4 janvier 2018

En matière de liberté d’expression et de liberté de la presse, on ne doit toucher aux textes que la main tremblante


Le président de la République veut lutter contre les fake news, notamment en période électorale. Il a encore au travers de la gorge, durant la dernière campagne présidentielle, les affirmations d’un site russe indiquant qu’il avait un compte caché aux Bahamas, information que des opposants (le FN notamment) eurent tôt fait de relayer plus ou moins officiellement. Pour ce faire l’usage des blogs d’extrême droite, les tweets des partisans des chemises noires, le relais flou mais propagandiste de certains sites officiels comme celui de RT (Russia today) ont obligé les équipes réunies autour d’Emmanuel Macron à réagir…mais avec des moyens limités ou tardifs.

légende : voir  en bas de page.
En évoquant ces fake news devant les journalistes présents à l’Elysée, hier, le Président de la République sait qu’il va susciter un débat au sein de la presse elle-même et aussi parmi les partis politiques, ce qui n’empêche pas les citoyens que nous sommes d’avoir une opinion. Qu’est-ce qu’une fake news : c’est une information de l’ordre de la rumeur, inventée de toutes pièces, ne s’appuyant sur aucun fait objectif, destinée à tromper l’opinion ou à tout le moins à la conduire à douter. Donald Trump est évidemment l’exemple le plus criant d'utilisateurs de fausses nouvelles. Malgré les évidences, la réalité des faits, la vérité (toujours relative certes) il parvient chaque jour à distiller un poison qui agit lentement, progressivement, mais qui, à terme, risque de faire s’effondrer l’édifice démocratique auquel la presse concourt.

Emmanuel Macron n’a pas tort quand il souhaite que des textes légaux puissent sanctionner rapidement et sévèrement les auteurs de ces fausses nouvelles qu’Internet répand à foison. Et la liberté d’expression ? Nous ne sommes pas aux États-Unis. La démocratie mature qu’est la France dispose de textes réprimant la diffamation, l’injure, la propagation de fausses nouvelles. François Fillon a même tenté d’utiliser ce biais pour faire condamner le Canard enchaîné dans l’affaire des emplois familiaux. Il a perdu mais des lois existent. Il n’en demeure pas moins qu’une difficulté réelle surgit quand il s’agit de faire la différence entre fait et opinion. La loi future doit garantir à nouveau ce bien précieux nécessaire au débat et à la liberté de choix des électeurs. Trump a inventé le concept de vérité alternative, une escroquerie sémantique ravageuse auprès des personnes les moins informées et donc crédules.

Le canal que propose Emmanuel Macron est plus spécifique, plus précis. Il vise à prévenir le délit de propagation de fausses nouvelles en créant un arsenal juridique dissuasif autant que répressif. Même s’il est nécessaire de légiférer pour tenir compte du contexte technologique actuel (la fausse nouvelle se répand à la vitesse de la lumière), je souhaite bien du courage et beaucoup de prudence à ceux et celles qui rédigeront la future loi. En matière de liberté d’expression et de liberté de la presse, on ne doit toucher aux textes que la main tremblante.

Légende de la photo © Jean-Charles Houel : en 1977 à Louviers lors d'une campagne électorale municipale, le SAC (Servide d'action civique) avait collé des affiches dans Louviers au nom de la liste d'Action de gauche. Il s'agissait évidemment (par la propagation d'une fausse nouvelle) de susciter un réflexe de peur neuf ans après les événements de mai 1968. Poursuivis, les responsables furent identifiés et pour certains condamnés devant le tribunal correctionnel d'Evreux.

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