La presse française et étrangère,
les téléspectateurs français dans leur immense majorité ont jugé Marine Le Pen
minable, agressive, menteuse, lors du débat avec Emmanuel Macron. En
pourrissant le face à face par des interruptions permanentes, en démontrant l’absence
de projet crédible et cohérent, en méprisant son adversaire d’un soir, l’ex-future
présidente du Front national s’est discréditée, décrédibilisée. Elle n’est prête
ni à gouverner ni à devenir une opposante de long terme. Même des frontistes l’ont
trouvée mauvaise et sans grandeur.
Est-ce si étonnant ? C’est
une chose de jouer les grandes gueules dans des meetings de convaincus, de
distribuer des sifflets pour agonir un adversaire, de s’inspirer de Donald
Trump pour renverser la table ou de faire la lèche aux insoumis. C’en est une
autre de débattre pendant deux heures trente, de dialoguer « projet contre
projet » de s’affirmer comme candidat potentiel à la présidence surtout quand l’adversaire
connaît parfaitement son texte et sa musique. Pour y parvenir, il faut être préparé,
posséder les qualités personnelles et intellectuelles idoines et « couvrir »
des domaines aussi complexes que l’économie, l’Europe, les relations
internationales, le devenir des institutions, le rôle du Parlement…Manifestement,
Marine Le Pen n’appartient pas à la catégorie, réduite il est vrai, des
personnalités politiques capables de devenir chef d’Etat ou de gouvernement.
Pendant deux heures trente, les Français ont découvert la vraie Marine Le Pen,
digne héritière de son père, matériellement et idéologiquement. Sans l’imparfait
du subjonctif mais avec le sourire sur commande, Mme Le Pen ressemble de plus
en plus à celui qu’elle a voulu cacher et qu’elle a banni du mouvement qu’il
avait créé. Mais les remarques aussi insidieuses que perfides, les mensonges éhontés,
notamment sur le compte caché d’Emmanuel Macron aux Bahamas (1), ont rappelé
aux Français de 2017 que Jacques Chirac avait eu raison d’affirmer : « on ne débat pas avec le Front national ». Ce parti n’est pas dans le champ démocratique
et républicain. Il joue son jeu, applique ses règles et parvenu au pouvoir,
effacerait toutes les traces d’un débat contradictoire légitime.
« Jeanne d’Arc au secours !
» aurait donc pu s’écrier la candidate Le Pen pendant le débat. Alors qu’Emmanuel
Macron parvenait tant bien que mal, à parler du fond, à expliquer les hérésies
de son adversaire, Mme Le Pen s’enfonçait petit à petit dans ses épaules et
dans son siège. Battue à plate couture, elle fut incapable de changer de stratégie
alors que celle choisie la poussait à la faute et au KO. Les sondages d’avant
second tour n’ont pas tardé en enregistrer une baisse sensible de Mme Le Pen. Les
disputes entre amis sur le vote blanc, l’abstention ou le vote Macron n’en
deviennent que plus anecdotiques voire dérisoires. Il reste à faire le travail
et à donner aux abstentionnistes de gauche et de droite une satisfaction intérieure
qu’ils n’auront pas méritée.
Tous et toutes ont
maintenant en point de mire les législatives et la redistribution des cartes.
La nouvelle partie qui commence sera conditionnée par le choix du Premier
ministre et du gouvernement de transition, les investitures et la qualité des
impétrants, la capacité des forces de gauche et de droite, à s’assurer un
minimum d’esprit collectif. Voilà qui va nous occuper encore quelques temps.
(1) Des sites d’extrême
droite relaient cette fausse nouvelle depuis des semaines. M. Macron a porté
plainte, l’enquête est en cours.
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