1 novembre 2018

Ségolène Royal n'a perdu ni son énergie ni sa mémoire


En 2007, j’ai évidemment voté pour Ségolène Royal au premier et au second tour de l’élection présidentielle. Face à Nicolas Sarkozy, la candidate de « désir d’avenir » semblait la mieux à même d’empêcher l’accession de ce dernier à la présidence de la République. Pendant longtemps, elle a été la favorite des sondages mais c’était sans compter sur la campagne de démolition interne laquelle allait conduire à la défaite de la candidate de la gauche au second tour par 53 % contre 47 %.
Dans le livre qu’elle vient d’écrire (1) et qu’on peut se procurer dans toutes les bonnes librairies, l’ancienne députée des Deux-Sèvres, l’ancienne présidente de la Région Poitou-Charentes, l’ancienne ministre et conseillère de François Mitterrand, raconte comment  elle a vécu les agressions sexistes, les attaques machistes de la part de ceux qui devaient pourtant être ses camarades. Ségolène Royal, invitée de l’émission C dans l’air, n’y est pas allée de main morte hier soir. Elle s’est même payée le luxe de dézinguer son ancien compagnon, François Hollande, « le seul défaut de la candidate » selon Arnaud Montebourg, en insistant sur le fait que le mélange détonant de vie publique-vie privée n’a arrangé ni sa campagne ni ses affaires.

Ce qu’elle déplore le plus, c’est qu’on ait pu mettre en cause son intelligence et que ses rivaux de la primaire socialiste l’aient fait passer pour « une gourde ». « J’avais pourtant, assure-t-elle, autant de diplômes qu’eux et autant, sinon plus d’expérience et de compétence. » Sans le mouvement « me too», elle n’aurait sans doute pas écrit ce livre, en tout cas pas avec ce ton-là. La parole libérée des femmes, partout dans le monde, justifie qu’elle se livre à quelques confidences intimes et l’autorise à décrire l’enfer que fut sa campagne durant laquelle elle fut humiliée même si, heureusement, bien des hommes l’ont entourée et défendue. Ségolène Royal demeure pourtant pleine d’énergie et de dynamisme pour défendre deux causes essentielles à ses yeux et aux nôtres : le féminisme et l’écologie. Elle demeure persuadée que le combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes et pour la défense d’une planète durable (avec changement de modèle à la clé) sont des atouts forts pour un avenir plus enviable. Certes, « les mâles blancs et hétéros » ne sont pas une espèce en voie de disparition (comme 60 % des vertébrés de notre monde périssable) mais les temps « they are a changing » comme dirait Bob Dylan. A la veille des élections européennes, Ségolène Royal ménage le suspens : candidate, oui ou non ? Elle dira en janvier si elle accepte de prendre la tête d’une liste de gauche qui ne soit ni mélenchoniste ni macroniste, ni purement socialiste si ce mot a encore un sens en 2018. 

Ne soyons pas dupes. La sortie du livre de Ségolène Royal, pour sincères et vraies que soient ses confessions, répond à un timing étudié. Qu’elle y règle quelques comptes, pourquoi pas ? Mais maintenant, elle doit passer à autre chose : Quelle construction Européenne veut-elle ? Quelles alliances est-elle prête à conclure ? Quelle sera sa place sur l’échiquier politique alors qu’elle ne s’attend à aucune mansuétude de ses anciens amis toujours prompts à la tourner en dérision. Il ne manquerait plus qu’un nouveau Laurent Joffrin la traitât de Bécassine…Nul n’est parfait. A Libération ou ailleurs.
(1) « Ce que je peux enfin vous dire » éditeur Fayard.

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