La fragilité de la situation financière de la ville va-t-elle contraindre le maire à revoir ses projets ? |
La situation financière de la
ville de Louviers est « fragile ». Autrement dit et en langage clair, cela veut
dire qu’elle est mauvaise. Et cette situation ne date pas d’hier. Il y a en
effet belle lurette que les citoyens de notre ville et les observateurs
impartiaux considèrent que le poids de la dette municipale est excessif, que
les capacités d’investissements sont limitées et que les taux des impositions
(taxe foncière et taxe d’habitation) sont bien supérieurs aux moyennes
admissibles.
A n’en pas douter, et même s’il
la conteste, cette analyse a lourdement pesé dans le résultat de l’élection
municipale de 2014 et la défaite de Franck Martin (1). Le rapport de la Chambre régionale
des comptes sur la gestion municipale lovérienne (2) de 2011 à 2015 (soit cinq
exercices) souligne à nouveau les aspects négatifs de cette gestion. Même s’ils
constatent des efforts en 2014 et 2015, les magistrats financiers déplorent des
tendances lourdes qu’il faudra des années afin d’en atténuer les effets.
On ne balaie pas d’un coup
de baguette magique des défaillances dans l’entretien d’un parc immobilier (qu’on
ignore en détail !) une course aux investissements heureusement compensée
depuis que l’agglomération Seine-Eure a décidé de prendre en charge centre
nautique et patinoire, enfin et surtout, les obstacles principaux que
constituent la baisse des dotations de l’Etat (3). Si l’on ajoute un
autofinancement réduit à la portion congrue et un fonds de roulement obligeant
la commune à tirer des lignes de crédit à « perpet », on comprend pourquoi la
gestion Martin avait suscité des opposition internes solides et argumentées.
Il n’en est que plus aisé
pour les ex-opposants de la droite devenus majoritaires de se plaindre d’une
situation qu’ils affirment vouloir redresser (progressivement) et que j’ai
souhaité mieux connaître encore. C’est pourquoi j’ai adressé à François-Xavier
Priollaud, maire, cinq questions liées à l’analyse de la Chambre régionale des
comptes. Il y a répondu avec précision même si le maire actuel, prudent, a parfois usé
d’un vocabulaire préservant l’avenir notamment sur sa promesse de baisse des
impôts. Je n’ai évidemment rien changé au texte de mes questions ni à celui des
réponses du maire.
(1) Franck Martin a omis (?) de répondre aux demandes d'explications de la Chambre régionale des comptes.
(2)
De 2011 à 2013
gestion Martin, ensuite gestion Priollaud.
(3)
François Fillon
envisage de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires essentiellement dans les
collectivités territoriales. Il continuera donc de diminuer les dotations afin d'obliger les régions, départements, métropoles et agglomérations à « dégraisser ».
La Chambre régionale des comptes met en
évidence une faible capacité d’autofinancement. Comment comptez-vous y
remédier ?
« J'ai hérité à mon élection d'une épargne
nette négative, ce qui signifie que la ville n'était alors pas en mesure
d'investir un seul euro sans emprunter ! Depuis 3 ans, nous avons restauré une
capacité d'investissement qui, si elle reste encore faible, a vocation à
augmenter significativement chaque année pour nous permettre de mener à bien
notre programme d'investissements. Les efforts de gestion que nous menons
depuis 2014 produisent leurs effets. Contrairement à l'ancienne municipalité,
nous n'avons pas fait le choix de la facilité consistant à systématiquement
augmenter les impôts, alors même que les dotations de l'Etat étaient
stables. C'est dramatique d'avoir agi à si courte vue. »
L’augmentation des dotations de l’agglomération
Seine-Eure comblera-t-elle, à l’avenir, la baisse des dotations de
l’Etat ?
