5 février 2018

François Fillon, un homme aussi double que trouble


On leur donnerait le bon Dieu sans confession. (Capture d'écran).
Une émission qui fait honneur à la télévision et au journalisme. « François Fillon, l’homme qui ne pouvait être président de la République » a vu le jour grâce à Bruce Toussaint, connu pour sa présentation de « C dans l’air » où il remplace Caroline Roux en fin de semaine. Ce journaliste éclairé a eu la bonne idée d’imaginer un documentaire pédagogique à souhait expliquant par le menu la chute de la maison Fillon lors de la campagne présidentielle de 2017. 

Bruce Toussaint, interrogé sur le contenu du récit a raison d’insister sur la méconnaissance partagée par le monde politico-médiatique de la personnalité de François Fillon. Cet élu provincial — pas passé par les grandes écoles — fils de notaire imprégné de catholicisme intégriste, est un taiseux. Mystérieux et silencieux à souhait, le Fillon député, ministre, premier ministre, n’a jamais joué les extravertis et encore moins les bateleurs à la Sarkozy. Pendant des décennies, il a été épargné par les journalistes d’investigation de Médiapart ou du Canard enchaîné tant il semblait à l’abri de tout soupçon. Ne voyait-on pas en lui l’homme scrupuleux, animé par des valeurs et des principes rigoureux, la contre image d’un Sarkozy qui, on le découvre dans le documentaire, a passé son temps à humilier son « collaborateur ».

Les hommes et les femmes humiliées se vengent un jour, d’où la campagne anti-Sarkozy sur le thème « imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? » qui allait rattraper le candidat Fillon lucide quand même sur le fait qu’aucun scénario n’est écrit à l’avance. Il ne croyait pas si bien dire car Fillon portait une cuirasse vulnérable. Sa solitude, son arrogance, son mépris des médias, son amour de l’argent et des…« costumes » allaient devenir son talon d’Achille. Les hommes et les femmes politiques appelés à parler de Fillon sont soit estomaqués, soit contraints, soit convaincus de l’échec à venir. Même ses amis proches ou son directeur de campagne (Patrick Stefanini intelligence remarquable) ne comprennent pas sa stratégie après qu’il a triomphé au cours d’une primaire de la droite en trompe l’œil puisque le candidat Fillon dissimulait l’homme Fillon. 

Le rédacteur en chef du Canard enchaîné décrypte l’enquête ouverte par ses journalistes et aboutissant aux découvertes fatales pour Fillon. Et aussi, bien sûr, cerise sur le gâteau, le piège tendu par Robert Bourgi (l’homme qui offre les costumes et le blazer à boutons dorés) a fonctionné à plein : « Je devais le niquer » avoue-t-il sans broncher ! Effectivement, avec des amis comme ceux-là, on n’a pas besoin d’ennemis.

Idem pour Alain Juppé qui, à l’évidence, n’a jamais renoncé à devenir le plan B et donc à être le candidat de remplacement. Quand il voit les Baroin et consorts sur la scène du Trocadéro, il a compris que Sarkozy (qu’on n’entend ni ne voit) l’empêchera de concourir et que le choix de la défaite est consommé. On peut comprendre l’amertume de Gilles Boyer et son ultime tentative de conduire le maire de Bordeaux dans l’arène électorale. On apprécie aussi la dignité d’un Juppé droit dans ses bottes assurant qu’il met fin à la farce des « Républicains » battus avant d’avoir combattu.

Finalement, qu’il se soit trouvé 20 % des électeurs pour apporter leur voix à cet homme aussi double que trouble démontre que les valeurs dont il se réclamait et qu’il a piétinées étaient loin d’être une référence partagée. Je parie aussi qu’un jour, un documentaire identique ou approchant nous fera mieux connaître Laurent Wauquiez, soi disant ami de Sœur Emmanuelle qu’il n’approcha pourtant qu’une fois sur son lit de douleurs ! Les Républicains ne sont pas au bout de leurs peines.

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