dont l’extrême droite. Les sondages indiquent que la liste RN (ex-FN) arriverait en tête aux prochaines européennes devant la liste LRM derrière à un point et, plus loin derrière encore, les Républicains et la France insoumise avec 12 et 10 points. Le tremblement de terre idéologique de 2017 connaît donc une forte réplique qu’un vote citoyen ne suffira pas à calmer. 

Le gouvernement propose trois mois de débats locaux. Acceptons en l’augure sans avoir aucune illusion sur leurs conclusions et surtout, sur leur éventuelle traduction législative malgré les promesses d'Edouard Philippe. Il sera toujours temps de s’exprimer lors des prochains scrutins nationaux avec, en mars 2020, les élections municipales, élections suprêmes de proximité et, pour le coup, de projets concrets.

(1) « La Caste » (éditions La Découverte), enquête sur cette haute fonction publique qui a pris le pouvoir. On découvre comment Emmanuel Macron et ses collègues inspecteurs des finances ne cessent de faire des allers et retours entre le privé et la haute fonction publique. 

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