« Il n'est pas prévu d'augmentation des
dotations de l'agglomération Seine-Eure ! Et tout nouveau transfert de
compétence s'accompagne au contraire d'une réduction de la compensation versée
par l'agglomération. C'est par nos efforts de gestion, et par nos seuls efforts
que depuis 2014, nous digérons la baisse - historique par son ampleur - des
dotations de l'Etat. Cela passe par l'instauration de procédures de gestion
très strictes, par la mise en concurrence de secteurs qui ne l'étaient pas comme,
par exemple, la conception et l'impression du journal municipal. Nous avons
également procédé à une importante réorganisation des services de la ville qui
permet des mutualisations et une meilleure performance de l'action publique
locale, pour le service des habitants. A moyen et à long terme, c'est par le
dynamisme de nos ressources fiscales qui nous rétablirons durablement les
finances de la ville. Ce dynamisme, il ne doit pas résulter de
l'augmentation des impôts mais de l'augmentation de la population
de Louviers et donc du nombre de contribuables. On peut tout à la fois baisser
les impôts et augmenter les recettes fiscales ! C'est le cœur de notre
stratégie d'attractivité plutôt que de se lamenter sur la baisse inéluctable
des dotations de l'Etat. »
Les charges de personnel : La
Chambre régionale considère qu’elles sont trop élevées, que les emplois non
titulaires subissent une certaine inflation. Quelle va être votre politique
dans ce domaine ?
« Lorsque je suis devenu maire, personne
n'était capable de me dire combien d'agents étaient employés par la ville !
C'est un comble non ? Je n'évoque pas le sujet des heures supplémentaires qui
n'étaient absolument pas contrôlées et représentaient plusieurs centaines de
milliers d'euros. La chambre régionale des comptes le dénonce sous la mandature
Martin et souligne les progrès réalisés depuis 2015. La hausse du nombre des
emplois non titulaires est due à la mise en œuvre de la réforme des rythmes
scolaires. Pour marquer une rupture avec les dérives et les négligences du passé,
j'ai procédé il y a 18 mois à une réorganisation de la direction générale des
services et nous avons mis en place des règles qui n'existaient pas en matière
de gestion des ressources humaines. Instauration d'une démarche métier, plans
de formation, mobilité interne, communication interne: nous sommes partis d'une
page blanche ce qui est préoccupant dans une ville de 20 000 habitants.
Beaucoup d'emplois permanents étaient occupés par des personnels non
titulaires. J'ai décidé d'engager une politique de titularisations des agents
concernés, dans un souci de justice et d'équité. Cette politique a d'ores et
déjà bénéficié à une quinzaine d'agents municipaux.
La situation financière de la ville est «
fragile ». Etes vous d’accord avec ce constat ? L’absence de fonds de
roulement oblige la ville à tirer des lignes de trésorerie pour faire face à
ses dépenses ? Est-ce durable ?
« Bien sûr que la situation financière de la
ville de Louviers reste fragile. Je ne vais pas vous dire le contraire puisque
je martèle ce discours depuis mon élection. Je me souviens des conseils
municipaux où l'ancien maire déclarait haut et fort qu'il m'avait laissé une
ville en parfaite santé financière. Au dernier conseil municipal, depuis la
publication du rapport de la chambre régionale des comptes, vous aurez noté le
changement de ton. Il fait profil bas. Mais si la situation demeure fragile,
nos efforts menés sans relâche depuis trois ans, nous ont permis d'assainir
structurellement les finances de la ville et de passer d'un cercle vicieux -
celui du surendettement et de l'absence d'autofinancement - à un cercle
vertueux qui nous autorise à redevenir optimistes pour l'avenir. »
D’une manière plus générale, quelle
va être votre politique financière d’ici 2020 ? Baisserez vous les taux
d’imposition comme vous l’avez déclaré publiquement ?
« Nous allons poursuivre jusqu'en 2020 les
efforts engagés depuis 2014. Nous n'avons pas d'autre choix si nous voulons
restaurer l'attractivité de Louviers. Mais un mandat de bonne gestion est tout
à fait compatible avec un mandat de projets et de projets ambitieux ! Le
contraire serait inquiétant. Oui nous allons baisser les taux d'imposition, non
pas de façon spectaculaire car nous n'en avons pas les moyens et ce serait
perçu comme électoraliste. Nous allons baisser les taux d'imposition de façon
progressive mais continue dans le temps. C'est la condition de notre
crédibilité et l'expression de la sincérité de notre démarche. »
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